Vous êtes interne de garde aux urgences pédopsychiatriques.

Vous recevez la jeune Léa, 17 ans, pour scarifications. Elle est accompagnée par son père qui a découvert des cicatrices superficielles à son poignet.

En entretien, Léa vous dit se sentir mal depuis l’année dernière en raison d’un contexte de harcèlement scolaire et d’isolement social. Elle a reçu des menaces via les réseaux sociaux où des jeunes l’insultent, la menacent d’agressions physiques et sexuelles et l’incitent à se suicider. Pour l’en protéger, son père a pris son téléphone. Coupée des rares amis qui lui restaient, elle déclare avoir envie de mourir depuis plusieurs semaines. Elle a déjà pris 5 comprimés de paracétamol 1 000 mg il y a deux semaines durant une nuit d’insomnie. Elle n’en a parlé à personne, elle a eu mal au ventre et a fini par s’endormir. Elle regrette que son geste n’ait pas eu plus de conséquences et ne voit pas d’alternative à la mort. Aujourd’hui, elle vous dit que la prochaine fois « elle ne se ratera pas », elle a toujours trois boîtes de paracétamol sous son lit qu’elle compte prendre dès qu’elle sera rentrée chez elle.

Elle a une faible estime de soi, et la sensation d’être un poids pour son père qui est en dépression depuis le décès brutal de sa femme par pendaison il y a trois ans. Elle pense qu’il serait mieux sans elle.
Question 1 - Votre évaluation retrouve (une ou plusieurs réponses exactes) :
Élevé, car antécédent personnel récent de tentative de suicide, expression d’idée suicidaire, faible estime de soi, antécédents familiaux de suicide, perte d’un parent dans l’enfance, isolement social, probablement événement humiliant dans le cadre du harcèlement…
Dangerosité suicidaire élevée, car absence d’alternative au suicide. La patiente a un accès direct et immédiat à un moyen suicidaire avec un passage à l’acte planifié et prévu.
Élevée, car existence d’un scénario suicidaire défini avec prise des dispositions en vue d’un passage à l’acte imminent, « dès que possible ».
Soutien sociofamilial fragile (père en dépression, perte de la mère, isolement amical) avec culpabilité.
Facteur de risque familial élevé du fait de l’antécédent de suicide au premier degré.
Question 2 - Au vu du risque suicidaire élevé, vous proposez (une ou plusieurs réponses) :
Indication d’une hospitalisation en pédopsychiatrie pour mise en sécurité afin de prendre le temps d’apaiser la crise suicidaire et de mettre en place un projet de soins (suivi médical, psychologique +/- médicamenteux, aménagements…).
Cette solution ne sera envisagée que si le père refuse l’hospitalisation. Il sera alors possible de mettre en place un retour à domicile en prévenant le risque suicidaire (restreindre l’accès aux moyens) avec un suivi médical rapproché.
Un soutien psychologique sera indispensable au rétablissement de la patiente, il est important d’aborder cet axe non médicamenteux de la prise en charge dès les urgences pour que le père puisse obtenir un premier rendez-vous dans un délai raisonnable.
Ce type de décision n’a pas à être pris aux urgences et n’est pas la solution de première intention dans le cadre d’un harcèlement.
Situation d’enfance en danger avec menace de violences physiques, sexuelles voire de mort dans le milieu extrafamilial. Possible dépôt de plainte de la part de la famille en parallèle, mais qui peut difficilement être porté par la jeune fille si elle craint des représailles.
Léa est hospitalisée en pédopsychiatrie. La crise suicidaire ne s’apaise que partiellement. Elle est décrite par les soignants comme ralentie sur le plan psychique et moteur.
Question 3 - En entretien, vous recherchez comme signes cliniques ou symptômes d’épisode dépressif caractérisé (une ou plusieurs réponses exactes) :
Euthymie = thymie neutre, or c’est l’hypothymie qui est retrouvée dans l’épisode dépressif caractérisé.
Inhibition des fonctions instinctuelles, associée à une baisse de la libido, une baisse d’appétit, des troubles du sommeil…
Jugement altéré qui caractérise plus spécifiquement un épisode psychotique qu’un épisode dépressif.
Symptôme très fréquent dans l’épisode dépressif caractérisé de l’adolescent, il peut être au premier plan et masquer une thymie triste.
Manque de motivation pour réaliser un acte, manque d’intérêt.
Votre examen associé à l’anamnèse permet de poser le diagnostic de premier épisode dépressif caractérisé qui aurait débuté il y a six mois en lien avec une accumulation de difficultés (harcèlement scolaire, rupture amoureuse, orientation scolaire refusée). La sévérité de l’épisode vous fait proposer un traitement de fond à Léa et son père.
