Vous recevez dans votre cabinet de rhumatologie M. T., 33 ans, qui se plaint de dorso-lombalgies chroniques. Il travaille majoritairement assis, comme informaticien. Il a souffert d’un lumbago il y a une dizaine d’années, et d’un ulcère gastrique il y a deux ans. Il n’a pas d’autre antécédent et ne prend aucun traitement. Il vous explique que depuis cinq ans il est réveillé toutes les nuits par des douleurs au dos et dans les fesses, tantôt à gauche, tantôt à droite. Il vous dit qu’il est également gêné par des douleurs aux talons, surtout le matin, et qu’elles s’améliorent au bout d’une heure. Il pratique la course à pied depuis dix ans, car son médecin traitant lui avait conseillé d’exercer une activité physique à la suite de son lumbago.
Question 1 - Parmi les éléments que vous pouvez retrouver à l’examen clinique, lequel(s) serai(en)t pathologique(s) ?
Cette manœuvre fait partie de l’examen des sacro-iliaques, et est pathologique quand elle est positive.
Il évalue la raideur rachidienne et est pathologique en dessous de 10 + 5 cm.
Elle est considérée comme pathologique en dessous de 5 cm.
Il s’agit d’un autre test pour examiner les sacro-iliaques.
L’extension de hanche normale s’étend habituellement de 0 à 30 °.
Plusieurs manœuvres de provocation douloureuse permettent d’examiner l’articulation sacro-iliaque, et il est généralement admis qu’au moins trois d’entre elles doivent être positives pour poser le diagnostic de pygalgie d’origine sacro-iliaque. Les plus connues sont :
– la manœuvre de Patrick ou FABER (pour flexion, abduction, rotation externe), qui consiste à placer le patient sur le dos, en flexion et rotation externe de hanche, et à appliquer une pression sur le genou homolatéral, tout en fixant l’épine iliaque antéro-supérieure controlatérale. La manœuvre est positive si elle déclenche une douleur sacro-iliaque homolatérale ;
– le test de distraction, qui consiste, chez un patient en décubitus dorsal, à appliquer une pression vers l’extérieur sur les épines iliaques antéro-supérieures ;
– l’appui monopodal pendant dix à trente secondes, qui est positif quand il reproduit la douleur du côté de l’appui. Cette manœuvre peut être sensibilisée par un saut en appui monopodal ou une pression appliquée sur les épaules par l’examinateur.
L’examen du rachis comprend les métrologies dont les plus connues sont :
– l’indice de Schober : en position debout, le praticien place un repère sur la colonne vertébrale sur la ligne imaginaire entre les deux crêtes iliaques, et un repère 10 cm au-dessus, puis il mesure la distance entre ces deux points après antéflexion du rachis. Une augmentation inférieure à 5 cm est pathologique et signe une raideur rachidienne ;
– l’ampliation thoracique qui correspond à la différence de mesure de la circonférence de la cage thoracique (prise au niveau de la ligne inter-mamelonnaire) entre l’expiration et l’inspiration. Sa valeur normale est supérieure ou égale à 5 cm. Une valeur inférieure signe une diminution de la mobilité de la cage thoracique ;
– d’autres mesures comme la distance occiput-mur et la distance L3-mur sont utiles au suivi des patients ayant une spondylarthrite axiale.
À l’examen clinique, vous reproduisez la douleur à la palpation des épineuses rachidiennes et observez une raideur rachidienne avec un indice de Schober à 10 + 1 cm. L’appui monopodal est quasi impossible des deux côtés et la manœuvre de Patrick est positive. La palpation de la plante des pieds provoque une vive douleur.
Question 2 - Quel(s) signe(s) associé(s) recherchez-vous ?
Devant ce tableau évocateur de spondylarthrite (raideur rachidienne, douleur sacro-iliaque, talalgie, horaire inflammatoire), il faut rechercher d’autres éléments qui pourraient vous orienter vers ce diagnostic, comme une dactylite, ou les éléments qui y sont fréquemment associés, comme le psoriasis, l’uvéite et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (diarrhées, perte de poids).
Vous avez complété l’interrogatoire : le patient n’a pas perdu de poids et n’a pas de troubles digestifs. Il n’a pas d’antécédent ophtalmologique, n’a aucune anomalie cutanée. Vous n’identifiez pas de dactylite.
Question 3 - Quel(s) est/sont le(s) examen(s) que vous pouvez programmer pour étayer le diagnostic ?
L’examen clinique ne décrit pas d’articulation ponctionnable.
L’évolution des douleurs depuis plus de trois mois, avec une note inflammatoire, doit faire réaliser une imagerie.
La douleur à l’appui monopodal et la manœuvre de Patrick positive vous orientent vers une douleur des sacro-iliaques.
Elle permet de rechercher une enthésite au niveau des talons.
Toujours utile, notamment pour rechercher des signes d’inflammation ou une auto-immunité.
Le diagnostic de spondylarthrite repose sur un faisceau d’arguments, dont l’imagerie fait partie. Devant les douleurs du patient (rachis dorso-lombaire et sacro-iliaque), une imagerie de ces deux régions s’impose. Parfois la radiographie suffit (quand la maladie est très évoluée) mais l’imagerie par résonance magnétique (IRM) lui est souvent préférée car elle permet d’identifier des phénomènes inflammatoires.
Le bilan biologique permet de rechercher un syndrome inflammatoire, souvent présent mais moindre que dans d’autres rhumatismes inflammatoires, et constitue un bilan pré-thérapeutique avec la fonction rénale et la fonction hépatique.
