La péricardite récidivante (ou récurrente) est caractérisée par la survenue d’épisodes inflammatoires péricardiques récurrents de durée variable. Sa prise en charge nécessite une coordination étroite entre le médecin traitant, un cardiologue et/ou un médecin interniste au sein de centres experts.
La maladie a fait l’objet d’un nouveau protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de la HAS, paru le 5 décembre 2025 et rédigé sous l’égide de la Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI²R) et de la Filière nationale de santé des maladies cardiaques héréditaires ou rares (Cardiogen). Quelle conduite à tenir pour le MG ?
Quand évoquer le diagnostic ?
Le diagnostic de péricardite récidivante repose sur au moins une récurrence d’épisode de péricardite aiguë, avec un intervalle libre asymptomatique d’au moins 4 à 6 semaines.
Les signes cliniques sont comparables à ceux de l’épisode initial : douleur thoracique, frottement péricardique, modifications de l’ECG et/ou épanchement péricardique à l’imagerie. La confirmation diagnostique repose sur un faisceau d’arguments cliniques et d’imagerie (échocardiographie, voire prise de contraste péricardique en IRM si besoin), ainsi que sur un argument biologique essentiel : l’augmentation des marqueurs de l’inflammation (notamment la CRP). L’absence de syndrome inflammatoire ou un tableau atypique doit faire reconsidérer le diagnostic et prendre un avis expert.
Le rôle du médecin traitant est donc crucial pour reconnaître précocement un nouvel épisode, initier une prise en charge symptomatique adaptée et orienter le patient vers le spécialiste ou le centre de référence si besoin.
Quelles causes ?
Dans la majorité des cas, l’étiologie reste indéterminée, avec une forte présomption de déclencheur viral (une virose précède souvent le premier épisode). Les péricardites idiopathiques et virales sont généralement associées à un bon pronostic en termes de mortalité ou de morbidité cardiovasculaire. Le principal risque est la récidive.
Cependant, il convient d’éliminer, avec les centres experts, des causes spécifiques telles que certaines maladies auto-immunes (lupus, maladie de Sjögren, polyarthrite rhumatoïde), et dans les formes qui se prolongent dans la durée des causes infectieuses (tuberculose), néoplasiques, médicamenteuses, post-infarctus ou chirurgie cardiaque.
Chez les enfants, ou en cas de récidives fréquentes, une origine auto-inflammatoire, auto-immune ou génétique doit être évoquée.
Le médecin traitant participe à cette évaluation étiologique initiale : recueil précis de tous les antécédents (même très anciens) personnels et familiaux, des signes extracardiaques, de l’évolution, orientation vers des examens complémentaires en lien avec le(s) spécialiste(s).
Traitements
La colchicine est le traitement de fond de référence pour prévenir les récidives. Il est prescrit de façon systématique pendant au moins 3 mois (même si les symptômes ayant mené à consulter étaient résolutifs en quelques jours) voire plus, selon l’évolution. Attention : adapter les posologies en cas d’insuffisance rénale et selon les interactions médicamenteuses (encadré 1 ci-contre) ; notamment, les macrolides et apparentés sont contre-indiqués. Surveiller attentivement la survenue de signes éventuels de surdosage (diarrhée, vomissements, faiblesse musculaire, fourmillements dans les doigts et orteils, pâleur des lèvres et des paumes de mains, perte récente ou plus importante de cheveux). Le fractionnement en deux prises par jour peut contribuer à réduire les effets indésirables (EI) digestifs.
L’aspirine (ou un autre AINS) est utilisée lors des poussées aiguës, associée à la colchicine, en l’absence de contre-indication et en surveillant la tolérance digestive et rénale.
Si dans les recos ESC 2025, la prednisone à faible dose (0,2 - 0,5 mg/kg/j) est recommandée en cas d’intolérance ou de CI aux AINS ou de cause sous-jacente, les auteurs de ce rapport restreignent la corticothérapie à des situations très exceptionnelles (connectivites [lupus], post-chirurgie chez l’enfant]). En-dehors de ces cas, « la corticothérapie n’a plus de place dans le traitement des péricardites aiguës ou récidivantes, y compris dans les formes sévères », précisent-ils, ce traitement étant associé à davantage d’EI, et possiblement à un risque de récidive plus élevé.
En cas de formes récidivantes ou réfractaires, des biothérapies (anakinra ou autre) peuvent être prescrites en centre expert (hors AMM). L’anakinra peut ensuite être poursuivi sous surveillance du médecin traitant.
L’algorithme de traitement médicamenteux des péricardites est indiqué dans la figure.
