La Société européenne de cardiologie (ESC) a publié pour la première fois des recos spécifiques concernant à la fois myocardite et péricardite. Les nouveautés sont nombreuses, aussi bien dans le diagnostic, la prise en charge et le suivi que dans les modalités de reprise de l’activité sportive… Les points à retenir en MG.

Parmi la salve de recos de l’ESC publiées le 29 août 2025, outre une mise à jour sur les dyslipidémies, un sujet a fait l’objet de premières guidelines européennes : la prise en charge de la myocardite et de la péricardite. Elles sont parues dans European Heart Journal . Si la péricardite avait déjà fait l’objet de guidelines européennes en 2015, c’est une première pour la myocardite.

Définition et épidémiologie

La myocardite et la péricardite sont des maladies inflammatoires, respectivement du myocarde et du péricarde, qui peuvent se chevaucher. Face aux étiologies similaires de ces deux pathologies, les auteurs de ces recos commencent leurs préconisations en introduisant un nouveau terme générique, le syndrome myopéricardique inflammatoire (SMI). Ce dernier englobe tout le spectre allant des myocardites isolées aux péricardites isolées, en passant par les formes mixtes (myopéricardite, à dominante péricardite ; périmyocardite, à dominante myocardite). Le SMI a vocation à s’appliquer de la suspicion initiale d’une de ces maladies jusqu’à son diagnostic final.

Logiquement, il existe encore peu de données épidémiologiques sur le SMI. Toutefois, dans une étude observationnelle française, 3 % des patients se présentant avec une douleur thoracique aux urgences ont reçu un diagnostic de myocardite ou de péricardite. L’incidence de la péricardite aiguë est estimée à 3 - 32 cas/100 000 personnes-années, tandis que celle de la myocardite aiguë est d’environ 6,3 - 8,6 cas/100 000 habitants.

Étiologie

Les causes de SMI sont très diverses, et la maladie n’est pas forcément d’origine infectieuse. Les myocardites et les péricardites partagent des étiologies communes, mais ayant des prévalences distinctes.

La myocardite est présumée d’origine majoritairement virale. Les virus les plus souvent impliqués sont les entérovirus, les adénovirus, le parvovirus B19, certains herpèsvirus, les virus de la grippe, les coronavirus. D’autres infections bactériennes ou parasitaires peuvent être en cause dans des régions spécifiques du globe, notamment par les bactéries du genre Borellia (maladie de Lyme), ou par le parasite Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas).

En cas d’origine non infectieuse, les causes peuvent être une maladie systémique (lupus systémique, sclérodermie systémique, polyarthrite rhumatoïde, MICI, artérite à cellules géantes, sarcoïdose, etc.), une maladie spécifique à un organe (myocardite à cellules géantes, myocardite lymphocytaire, myocardite à éosinophiles, sarcoïdose cardiaque isolée) ou génétique (cardiomyopathie héréditaire), ou une réaction immunitaire à un vaccin, un médicament ou un produit toxique.

L’étiologie de la péricardite dépend largement du contexte épidémiologique, populationnel et clinique. Alors qu’elle est surtout virale ou idiopathique dans les pays riches (plus de 80 % des patients hospitalisés), dans les régions à faibles revenus, la tuberculose est responsable d’environ 70 % des cas – surtout des personnes atteintes du VIH. Un nombre croissant de cas est lié à des procédures interventionnelles ou à de la chirurgie (syndrome de Dressler). La péricardite peut aussi être causée par des maladies systémiques, des tumeurs (cancer du poumon, du sein, lymphomes, leucémies), de la radiothérapie... Un terrain génétique est suspecté dans les péricardites récurrentes.

Des symptômes à connaître

Les experts ont élaboré une liste de « drapeaux rouges » qui doivent suggérer la présence d’un SMI, détaillés dans le tableau 1. En cas de suspicion, une stratification du risque clinique de myocardite ou de péricardite doit être réalisée en utilisant le tableau 2 afin de déterminer la stratégie optimale de prise en charge. Elle se base sur une évaluation clinique complète incluant l’histoire du patient, l’examen physique, mais aussi l’ECG, la mesure de biomarqueurs, la radiographie thoracique, et l’électrocardiographie. La sérologie n’est pas recommandée, sauf en cas de suspicion d’hépatite C, de VIH ou de maladie de Lyme. L’IRM cardiaque est recommandée pour diagnostiquer la réaction inflammatoire. L’admission à l’hôpital s’impose dans la péricardite à risque élevé (évalué avec le tableau 2), ou à risque élevé ou intermédiaire.

Une biopsie endomyocardique est préconisée chez les patients à myocardite à risque élevé, en instabilité hémodynamique, ou à risque intermédiaire mais ne répondant pas à la thérapie conventionnelle, afin de détecter le sous-type histologique de myocardite et d’évaluer la présence de génome viral pour affiner le traitement. La biopsie péricardique est peu indiquée en pratique clinique. La coronarographie ou l’angioscanner, selon la probabilité clinique, est recommandée chez les patients à SMI si un syndrome coronarien aigu est suspecté pour exclure une maladie coronarienne.

Traitement

La prise en charge est avant tout hospitalière, avec des traitements symptomatiques et une surveillance étroite pour repérer d’éventuelles complications, comme l’insuffisance cardiaque.

Dans la péricardite, l’aspirine à pleine dose ou des AINS avec IPP sont recommandés en première ligne. Les corticostéroïdes peuvent être considérés seulement en cas de contre-indications à l’aspirine et aux AINS, ou dans des indications spécifiques. La colchicine est recommandée en complément de l’aspirine, des AINS ou des corticoïdes pour limiter les récidives. Dans la péricardite récidivante, après échec des thérapies de première ligne et des corticoïdes, les anti-IL- 1 sont préconisés (anakinra et rilonacept, ce dernier n’étant pas encore disponible en Europe). Dans une péricardite récurrente réfractaire aux traitements précédemment évoqués, l’hydroxychloroquine peut être utilisée pour limiter la récidive.

Dans la myocardite, le traitement varie selon l’étiologie. Dans la forme lymphocytaire (non virale, la plus fréquente en Europe), la première ligne est la prednisone dans les formes non sévères (1 mg/kg/j au début, puis diminution des doses) et la méthylprednisone dans les formes sévères (7 - 14 mg/kg/j en IV pendant 3 jours, puis 1 mg/kg/j). Les bêtabloquants peuvent être prescrits pendant au moins 6 mois dans la myocardite aiguë, pour prévenir les arythmies. Dans les formes virales, le traitement est celui de l’agent infectieux dans la maladie de Lyme et la maladie de Chagas. Les AINS couplés à des IPP doivent être considérés en cas de symptômes de péricardite. La colchicine est suggérée dans la myopéricardite.

Suivi après hospitalisation

Après l’hospitalisation initiale, une visite de suivi avec ECG dans les 6 mois post épisode aigu est recommandée, ainsi qu’une surveillance à long terme chez les patients diagnostiqués avec une myocardite compliquée ou avec une péricardite incessante ou récidivante, afin d’identifier rapidement d’éventuelles complications ou récidives. Les informations à recueillir lors du suivi d’un SMI, les tests à demander au labo ou à l’imagerie, ainsi que les modalités de ces visites après sortie d’hôpital sont résumées dans le tableau 3.

Nouveautés sur la pratique sportive

Pour finir, la question du délai avant la reprise du sport revient souvent chez les patients, souvent jeunes. Là où les précédentes recos précisaient une éviction de l’activité physique pendant au moins 3 à 6 mois selon le statut des patients (athlètes ou non-athlètes), les nouvelles recos innovent en indiquant une approche individualisée, avec une éviction du sport d’au moins 1 mois, prolongée jusqu’à rémission complète, cette dernière étant constatée lors du suivi par la normalisation des symptômes, des biomarqueurs et de l’imagerie. À noter : en phase aiguë de myocardite, le repos doit être complet, l’exercice à cette phase étant associé avec l’arythmie et la mort subite cardiaque.

Références
Schulz-Menger J, Collini V, Gröschel J, et al. 2025 ESC Guidelines for the management of myocarditis and pericarditis: Developed by the task force for the management of myocarditis and pericarditis of the European Society of Cardiology (ESC).  Eur Heart J 29 août 2025.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Myocardite : quand évoquer le diagnostic ?  Rev Prat (en ligne) 15 février 2023.
Trochu JN, Piriou N. Quand évoquer une myocardite ?  Rev Prat Med Gen 2019;33(1029):748-50.
Martin Agudelo L. Myocardites/péricardites postvaccinales : nouvelles données françaises.  Rev Prat (en ligne) 9 novembre 2021.
MouquetF, TricotO, Zores F. Item 235 (ancien 233) – Péricardite aiguë. Rev Prat 2020;70(3):3083-7.
Marques C, Cacoub P. Péricardites. Rev Prat 2021;71(1);79-83.
Charron P. Péricardite aiguë : le plus souvent idiopathique ?  Rev Prat Med Gen 2019;33(1016);152-4.

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