Le rôle du microbiote dans la physiopathologie de la maladie de Parkinson a été évoqué par plusieurs travaux de recherche, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas élucidés. Pour la première fois, une étude coréenne parue dans Nature Communications a identifié un métabolite microbien capable de provoquer la neurodégénérescence dopaminergique.

Alors que la maladie de Parkinson (MP) touche environ 270 000 malades en France, des zones d’ombre entourent sa physiopathologie. On sait que la perte des neurones dopaminergiques et l’agrégation en fibres amyloïdes d’α-synucléine dans la substantia nigra pars compacta sont à l’origine de nombreux déficits moteurs. Bien que les mécanismes en cause ne soient pas complètement élucidés, plusieurs facteurs environnementaux – dont l’âge, les infections virales ou encore le microbiote intestinal – semblent impliqués.

Un microbiote différent dans la MP

De précédentes études ont montré une composition altérée du microbiote intestinal chez les malades par rapport à la population générale, tandis que le microbiote fécal des patients promeut des symptômes parkinsoniens chez des souris surexprimant l’α-synucléine. D’où l’hypothèse suivante : des métabolites du microbiote intestinal contribueraient à la MP en facilitant le développement de fibres amyloïdes d’α-synucléine dans le cerveau. L’action du microbiote intestinal se ferait via l’axe intestin-cerveau – c’est-à-dire, via la signalisation biochimique qui relie l’intestin au système nerveux central.

Afin de découvrir les bactéries et métabolites potentiellement impliqués dans ce mécanisme, des scientifiques coréens ont mené une étude ambitieuse mêlant données humaines et expérimentation animale, parue le 5 septembre dans Nature Communications. Ils ont commencé par séquencer le génome d’échantillons fécaux humains issus d’une précédente analyse (234 sujets âgés contrôle sain, 491 patients atteints de la MP) et ont ainsi déterminé que l’espèce bactérienne Streptococcus mutans était significativement associée avec la MP. En s’intéressant aux gènes exprimés par cette bactérie, ils ont constaté qu’urdA – un gène codant pour l’urocanate réductase, une enzyme produisant le propionate d’imidazole (PI) – s’exprimait davantage dans le groupe MP.

Une neurodégénérescence liée à S. mutans

Pour tester l’impact de la colonisation de l’intestin par S. mutans, les chercheurs ont administré cette bactérie à des souris de laboratoires axéniques – c’est-à-dire initialement exemptes de microbiote – par gavage hebdomadaire sur 28 jours. En guise de contrôle, des S. mutans pasteurisées (et donc non vivants) ont été administrées de la même manière à d’autres souris axéniques.

S. mutans a prospéré dans les lignées où elle n’était pas pasteurisée, notamment dans l’iléon et le côlon, sans causer d’anomalies en termes de poids du corps, du cerveau ou du cæcum. En revanche, dans ces lignées, les chercheurs ont mis en évidence une neurodégénérescence dopaminergique dans la substantia nigra plus marquée que dans le groupe ayant consommé la bactérie pasteurisée, soutenant le fait que cette bactérie doit être métaboliquement active pour déployer sa pathogénicité.

Les chercheurs ont ensuite montré que la neurodégénérescence observée dans les souris colonisées par S. mutans était liée à la production bactérienne de PI par l’activité du gène urdA, et que le PI produit par S. mutans dans l’intestin pouvait pénétrer dans la circulation sanguine, et augmentait probablement la concentration cérébrale de PI. Or, dans le cerveau, le PI active des voies de signalisation entraînant la perte des neurones dopaminergiques, une neuro-inflammation et, in fine, des symptômes moteurs parkinsoniens. Cette neurotoxicité de PI serait ainsi à l’origine de son rôle de médiateur pathologique de l’axe intestin-cerveau dans la MP.

Le propionate d’imidazole, médiateur pathologique

Les chercheurs ont confirmé cette hypothèse dans une autre expérience : ils ont injecté des agrégats de fibrilles préformées d’α-synucléine à des souris, d’abord traitées par antibiotiques pour supprimer leur microbiome, qu’ils ont ensuite colonisées par S. mutans. Résultat ? Les souris colonisées par la bactérie ont connu une aggravation significative de leurs symptômes parkinsoniens et de leur neurodégénérescence, probablement en raison des effets neurotoxiques induits par le PI bactérien, selon les auteurs. Enfin, ces derniers ont constaté davantage d’agrégation pathologique d’α-synucléine dans des souris modèles de la MP ayant reçu des injections de PI.

Pris ensemble, ces résultats montrent pour les auteurs que le propionate d’imidazole microbien, produit dans le microbiome intestinal par l’action de l’enzyme bactérienne urocanate réductase, est un médiateur pathologique direct de l’axe intestin-cerveau dans la maladie de Parkinson.

Des résultats qui représentent une grande avancée dans la compréhension mécanistique du lien entre altération du microbiote et MP et ouvre la voie à des nouvelles perspectives thérapeutiques.

Référence
Park H, Cheon J, Kim H, et al. Gut microbial production of imidazole propionate drives Parkinson’s pathologies.  Nature Com 5 septembre 2025.
Pour en savoir plus :
Carey G, Defebvre L. Item 106. Maladie de Parkinson.  Rev Prat 2024;74(8);897-906.
Martin Agudelo L, Nobile C. Parkinson : premier traitement pour freiner l’évolution ?  Rev Prat (en ligne) 4 avril 2024.
Mallordy F. Conduite avec Parkinson ou Alzheimer : nouvelles recos.  Rev Prat (en ligne) 16 septembre 2025.
Parkinson : 270 000 malades en France. Rev Prat (en ligne) 10 avril 2025.
Ribéreau-Gayon A. Maladie de Parkinson : les personnes vivant près d’un golf sont plus à risque.  Rev Prat (en ligne) 21 août 2025.
Mallordy F. Le microbiote intestinal en cause dans la maladie d’Alzheimer.  Rev Prat (en ligne) 6 novembre 2023.
Mallordy F. Modulation du microbiote avec des prébiotiques : des effets chez les seniors.  Rev Prat (en ligne) 29 mars 2024.

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