Suivi au long cours
La gestion à long terme repose sur la prévention des récidives, la surveillance des effets indésirables des traitements et l’accompagnement du patient dans sa vie quotidienne. Le suivi régulier repose sur les points suivants :
- surveillance clinique et biologique : vérifier la disparition des symptômes, surveiller la CRP ;
- réduction progressive des traitements : les traitements doivent être diminués très lentement, sur plusieurs mois/années. Toute tentative de sevrage doit être réalisée sous contrôle strict, en collaboration avec le spécialiste ;
- éducation thérapeutique : informer le patient sur les signes de rechute, l’importance de l’observance et les EI des traitements.
Attention : les patients décrivent une altération importante de la qualité de vie, avec un retentissement négatif sur leur vie professionnelle dans 50 % des cas. De plus, ils peuvent se sentir isolés ou incompris face à une maladie invisible par un tiers ; une attention particulière doit être portée à la reconnaissance de leur vécu.
Pour les enfants et les adolescents atteints, le suivi est fait en lien étroit avec les centres pédiatriques spécialisés.
Pour les femmes en âge de procréer, certains traitements sont contre-indiqués en cas de grossesse (AINS, certains immunosuppresseurs, certaines biothérapies, mais pas la colchicine). Une contraception est alors indispensable, et toute grossesse doit être planifiée et surveillée en lien avec les spécialistes.
Chez les sportifs, une limitation adaptée de l’activité sportive est nécessaire jusqu’à la rémission clinicobiologique (et échographique) complète (voir encadré 2).
Devant des signes de récidive (douleur thoracique, conséquences cliniques de la réapparition d’un épanchement, signes ECG, élévation de la CRP) il faut adresser sans attendre le patient pour une prise en charge la plus précoce possible.
Il convient aussi d’alerter le spécialiste en cas de :
- réponse incomplète ou intolérance aux traitements habituels ;
- mauvaise observance thérapeutique ;
- suspicion de cause non encore explorée ;
- atteinte extra-péricardique (arthralgies, éruptions, fièvre persistante, etc.).
Ressources utiles
FAI²R – Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares : www.fai2r.org
Cardiogen – Filière nationale de santé des maladies cardiaques héréditaires ou rares : https ://www.filiere-cardiogen.fr/
CEREMAIA – Centre de référence des maladies auto-inflammatoires et de l’amylose inflammatoire : www.ceremaia.fr
Laboratoire de génétique moléculaire de maladies rares de Montpellier : https ://umai-montpellier.fr/mai.php
Association française myocardite péricardite : www.asso-afmp.org
Alliance maladies rares : www.alliance-maladies-rares.org
1. Médicaments contre-indiqués ou déconseillés avec la colchicine
Contre-indiqués :
- macrolides sauf spiramyicine ;
- pristinamycine.
Déconseillés :
- ciclosporine ;
- tacrolimus ;
- vérapamil ;
- inhibiteurs de protéases boostés par le ritonavir ;
- télaprévir ;
- inhibiteurs puissants du CYP3A4, dont antifongiques azolés (itraconazole, kétoconazole, etc.).
Précautions d’emploi :
- antivitamines K ;
- statines.
D’après :
Richette P. Colchicine : attention aux surdosages. Rev Prat Med Gen 2020 ;34(1035) :113.
Base de données publique des médicaments. Notice de Colchicine Opocalcium 1 mg, comprimé sécable. Octobre 2022.
2. Péricardite et reprise de l’exercice physique
Chez les patients ayant une péricardite active, l’activité physique doit être réduite aux activités du quotidien (risque de majoration de l’inflammation due à la tachycardie induite par l’effort). Le retour à toutes formes d’exercice sportif, y compris les sports de compétition, est recommandé 30 jours à 3 mois après le début des symptômes, uniquement pour les patients complètement rétablis.
La reprise de l’activité physique doit être progressive, encadrée et adaptée aux capacités du patient. Elle doit se faire graduellement par paliers de 4 semaines. À chaque palier, le patient devra rester asymptomatique avant de passer à la phase suivante en termes d’intensité. Un accompagnement par un professionnel (rééducateur, kinésithérapeute...) est souhaitable.
HAS. Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) – Péricardites récidivantes. Octobre 2025.
HAS. Synthèse du PNDS à destination du médecin traitant. Novembre 2025.
Pour en savoir plus :
Mallordy F. Myocardite et péricardite : premières recos européennes. Rev Prat (en ligne) 13 octobre 2025.
Marques C, Cacoub P. Péricardites. Rev Prat 2021;71(1);79-83.
MouquetF, TricotO, Zores F. Item 235 (ancien 233) – Péricardite aiguë. Rev Prat 2020;70(3):3083-7.
Charron P. Péricardite aiguë : le plus souvent idiopathique ? Rev Prat Med Gen 2019;33(1016);152-4.