La coqueluche est une infection respiratoire bactérienne (Bordetella pertussis ou parapertussis), contagieuse, à transmission interhumaine par gouttelettes. Le diagnostic est clinique (toux persistante) et biologique (culture et/ou PCR). Le traitement repose sur une antibiothérapie par macrolides (même s’il existe des souches résistantes), l’éviction de la collectivité et les gestes barrières.
Son épidémiologie évolue par cycles de trois à cinq ans, avec des pics entre 2012 et 2013, entre 2017 et 2019, et une recrudescence en Europe depuis début 2024.1 En France, au premier semestre 2024, le nombre de PCR positives a été multiplié par 14 ; le nombre de consultations médicales, passages aux urgences et hospitalisations a été multiplié par 7, avec une mortalité croissante, surtout avant l’âge de 1 an (deux tiers des décès).2 Ce constat est aussi celui du réseau hospitalier de surveillance de la coqueluche (RENACOQ), qui rapporte une hausse des hospitalisations des nourrissons âgés de moins de 6 mois, dont une majorité de moins de 2 mois, non encore vaccinés.1
État des lieux de la vaccination contre la coqueluche
Avant 3 mois, les nourrissons ne sont que partiellement protégés par une vaccination obligatoire débutant à l’âge de 2 mois, alors que ce sont eux qui sont essentiellement hospitalisés pour coqueluche (en surveillance et prévention de complications : pneumonies, convulsions, perte de connaissance, détresse respiratoire…) ; la mortalité attribuée à la coqueluche se concentre entre l’âge de 10 jours et 2 mois.3
Concernant l’entourage, les cas contacts doivent vérifier leur vaccination et réaliser un test biologique s’ils sont symptomatiques. L’antibioprophylaxie est réservée aux cas contacts non ou mal vaccinés (symptomatiques ou non) et aux personnes à risque de développer des complications (femmes enceintes, immunodéprimés, insuffisants cardiorespiratoires).
Dans tous les cas, la meilleure protection reste la vaccination. Devant l’intensification de l’épidémie en France, la Direction générale de la santé (DGS) rappelle l’importance de vacciner les femmes enceintes et les nourrissons, ainsi que la stratégie du cocooning (qui vise à revacciner l’entourage des femmes enceintes).
Depuis juillet 2024, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de revacciner l’entourage des enfants à naître, les professionnels de santé et de la petite enfance si leur dernière dose de vaccination date de plus de cinq ans.2 En France, la couverture vaccinale est élevée, supérieure à 90 % chez l’enfant. Les adultes et les personnes âgées constituent les réservoirs de la maladie, par baisse progressive de leur couverture vaccinale. La vaccination est recommandée chez les nourrissons à 2 mois, 4 mois et 11 mois, avec des rappels à 6 ans, 12 ans et 25 ans, puis tous les vingt ans (tableau 1). Les anticorps maternels ne protègent le nourrisson de la maladie que si la vaccination est réalisée pendant la grossesse. Malgré la stratégie du cocooning mise en place depuis 2004, la coqueluche reste grave chez les nourrissons, et parfois mortelle.
Revacciner les femmes enceintes : pourquoi et comment ?
Depuis avril 2022, la HAS recommande la vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse,3 à l’instar des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans une trentaine de pays du monde depuis plus de dix ans. Cette stratégie est associée à une réduction de l’incidence de la coqueluche (divisée par 4), une diminution de moitié du risque d’hospitalisation et une réduction de 95 % de la mortalité par coqueluche chez les nourrissons de 0 à 3 mois.4
En pratique, il s’agit d’initier une revaccination prénatale chez toutes les femmes enceintes entre 20 et 36 semaines d’aménorrhée (et au maximum un mois avant l’accouchement) afin de protéger le nourrisson – avant qu’il ne soit éligible à la vaccination – grâce au passage transplacentaire d’anticorps maternels maternels (tableau 2). Ceux-ci préviennent la contamination directe par la mère, première source d’infection des nourrissons. À défaut, une revaccination est indiquée en post-partum immédiat.
Qu’en est-il sur le terrain ?
Deux ans après les recommandations de la HAS, nous avons voulu savoir si elles étaient connues et mises en pratique.
Pour répondre à ces questions, une enquête par questionnaire a été menée début 2024 auprès de 78 médecins généralistes, 11 gynécologues et 89 sages-femmes du Mâconnais.
Le taux de réponse a été de 31 % (22 généralistes, 33 gynécologues/sages-femmes). Ces 55 soignants, d’âge moyen de 42 ans, étaient à 89 % des femmes (77 % généralistes et 97 % gynécologues/sages-femmes) avec plus de dix ans d’ancienneté d’exercice pour deux tiers et déclarant effectuer des suivis de grossesse pour 76 % d’entre eux (sans différence selon le métier).
Des recommandations globalement bien suivies...
Le statut vaccinal anticoquelucheux est évalué à chaque début de grossesse par 85 % de ces professionnels ; 73 % d’entre eux proposent par ailleurs une vaccination antigrippale et 44 % une vaccination anti-SARS-CoV- 2 pendant la grossesse.
La stratégie de cocooning est connue par 82 % et appliquée par 73 % des répondants.
La vaccination systématique à chaque grossesse, sans tenir compte du statut vaccinal antérieur, est réalisée par 82 % des praticiens, sans différence selon le métier ni l’ancienneté d’exercice.
La revaccination de femmes déjà vaccinées lors d’une précédente grossesse est mieux effectuée par les gynécologues et sages-femmes que par les médecins généralistes (91 % versus 68 %).
La vaccination en post-partum, lorsqu’elle n’a pas été effectuée pendant la grossesse, n’est réalisée que par 13 % des praticiens interrogés, même si 82 % en connaissent la possibilité.
