Vous êtes interne en stage de pédopsychiatrie. Vous recevez la jeune Mélissa, 14 ans, pour troubles du sommeil à type d’insomnie depuis deux mois.

À l’interrogatoire vous retrouvez des ruminations anxieuses au coucher avec des réveils précoces. Elle a des cauchemars pluri-hebdomadaires, retardant le coucher par anticipation anxieuse.

L’appétit est altéré avec des grignotages et l’absence de repas complet. Elle explique « se sentir moche » et « ne pas vouloir manger pour ne pas prendre du poids ». De toute façon, elle « ne ressent pas de faim » et « ne prend pas de plaisir en mangeant ». Il n’y a pas eu de perte de poids.

Elle est scolarisée en première et souhaite devenir chanteuse. Elle a du mal à trouver la motivation pour réviser mais ses résultats se maintiennent.

Elle décrit beaucoup de pensées dévalorisantes notamment en lien avec la peur du regard des autres. Elle repense à ce qu’elle a pu dire en classe, aux interactions avec ses camarades. Elle craint d’avoir mal fait. Vous apprenez d’ailleurs qu’elle a été cyberharcelée durant toute la sixième.

Ses parents la trouvent préoccupée depuis deux mois, elle passe beaucoup de temps dans sa chambre et elle ne veut plus participer aux activités familiales. Elle est irritable et fait souvent des crises de colère à la maison, alors qu’elle est très introvertie avec ses copains. Elle se sent fatiguée et a du mal à aller à ses cours de chant.

Vous ne trouvez pas d’éléments déclenchants récents à se mal-être qui a débuté trois mois après la rentrée scolaire.

Il est question d’un antécédent de schizophrénie chez la grand-mère maternelle. La mère aurait un suivi psychiatrique avec des arrêts récurrents des traitements médicamenteux prescrits.