Vous avez finalement prescrit un bilan biologique et une IRM du rachis entier et des sacro-iliaques.
Le bilan biologique est le suivant : leucocytes = 10 G/L dont 80 % de polynucléaires neutrophiles (PNN) ; hémoglobine = 12,2 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 82 fl ; débit de filtration glomérulaire (DFG) = 85 mM/min en CKD-EPI ; protéine C réactive (CRP) = 8 mg/L. Recherche de HLA (human leukocyte antigen) B27 positive.
Voici des IRM en séquences T1 et T2 avec suppression du signal de la graisse (Dixon water) :
Figure 1 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Figure 2 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Question 4 - Comment interprétez-vous ces résultats (une ou plusieurs réponses exactes) ?
En isosignal T1 et hypersignal T2.
Oui, sacro-iliite bilatérale.
Oui, sacro-iliite bilatérale.
Un coin graisseux aurait été en hypersignal T1, ce qui n’est pas le cas ici, et le signal de la graisse est supprimé par la séquence T2 Dixon water.
La vertèbre T6 montre deux coins inflammatoires : antéro-inférieur et postéro-supérieur.
On observe une sacro-iliite bilatérale avec un hypersignal T2 en regard des deux berges sacro-iliaques.
L’IRM rachidienne montre de nombreux coins inflammatoires en hypersignal T2, qui témoignent d’une atteinte enthésitique au rachis. On les distingue des coins « graisseux » qui apparaissent en hypersignal T1 et en hypersignal T2 ou iso-signal sur les séquences avec suppression du signal de la graisse.
Figure 3 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Devant tous ces éléments, vous retenez le diagnostic de spondylarthrite, que vous classez comme ankylosante devant la présence d’une sacro-iliite à l’imagerie.
Question 5 - Quel(s) est/sont le(s) élément(s) de la prise en charge ?
Les AINS sont contre-indiqués par l’antécédent d’ulcère gastrique.
Importante pour le maintien des amplitudes rachidiennes (notamment de l’ampliation thoracique).
Le maintien d’une activité physique fait partie de la rééducation et est indispensable pour maintenir les amplitudes rachidiennes.
Ce n’est pas recommandé puisqu’il faudrait répéter les infiltrations pour traiter tous les étages douloureux (donc multiplier le risque d’effets indésirables liés aux corticoïdes).
Devant l’antécédent d’ulcère gastrique, vous ne prescrivez pas d’AINS. Finalement, vous choisissez d’introduire un traitement de fond par adalimumab, qui est une biothérapie de la famille des anti-TNF alpha.
Pour rappel, le bilan biologique initial était le suivant : leucocytes = 10 G/L dont 80 % de PNN ; hémoglobine = 12,2 g/dL ; VGM = 82 fl ; DFG = 85 mL/min en CKD-EPI ; CRP = 8 mg/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 12 UI/L ; alanine aminotransférase = ALAT = 14 UI/L. Recherche de HLA B27 positive. Anticorps anti-nucléaires négatifs. Sérologie des virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de l’hépatite C (VHC) négative ; anticorps anti-HBs > 10 mUI/mL ; anti-HBc négatif ; antigène HBs négatif ; Quantiféron positif avec scanner thoracique normal.
Il n’a pas d’autre antécédent que ceux précédemment mentionnés et n’a pas d’autres symptômes.
Question 6 - Quel(s) élément(s) important(s) de la prise en charge proposez-vous avant d’introduire l’adalimumab ?
Indispensable, devant la présence d’une tuberculose latente (généralement rifampicine + isoniazide durant trois mois). La tuberculose latente retarde l’introduction du traitement mais ne le contre-indique pas après traitement.
Profil sérologique en faveur d’une vaccination ancienne contre l’hépatite B.
Inutile si traitement bien conduit.
Recommandé (par Prevenar 20) avant tout traitement immunosuppresseur.
Les biothérapies agissent en modulant l’immunité et nécessitent donc d’éliminer un cancer actif (ou en rémission depuis moins de cinq ans) et un risque élevé de complications infectieuses. Par exemple, la mise en évidence d’une tuberculose latente (Quantiféron positif sans signe clinique ou radiographique de tuberculose) impose de la traiter avant de débuter le traitement. Dans cette même démarche, le calendrier vaccinal est vérifié et élargi avec la vaccination antipneumococcique. Ici, la présence d’un anticorps anti-HBs en l’absence d’antigène HBs et d’anticorps HBc témoignent d’une vaccination ancienne contre l’hépatite B.
Un projet de grossesse doit être renseigné puisque certaines biothérapies sont responsables d’un effet tératogène.
Le bilan lipidique est nécessaire avant l’introduction de certaines biothérapies (inhibiteurs de JAK, anti-IL-6) mais il n’est pas systématique.
M. T. vous fait part de son désir d’enfant. Vous le rassurez quant au traitement que vous avez choisi mais il s’interroge sur le risque de transmission de sa maladie à sa descendance.
Question 7 - Parmi les affirmations suivantes, laquelle/lesquelles est/sont vraie(s) ?
La spondylarthrite survient sur un terrain génétique, avec une augmentation du risque de la maladie par rapport à la population générale en présence du HLA B27 (RR > 200). En revanche, le développement de la maladie en présence du gène n’est pas systématique, et le risque de transmission de la maladie n’est donc pas estimable. Il n’y a pas lieu de proposer un diagnostic pré-implantatoire ou un suivi spécifique à la naissance dans ces conditions.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien