Nombre de nouveaux cas chaque année : 150 000 (25 % des patients ont moins de 65 ans).
Séquelles : le plus souvent hémiplégie, mais aussi lésions des zones cérébrales responsables du langage (dans toutes ses composantes : expression, compréhension, mémorisation, fonctions cognitives…) entraînant une incapacité à parler et/ou à comprendre le message oral et/ou écrit (aphasie). Fonctions exécutives supérieures parfois aussi déficitaires (planification, inhibition, mise à jour, flexibilité mentale, récupération active d’une information en mémoire…).
Formes d’aphasie
– débit nul ou ralenti : le patient ne parle pas (mutisme) ou peu ;
– langage fortement réduit (anomie, manque du mot, agrammatisme) ;
– apraxie bucco-faciale souvent associée ;
– compréhension en partie préservée ;
– langage écrit avec les mêmes altérations (incapacité de lire des lettres/mots/phrases isolés).
Fluentes :
– débit normal ou logopénique (avec pauses et périphrases dues à un manque du mot) ou exagéré (logorrhée) ;
– compréhension souvent déficitaire ;
– nombreuses paraphasies ou jargon et anosognosie (le patient ignore ou méconnaît sa maladie) ;
– langage écrit atteint dans les deux composantes (expression et compréhension).
Troubles associés :
– attentionnels et héminégligence, visuels d’origine centrale (dus à une lésion centrale) ;
– de la déglutition (dysphagie), dont les conséquences peuvent être très graves chez le cérébrolésé (décès, pneumopathie) ;
– atteinte du tronc cérébral avec paralysies ou dysfonctionnement des nerfs crâniens ;
– troubles praxiques, visuo-spatiaux, visuo-perceptifs et visuo-constructifs (très important pour le langage écrit notamment) ;
– syndrome dysexécutif ;
– troubles mnésiques.
Quel bilan orthophonique ?
Examen de tous les domaines des fonctions cognitives et du langage afin d’évaluer les dommages subis : communication, pragmatique (utilisation optimale de toutes les capacités résiduelles de communication), langage oral et écrit dans les versants expression et compréhension, capacités mnésiques, gnosies, praxies, troubles attentionnels et héminégligence éventuelle.
Autres évaluations :
– aspects moteurs de l’articulation ;
– grammaire ou syntaxe ;
– vue et audition ;
– vigilance concernant la dysphagie, fréquente, à l’origine de fausses routes silencieuses pouvant provoquer des pneumopathies d’inhalation graves.
Quelles modalités ?
Processus dynamique, évoluant en fonction des progrès réalisés (objectifs et méthodes réajustés régulièrement).
Objectif : réorganiser les processus cognitifs du langage sur un mode analogue à l’état antérieur (on s’enquiert auprès de la famille des habitudes de communication du malade).
Langage et autres fonctions cognitives (mémoire, fonctions exécutives, capacités visuo-spatiales…) étant interdépendants => la prise en charge cible l’ensemble des déficits cognitifs, chacun ayant des conséquences sur le fonctionnement des autres.
On s’appuie sur le phénomène de plasticité cérébrale : le cerveau réorganise son activité utilisant les neurones survivants (régions du langage restées intactes).
Trois grandes étapes :
– phase aiguë (< 14 jours après AVC) :
. séances quotidiennes (1 à 2 fois par jour) ;
. mais de durée courte (20 minutes en moyenne) compte tenu de la grande fatigabilité du patient ;
. l’intensité est importante dans le processus de récupération.
– phase subaiguë (du 14e jour à 6 mois environ) : intensité et fréquence renforcées à 6 heures au moins par semaine (durée : de 45 minutes à 1 heure si l’état du patient le permet), soit en service de rééducation, soit à domicile.
– stade chronique (après 6 mois) :
. l’orthophonie doit être poursuivie, même si la fréquence des séances diminue avec le temps ;
. les progrès dépendent de la motivation du patient, de son entourage et de son état de santé général ;
. peu à peu, le malade gagne en autonomie et l’arrêt de la prise en charge peut être envisagée ;
. chez certains patients, cette dernière est prolongée encore quelques années (jusqu’à 4-5 ans), mais on peut proposer des interruptions et des fenêtres thérapeutiques.
Prise en charge des troubles associés :
– troubles attentionnels et héminégligence, troubles visuels d’origine centrale : travail de prise de conscience des déficits (exercices répétitifs s’appuyant sur le processus de plasticité cérébrale) ;
– dysphagie (nécessitant parfois la pose d’une sonde naso-gastrique) : rétablir, au plus vite, une déglutition fonctionnelle ;
– troubles praxiques, visuo-spatiaux, visuo-perceptifs et visuo-constructifs : rééducation neuro-visuelle ;
– syndrome dysexécutif : rééducation de l’attention, de la mémoire, du raisonnement, de la planification, adaptation à la vie quotidienne ;
– troubles mnésiques ;
– approche multidisciplinaire, impliquant : orthophoniste, infirmier, aide-soignant, ergothérapeute, kinésithérapeute, diététicien, psychologue.
Quels résultats ?
Bénéfices constatés dans la plupart des cas.
Environ un tiers des patients gardent un handicap modéré permettant un retour à domicile avec éventuellement une aide extérieure ; un tiers n’ont plus aucune séquelle et les autres ont un handicap moteur et cognitif lourd.
Plus la prise en charge est précoce et intensive, meilleurs sont les résultats.
Différents types d’aphasie
Non fluentes :
• aphasie de Broca
• aphasie globale
• aphasie transcorticale motrice et mixte
Fluentes :
• aphasie de Wernicke
• aphasie de conduction
• aphasie anomique
• aphasie transcorticale sensorielle
• aphasie sous-corticale
Prescrire l’ortophonie en pratique
La rééducation orthophonique requiert une prescription médicale (arrêté du 25 juin 2002) : le médecin demande un bilan orthophonique, qui est suivi d’une prise en charge rééducative, selon les constatations de l’orthophoniste. Il est recommandé au prescripteur d’indiquer l’objectif de ce bilan, ainsi que tout élément susceptible d’orienter.
Deux types de prescriptions :
– bilan orthophonique avec rééducation si nécessaire : à son issue, un compte rendu indiquant le diagnostic orthophonique est adressé au médecin. Si des séances de rééducation doivent être dispensées, ce compte rendu comprend les objectifs de la rééducation, le nombre et la nature des séances déterminés par l’orthophoniste. Sauf contre-indication médicale, il établit une demande d’entente préalable ;
– bilan orthophonique d’investigation : un compte rendu indiquant le diagnostic orthophonique est adressé au praticien, accompagné des propositions de prise en charge. Le médecin peut alors prescrire une rééducation. L’orthophoniste fait une demande d’entente préalable.
À la fin du traitement, une note d’évolution est adressée au prescripteur.
Si, après cette prise en charge initiale de 50 à 100 séances, la rééducation doit être poursuivie, la prescription d’un bilan de renouvellement est demandée au médecin par l’orthophoniste.
Brady MC, Kelly H, Godwin J, Enderby P, Campbell P. Speech and language therapy for aphasia following stroke. Cochrane Database Syst Rev 2016;(6):CD000425.
Obadia M. Aphasie post-AVC : intérêt d’une rééducation intensive. SFNV, Newsletter #6, 2017. https://bit.ly/2Jmj0aX
Vellay M. Sévérité initiale des troubles aphasiques et récupération à trois mois de l’AVC : étude prospective (mémoire présenté en vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste 2013-2014). Sciences cognitives 2014. https://bit.ly/2HsmkxR