Enfin, 31 % des professionnels déclarent avoir reçu des demandes de vaccination par les femmes enceintes elles-mêmes.
... Mais des obstacles pour leur application !
Selon les répondants, les freins à vacciner les femmes pendant leur grossesse sont majoritairement liés à :
- des refus de patientes (45 %) ;
- le fait que le vaccin anticoqueluche soit à jour selon le calendrier de la population générale (26 %) ;
- le manque de formation (13 %) ;
- l’absence de vaccin monovalent disponible (7 %) ;
- le risque redouté d’effets indésirables pour la mère et/ou le fœtus (3 %).
Les professionnels interrogés déclarent à 59 % souhaiter bénéficier de formations complémentaires sur les vaccins pendant la grossesse et 69 % aimeraient disposer d’affiches informatives pour leurs cabinets.
Que disent les études internationales ?
La vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche semble bien connue en Europe. En Italie, 87 % des gynécologues et sages-femmes et 91 % des médecins généralistes la connaissent, mais seuls 69 % des praticiens l’appliquent.5 En Grande-Bretagne et en France, cette recommandation est connue de 85 % de ces professionnels de santé de la femme.6 D’après une enquête réalisée en 2024 (deux ans après la recommandation de la HAS), la couverture vaccinale des femmes enceintes en France, qui était de 63,2 %,7 confirme une assez bonne application de ces recommandations, ce que la faible part de vaccination en post-partum reflète indirectement. En dépit de ces données presque satisfaisantes, une morbi-mortalité infantile reste associée à la reprise épidémique en cours.
En 2024, aux Pays-Bas, les gynécologues et sages-femmes constituaient la principale source d’information des femmes pendant la grossesse, retrouvant parmi les freins à vacciner : le défaut de connaissances sur la coqueluche et sa vaccination, le manque de temps pour promouvoir le vaccin, le peu de formation et d’outils de communication face aux réticences et hésitations des femmes concernées.8
Santé publique France met à disposition depuis 2022 un document expliquant aux femmes les cinq bonnes raisons de se faire vacciner contre la coqueluche pendant la grossesse (encadré).9 Ce support, parmi d’autres, participe à l’information sur la prévention de la morbi-mortalité infantile précoce due à la coqueluche par la vaccination des femmes enceintes.
Parler de vaccination aux femmes en âge de procréer ainsi qu’aux femmes enceintes et à leur entourage est une action de santé publique primordiale pour chaque soignant, notamment à propos de la coqueluche mais aussi concernant les autres maladies infectieuses pour lesquelles des vaccins existent.
Les cinq bonnes raisons de se faire vacciner contre la coqueluche pendant la grossesse
Un vaccin utile
La vaccination de la femme enceinte protège le nouveau-né dès sa naissance contre les formes graves, jusqu’à ce qu’il soit lui-même éligible à la vaccination (à partir de 2 mois).
Un vaccin qui a fait ses preuves
La vaccination de la femme enceinte contre la coqueluche se fait depuis dix ans dans une trentaine de pays et permet de diminuer les contaminations des nourrissons de moins de 3 mois.
Un vaccin plus efficace quand il se fait pendant la grossesse
La vaccination de la mère pendant la grossesse est plus efficace pour protéger l’enfant à naître que la vaccination qui se fait avant la grossesse ou juste après l’accouchement.
Un vaccin sans danger
Les réactions sont peu fréquentes et peu graves. La revaccination à chaque grossesse est également sans danger.
Un vaccin remboursé
L’Assurance maladie rembourse le vaccin à 65 % lorsque la vaccination est réalisée avant la fin du 5e mois de grossesse et à 100 % si elle est effectuée à partir du 6e mois.
Que dire à vos patients ?
La vaccination contre la coqueluche est le seul moyen efficace pour protéger l’enfant à naître jusqu’à ce qu’il soit éligible à la vaccination.
Toute personne en contact étroit avec un nouveau-né doit être vaccinée contre la coqueluche : c’est la stratégie du cocooning.
En dépit d’une bonne couverture vaccinale chez l’enfant et de la stratégie du cocooning mise en place il y a plus de vingt ans, la coqueluche reste une maladie grave, parfois mortelle et en recrudescence.
2. DGS-Urgent. Épidémie de coqueluche : avis HAS et HCSP. 2024. https://bit.ly/4ibxBU5
3. Haute Autorité de santé. Recommandation vaccinale contre la coqueluche chez la femme enceinte. 2023. https://bit.ly/4igSkpu
4. Guzman-Holst A, Luna-Casas G, Cervantes-Apolinar MY, et al. Pertussis infant morbidity and mortality trends after universal maternal immunisation in Mexico: An ecological database study with time-series analysis. Vaccine 2021;39(16):2311‑8.
5. Licata F, Romeo M, Di Gennaro G, et al. Pertussis immunization during pregnancy: Results of a cross-sectional study among Italian healthcare workers. Front Public Health 2023;11:1214459.
6. Vishram B, Letley L, Jan Van Hoek A, et al. Vaccination in pregnancy: Attitudes of nurses, midwives and health visitors in England. Hum Vaccin Immunother 2017;14(1):179‑88.
7. Épiphare. Vaccination contre la coqueluche pour les femmes enceintes. 2024. https://bit.ly/3ZOQODR
8. Widdershoven V, van Eerd ECH, Pfeyffer M, et al. Insights into maternal pertussis vaccination counselling: A qualitative study on perspectives and experiences among midwives and gynaecologists in the Netherlands. BMC Infect Dis 2024;24(1):903.
9. Santé publique France. Coqueluche. Femmes enceintes. Les 5 bonnes raisons de se faire vacciner. https://bit.ly/3Zj25Lh