Après deux garçons, quelles sont les chances d’avoir une fille ?
On sait déjà que la probabilité de donner naissance à un garçon est en moyenne légèrement plus élevée pour une femme enceinte (51,2 % environ) que celle d’enfanter une fille. Mais est-ce qu’à l’échelle d’une femme, cette probabilité change suivant le sexe des enfants qu’elle a précédemment mis au monde ? C’est ce que suggère une récente étude, publiée le 18 juillet 2025 dans Science Advances. Ses auteurs, des chercheurs en santé publique de Harvard (États-Unis), écrivent être partis d’un constat commun : plusieurs d’entre eux connaissent des proches ayant eu des enfants d’un seul sexe, parfois jusqu’à 9, et qui parfois continuent à enfanter sans succès pour avoir un enfant de l’autre sexe. Une descendance unisexe serait-elle le fruit du hasard, ou bien les dés seraient-ils pipés pour certains couples ?
Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont analysé le sex-ratio des enfants de 58 007 infirmières américaines ayant eu deux enfants ou plus (naissance unique, âge moyen à la première naissance (± écart-type) = 25,5 ± 4,4 ans ; nombre moyen de naissances = 2,5 ± 0,8 ; 95,4 % de femmes blanches). Leur objectif ? Déterminer si, à l’échelle d’une femme, le sexe à la naissance de ses enfants suivait une distribution binomiale (l’équivalent d’un lancer de pièce idéal, avec la même probabilité à chaque naissance) ou bêta-binomiale (l’équivalent d’un lancer de pièce truqué, où la probabilité du sexe change suivant l’ordre de naissance). Dans leurs analyses statistiques, les auteurs ont exclu la dernière naissance vivante des femmes, pour tenir compte du fait que nombre de femmes ayant une descendance unisexe s’arrête d’avoir des enfants après la naissance d’un enfant de l’autre sexe.
Verdict ? La loi bêta-binomiale est plus fidèle à la cohorte étudiée. En effet, les fratries unisexes étaient plus fréquentes que ce qui était attendu dans une loi binomiale avec une probabilité fixe (P(garçon) = 0,512). Les auteurs ont notamment pu déterminer que, dans leur population d’infirmières, les femmes ayant eu 2 garçons avaient 58 % de chance d’avoir ensuite un garçon, et celles en ayant eu 3 avaient 61 % de chance d’avoir un garçon comme quatrième enfant. De même, les femmes ayant eu 2 filles avaient plus de chance d’avoir ensuite une fille (55 %), tout comme celles en ayant déjà eu 3 (58 % de chance d’avoir ensuite une fille).
Comment l’expliquer ? C’est là que le mystère s’épaissit ; aucun critère héritable testé n’a pu être associé au fait d’avoir une descendance unisexe. Certes, une étude d’association pangénomique excluant la dernière naissance des femmes a trouvé des polymorphismes mononucléotidiques associés au fait d’avoir une descendance exclusivement mâle (proche du gène TSHZ1) ou femelle (gène NSUN6). Mais ces polymorphismes n’étaient plus associés significativement avec les fratries unisexes en prenant en compte la dernière naissance vivante des femmes. Par ailleurs, un âge plus élevé de la mère à la première naissance (> 28 ans) était associé à davantage de descendances unisexes. Si ces résultats ne sont pas forcément réplicables hors de cette cohorte de femmes blanches américaines, les auteurs concluent toutefois que « les familles désirant une descendance des deux sexes et ayant déjà deux ou trois enfants du même sexe devraient être informés qu’en essayant d’avoir un autre enfant, ils participent probablement à un tirage au sort truqué ».
 
D’après : Wang S, Rosner BA, Huang H, et al. Is sex at birth a biological coin toss? Insights from a longitudinal and GWAS analysis.  Sci Adv 18 juillet 2025.

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