Sur le plan somatique, Mélissa a eu une exérèse des végétations amygdaliennes à l’âge de 8 ans et elle était traitée pour de l’asthme dans l’enfance. Elle est allergique au kiwi.
Question 1 - Vous suspectez en priorité :
Ici l’insomnie est un symptôme du trouble psychiatrique (épisode dépressif caractérisé avec notamment un réveil trop précoce et anxiété avec retard à l’endormissement). On parle d’insomnie chronique après trois mois de symptomatologie présente plus de trois fois par semaine, hors seulement présent depuis deux mois ici.
Absence de perte de poids.
Il faut rechercher la caractéristique traumatique ou non des cauchemars. Le harcèlement n’est pas défini comme un événement potentiellement traumatique sauf en cas de menace à l’intégrité physique, morale ou sexuelle, non décrite ici. Absence de symptômes spécifiques du stress post-traumatique.
Possible anxiété sociale mais pas de manifestation anxieuse ou psychosomatique précisément décrite en lien avec la scolarité. Il est décrit une perte de motivation mais pas d’angoisse ou d’évitement.
Après avoir éliminé les diagnostics différentiels somatiques, vous posez le diagnostic d’épisode dépressif caractérisé avec caractéristiques anxieuses d’intensité modérée.
Question 2 - Vous proposez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Pas de traitement médicamenteux en première intention chez les enfants et adolescents si l’intensité de l’épisode dépressif caractérisé est de léger à modéré.
D’après : Collège national des universitaires en psychiatrie, Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique, Collège universitaire national des enseignants en addictologie. Référentiel de psychiatrie et addictologie. Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie. Item 66a.  L’Officiel ECNi, Presses universitaires François-Rabelais 2020, p. 169.
Pas de traitement par benzodiazépines chez les mineurs : risque de réaction paradoxale, de mésusage et d’addiction.
Pas d’association de deux types de benzodiazépines ou apparentés.
Pas de traitement hypnotique au long cours, au maximum quatre semaines de traitement. À éviter au maximum chez les patients de moins de 18 ans, ici privilégier un traitement anxiolytique de type hydroxyzine ou cyamémazine.
Vous suivez Mélissa de manière mensuelle. Après six mois de psychothérapie bien conduite, son état psychique ne s’améliore pas, voire s’aggrave. Elle s’autodévalorise beaucoup et commence à avoir des idées suicidaires par ingestion médicamenteuse volontaire. Elle ne planifie pas de passer à l’acte, elle n’a jamais fait de tentative de suicide. Les parents se sentent démunis et sont en demande d’aide.
Question 3 - Vous proposez :
La fluoxétine est l’antidépresseur de première intention en cas d’épisode dépressif caractérisé chez un adolescent.
D’après : Collège national des universitaires en psychiatrie, Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique, Collège universitaire national des enseignants en addictologie. Référentiel de psychiatrie et addictologie. Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie. Item 66a.  L’Officiel ECNi, Presses universitaires François-Rabelais 2020, p. 169.
La sertraline est à utiliser en première intention en cas de trouble anxieux à visée anxiolytique. La venlafaxine est formellement contre-indiquée avant l’âge de 18 ans. La paroxétine et le citalopram sont formellement contre-indiqués avant l’âge de 15 ans.
Les parents et Mélissa acceptent l’introduction d’un antidépresseur.
Question 4 - À l’instauration du traitement (une ou plusieurs réponses exactes) :
Pas de bilan pré-thérapeutique systématique à l’introduction des ISRS. La prolactine n’est pas impactée par ce type de psychotropes.
Pas de prise de poids rapide avec les ISRS, mais possible effet indésirable tardif. Cette surveillance est cependant nécessaire et de manière rapprochée avec les antipsychotiques (possible prise de poids de type + 10 kg/mois).
Pas d’augmentation du QT avec les ISRS.
Effets indésirables à l’introduction du traitement, risque de levée d’inhibition majoré chez les adolescents.
Risque de syndrome sérotoninergique.
Attention à ne pas confondre les effets secondaires des traitements antipsychotiques avec ceux des antidépresseurs !
Vous revoyez Mélissa cinq jours après l’instauration de la fluoxétine. En consultation, les parents rapportent une irritabilité importante avec une majoration de l’anxiété et des insomnies. Mélissa décrit des tremblements de l’extrémité des membres supérieurs sans impact sur son quotidien. Elle confie avoir des idées suicidaires depuis l’instauration du traitement, qu’elle met en lien avec les insomnies et « l’échec » perçu de se retrouver sous antidépresseur.
Question 5 - Quelles sont vos deux principales hypothèses diagnostiques ?
À l’initiation d’un antidépresseur, l’aggravation d’idées suicidaires est possible notamment chez les sujets jeunes (moins de 24 ans) et doit être surveillée régulièrement (surtout chez les adolescents). Une majoration transitoire de l’anxiété est également possible et doit être surveillée les premiers jours du traitement. Les tremblements sont un effet secondaire bénin, précoce et transitoire lors d’introduction ou de majoration de dose d’un ISRS.
D’après : Collège national des universitaires en psychiatrie, Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique, Collège universitaire national des enseignants en addictologie. Référentiel de psychiatrie et addictologie. Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie. Item 74.  L’Officiel ECNi, Presses universitaires François-Rabelais 2020, p. 439.
Dans la symptomatologie maniaque, la perturbation de l’humeur peut être une humeur élevée, expansive, exaltée, voire euphorique. Cette euphorie peut être remplacée ou s’associer à une irritabilité. L’hypothèse d’un virage maniaque est à prioriser car elle implique un arrêt immédiat de l’antidépresseur et la mise en place d’un traitement thymorégulateur. Il faut rechercher d’autres signes cliniques pour écarter ou confirmer cette hypothèse.
En entretien individuel, Mélissa rapporte une labilité émotionnelle avec une hyperesthésie associée à une hypervigilance. Elle décrit une tachypsychie avec fuite des idées. Malgré le peu de sommeil de ces derniers jours, elle ne se sent pas fatiguée, au contraire.
Vous suspectez un virage maniaque sous antidépresseur. Vous arrêtez la fluoxétine immédiatement.
Question 6 - En parallèle d’un bilan pré-thérapeutique réalisé en urgence, vous instaurez :
Le valproate et le valpromide sont contre-indiqués chez une femme en âge de procréer et ne doivent pas être proposés en première intention, encore moins chez une patiente de moins de 18 ans.
La lamotrigine est le traitement d’attaque d’un épisode dépressif dans le cadre d’un trouble bipolaire, et non d’un épisode maniaque ou hypomaniaque.
L’halopéridol ne fait pas partie des traitements thymorégulateurs.
Voir réponse 2.
Pour information, l’Abilify a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour le traitement de l’épisode maniaque à partir de 13 ans. Le lithium a l’AMM à partir de 16 ans, son utilisation est déconseillée chez l’enfant. La carbamazépine n’a pas l’AMM chez l’enfant à visée thymorégulatrice, seulement à visée antiépileptique.
Source : Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA). Site d’aide à la prescription pharmacologique.
Dans un premier temps, vous revoyez régulièrement Mélissa et la situation clinique s’améliore sous aripiprazole.
Deux ans plus tard, le comportement de Mélissa change et elle refuse de prendre quotidiennement ses traitements. Elle ne s’est pas présentée lors du dernier rendez-vous.
Vous recevez alors un appel de la mère, angoissée, qui vous explique ne pas réussir à réveiller sa fille ce matin. Elle est très sédatée, fébrile à 39 °C, avec des sueurs profuses. Ses membres sont raides, difficiles à mobiliser.
Question 7 - Vous suspectez :
L’arrêt du traitement a dû faire décompenser le trouble bipolaire. Nous pouvons supposer que Mélissa a fait une tentative de suicide par ingestion médicamenteuse volontaire d’aripiprazole amenant à un effet indésirable rare mais grave : le syndrome malin des neuroleptiques. C’est le premier diagnostic à évoquer face à ce tableau. Sa prise en charge est la priorité. Un transfert aux urgences voire en réanimation doit être enclenché. Le traitement repose sur des mesures non spécifiques (rééquilibration hydroélectrolytique, lutte contre l’hyperthermie) et spécifique (par exemple bromocriptine).
D’après : Collège national des universitaires en psychiatrie. Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique. Collège universitaire national des enseignants en addictologie. Référentiel de psychiatrie et addictologie. Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie. Item 74.  L’Officiel ECNi, Presses universitaires François-Rabelais 2020, p. 425.

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