Question 4 - Vous introduisez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant et l’adolescent.
Thymorégulateur dans le cas de trouble bipolaire, ce qui n’est pas le cas ici.
Traitement antidépresseur de type inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS), traitement médicamenteux de première intention dans l’épisode dépressif caractérisé de l’adolescent.
Antipsychotique pouvant être utilisé à visée thymorégulatrice dans le cas de trouble bipolaire, ce qui n’est pas le cas ici.
Antidépresseur tricyclique et analgésique, non recommandé en première intention et encore moins avant 18 ans.
Question 5 - Pour prévenir le risque suicidaire, vous proposez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le plan de sécurité regroupe des personnes ressources, des numéros de téléphone d’urgence, des activités apaisantes, des techniques de réassurance… Il permet au patient de trouver des alternatives au suicide et aux scarifications, de faciliter la demande d’aide et de guider les parents dans l’accompagnement de leur enfant.
L’isolement social n’est pas la solution dans cette situation, il a bien été expliqué que c’était d’avoir perdu le lien téléphonique avec ses amis qui avait aggravé les idées suicidaires.
VigilanS, dispositif de prévention de la réitération suicidaire, propose aux personnes ayant fait une tentative de suicide une veille active (lien téléphonique) ainsi que des re-contacts actifs (appels, cartes postales).
Le 31 14, numéro national de prévention du suicide, accessible 24 h/24 et 7 j/7, propose un accueil, une évaluation, une intervention et une orientation téléphonique professionnelles à toute personne en détresse, inquiète pour un proche, endeuillée par un suicide ainsi qu’aux professionnels.
Parler du suicide ne provoque jamais des idées suicidaires, au contraire il est important que le sujet ne soit pas tabou et qu’il puisse être abordé librement dans la famille.
Question 6 - En prévention du risque suicidaire, sur le plan médicamenteux, vous proposez (une ou plusieurs réponses) :
Diminuer l’accès aux moyens létaux est la première chose à faire pour limiter le risque suicidaire !
À mettre en place si le père n’a pas la possibilité de garder en sécurité les médicaments de sa fille et lui délivrer quotidiennement.
Les benzodiazépines sont à éviter de principe chez les adolescents au vu du risque de mésusage, d’addiction et de réactions paradoxales, d’autant plus en systématique trois fois par jour pendant un mois.
Il est possible d’introduire un anxiolytique si besoin durant une période courte après échec des techniques anxiolytiques non médicamenteuses.
C’est une possibilité pour que le traitement anxiolytique soit gardé par l’infirmière et que Léa n’ait pas à avoir des médicaments sur elle (prévention du risque d’intoxication médicamenteuse volontaire (IMV). Cela permet aussi d’avoir une personne ressource dans l’établissement vers qui elle pourra se tourner en cas de difficultés.
Vous revoyez la patiente trois mois après sa sortie d’hospitalisation.
Le signalement judiciaire associé au dépôt de plainte de la famille a permis une enquête judiciaire et une intervention de l’établissement, ce qui a fortement diminué le harcèlement scolaire. Léa peut à nouveau aller sur les réseaux sociaux en toute sécurité en ayant bloqué les personnes problématiques. Il n’y a pas eu de nouvelles menaces.
Elle bénéficie d’une psychothérapie bien conduite de type thérapie de soutien et thérapie cognitivo-comportementale (TCC) autour de l’affirmation de soi. Son estime de soi reste encore fragile, mais il n’y a plus d’idées suicidaires, d’aboulie ou d’anhédonie. Il existe une réactivité émotionnelle sans hypothymie. Il n’y a plus eu de scarifications depuis un épisode dans le service de pédopsychiatrie.
Léa vous demande d’arrêter l’antidépresseur, actuellement fluoxétine 20 mg. Elle n’a pas pris d’Atarax depuis deux mois.
Question 7 - Sur le plan médicamenteux (une ou plusieurs réponses exactes) :
Nécessité d’une phase de consolidation d’au moins six mois après résolution des symptômes.
Absence de signe évocateur d’un épisode maniaque.
Nécessité d’une décroissance progressive, sinon risque d’un syndrome de sevrage et d’une rechute anxiothymique.
Nécessité d’une phase de consolidation d’au moins six mois après résolution des symptômes. Deux ans seulement en cas d’épisodes dépressifs récurrents, ce qui n’est pas son cas.
Permet de diminuer l’accès aux moyens létaux (IMV) en cas de rechute anxiothymique. S’il était prescrit 1 comprimé par jour, Léa peut avoir accès à un stock de plus de 60 comprimés.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien