Clémentine, âgée de 6 ans, consulte son pédiatre en ville pour une rhinite et des céphalées frontales en barre depuis trois jours.

Elle a pour antécédent un asthme bien contrôlé sous corticoïdes inhalés en traitement de fond, et a eu une varicelle il y a deux ans.

Concernant ses vaccins, elle a reçu au total 4 doses de vaccin hexavalent DTP-Ca, 3 doses de vaccin anti-pneumococcique 15 valences, 3 doses de vaccin anti-méningococcique B, 2 doses de vaccin anti-méningococcique C, 2 doses de vaccin anti-ROR et un vaccin anti-grippal cet hiver.

Sa croissance staturale harmonieuse régulière sur + 2 DS et une croissance pondérale harmonieuse régulière sur le 75e percentile.

Cliniquement, Clémentine est apyrétique, normocarde, normotendue, eupnéique en air ambiant avec une auscultation cardiopulmonaire normale. Elle a un abdomen souple à la palpation sans défense ni contracture. Elle a une otite congestive droite, avec une rhinite claire, une légère pharyngite et des adénopathies infracentimétriques cervicales bilatérales.

Elle est consciente, orientée, n’a pas d’atteinte des paires crâniennes, pas de troubles moteurs ni sensitifs, pas de troubles de l’équilibre ni de la marche. Ses céphalées sont permanentes, non pulsatiles, en barre, non modifiées par la position. Il n’y a pas de phono-photobie ni de vomissement. Il n’y a pas de raideur de nuque ni signe de Kernig ou de Brudzinski.
Question 1 - Que proposez-vous à Clémentine et ses parents (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Une otite congestive, le plus souvent d’origine virale et accompagnant les rhinopharyngites, ne nécessite pas d’antibiothérapie à l’inverse de l’otite moyenne aiguë purulente.
Pas d’argument clinique pour une méningite.
Sinus frontal développé à partir de 10 ans, sinus maxillaire dès 3 ans.
Traitement de la rhinopharyngite simple.
Pas de signe clinique en faveur d’une sinusite.
Clémentine a un tableau de rhinopharyngite simple. Un traitement symptomatique en ambulatoire suffit (antalgiques, lavage de nez) avec des consignes de surveillance indiquant une nouvelle évaluation médicale.
Le lendemain, les parents consultent directement aux urgences car Clémentine a toujours les mêmes céphalées, des douleurs abdominales péri-ombilicales, des vomissements alimentaires et un œdème du visage. Elle est apyrétique à 36,5 °C, a des bruits hydro-aériques, n’a pas de diarrhée. Les symptômes ne sont pas survenus dans les quatre heures suivant une prise alimentaire et elle n’a pas pris de médicaments. Elle n’a pas perdu de poids, mais aurait pris 1 kg en une semaine (23 kg, poids théorique). Elle est pâle et très asthénique.
Cliniquement : température (T°) = 36,5 °C ; fréquence respiratoire (FR) = 32/min ; saturation en oxygène (SpO2) = 98 % ; fréquence cardiaque (FC) = 165/min ; tension artérielle (TA) = 84/48 (53) mmHg.
Voies aériennes libres et sûres, rhinite modérée.
Pas de signe de lutte respiratoire, auscultation pulmonaire claire et symétrique.
Extrémités fraîches remontant jusqu’aux genoux et coudes, pas de cyanose mais pâleur généralisée, pas de marbrure, temps de recoloration cutané 3 sec, pas de signe de précharge, pas d’hépatomégalie.
Abdomen souple dépressible, douloureux dans son ensemble lors de la palpation, mais pas de défense ni de contracture.
Œdème du visage, principalement joue et zone péri-orbitaire, œdèmes des pieds et chevilles, très légers œdèmes des mains, mous, blancs, indolores et prenant le godet, pas de purpura, pas de lésion cutanée. Pas de douleur articulaire.
Les parents signalent que Clémentine réclame souvent de l’eau et urine peu.
Question 2 - Quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) diagnostique(s) principale(s) ?
Pas d’argument clinique pour une anaphylaxie, à distance d’une prise alimentaire, contexte de virose.
Tableau d’œdème généralisé sur probable 3e secteur expliquant l’hypovolémie efficace.
Pas de détresse respiratoire, auscultation normale et pas d’hépatomégalie.
Apyrétique, pas d’éruption cutanée.
La patiente a un tableau de choc hypovolémique dans un contexte de syndrome œdémateux généralisé. Dans ce cas, il faut penser aux causes liées à une insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale.
Clémentine a un tableau de choc hypovolémique.
Question 3 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
L’urgence est le remplissage vasculaire, car tableau d’insuffisance circulatoire.
Choc hypovolémique donc l’urgence est un remplissage et non un diurétique.
Remplissage vasculaire entre 10 et 20 mL/kg avec réévaluation clinique entre chaque bolus.
Pas en première intention mais à envisager après plusieurs remplissages et selon le bilan biologique associé.
Mise en condition pour prendre en charge le patient et le monitorer.
L’urgence devant un tableau de choc est le remplissage vasculaire qui est de 10 à 20 mL/kg en pédiatrie (maximum 500 mL) de soluté cristalloïde isotonique balancé comme le Ringer Lactate dans l’idéal, pour diminuer le risque de mortalité associée à l’hyperchlorémie en cas de remplissages itératifs. L’évaluation clinique « ABC (airways, breathing, circulation) » avant chaque remplissage permet de juger s’il faut continuer ou bien arrêter les remplissages.
Clémentine est maintenant stabilisée sur le plan hémodynamique.
Question 4 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) réalisez-vous ?
Devant un choc hypovolémique avec diminution de la diurèse, l’ECG permet de détecter des troubles hydroélectrolytiques en attendant le bilan biologique.
Rechercher une anémie hémolytique, une thrombopénie en faveur d’un syndrome hémolytique et urémique.
Rechercher une insuffisance rénale ou hépatique et les troubles hydroélectrolytiques associés.
Rechercher une protéinurie devant le syndrome œdémateux en rapport avec une glomérulopathie.
Évaluer la fonction hépatique et l’hémostase.
À la suite d’une virose ORL, Clémentine a un tableau de choc hypovolémique associé à un syndrome œdémateux. Il faut rechercher la cause de ce syndrome œdémateux. La cause la plus probable en pédiatrie serait une insuffisance rénale sur une découverte de syndrome néphrotique.
Les résultats des examens demandés sont les suivants :
– hémoglobine = 20 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 76 fl ; hématocrite = 57 % ; leucocytes : 41 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 32 G/L ; plaquettes = 581 G/L ; schizocytes < 1 %. TP et TCA normaux ;
– natrémie = 122 mmol/L ; kaliémie = 4,8 mmol/L ; protides = 45 g/L ; albumine = 5 g/L ; urée = 12 mmol/L ; créatinine = 74 µmol/L ; bilan hépatique normal ;
– bandelette urinaire : protéines +++ ; hématies +++ ; pas d’hématurie macroscopique ; rapport protéinurie/créatininurie = 3,8 g/mmol ;
– la radiographie thoracique montre un index cardiothoracique < 0,5.
– électrocardiogramme : rythme sinusal régulier à 110 bpm, pas de trouble de la conduction, QRS fins, QTc de durée normale, pas de troubles de la repolarisation, ondes T normales.
Question 5 - Quel(s) diagnostic(s) suspectez-vous ?
Pas d’anémie ni de thrombopénie.
Pas d’hépatomégalie ni de perturbation du bilan hépatique.
Pas de signe clinique ni radiologique.
Syndrome œdémateux associé à une protéinurie et à une hypoalbuminémie et/ou hypoprotidémie.
Urée et créatinine augmentées.
L’insuffisance rénale aiguë se définit comme une altération de la fonction rénale en moins de trois mois telle que l’élévation de la créatininémie, une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) et/ou une oligurie ou anurie. Le DFG chez l’enfant est estimé par la formule de Schwartz : 36,5 x taille (cm) x créatininémie (µmol/L). Les repères de la créatininémie selon l’âge sont : < 35 µmol/L (< 5 ans), < 50 µmol/L (5 et 10 ans), < 90 µmol/L (après la puberté).
Le syndrome néphrotique, quant à lui, est défini par un rapport protéinurie/créatininurie < 0,2 g/mmol et une hypoalbuminémie < 30 g/L et/ou une protidémie < 60 g/L. Il est lié à un dysfonctionnement des lymphocytes T et B entraînant la production d’un facteur circulant qui altère la barrière de filtration glomérulaire. Ici, Clémentine a un tableau d’insuffisance rénale aiguë sur une découverte de syndrome néphrotique.
Vous expliquez aux parents de Clémentine le diagnostic de syndrome néphrotique.
Pour qualifier le type d’insuffisance rénale aiguë, vous demandez un ionogramme urinaire retrouvant : Na = 5 mmol/L ; K = 30 mmol/L, urée urinaire/plasmatique > 10 et une échographie rénale qui ne retrouve pas de dilatation des voies pyélocalicielles.
Question 6 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Syndrome néphrotique pur si pas de signe extra-rénaux associés tels que l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale organique, ou l’hématurie macroscopique.
L’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle associée à cette découverte de syndrome néphrotique nécessite une surveillance pour bilan complémentaire et initiation du traitement.
Présence d’une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle qui nécessite une hospitalisation pour sa prise en charge.
Risque de thromboses en cas de syndrome néphrotique.
Ici, il s’agit d’une hémoconcentration et non d’une polyglobulie vraie dans ce contexte d’hypovolémie relative.
Étant donné le syndrome œdémateux compliqué d’une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle (hypovolémie efficace, Na/K < 1, urée urinaire/plasmatique > 10) et des troubles hydroélectrolytiques, une hospitalisation est nécessaire. L’insuffisance rénale n’est pas liée à une cause obstructive mais à une cause pré-rénale du fait de l’hypovolémie efficace du syndrome néphrotique.
Un traitement par corticothérapie orale pendant quatre semaines et de l’éducation thérapeutique pour surveiller la protéinurie avec des bandelettes urinaires régulières seront mis en place.
Les thromboses font partie des risques associés au syndrome néphrotique.
Clémentine est hospitalisée pour traiter son syndrome néphrotique compliqué d’une insuffisance rénale et de troubles hydroélectrolytiques.
Question 7 - Quelle(s) est/sont la/les mesure(s) associée(s) à mettre en place dans l’immédiat ?
Traitement de l’hyponatrémie.
Prévention des infections virales et à germes encapsulés favorisées par l’hypogammaglobulinémie.
Surveillance du traitement et des rechutes.
Prise en charge à 100 % d’une maladie chronique par la Sécurité sociale et un PAI pour l’école.
Pour rechercher un syndrome néphrotique secondaire.
Le syndrome néphrotique a une bonne corticosensiblité (90 % de rémission) permettant la décroissance de la corticothérapie, et dans certains cas une corticorésistance (10 % de persistance d’un syndrome néphrotique huit jours après quatre semaines de corticothérapie orale et trois jours de bolus intraveineux de méthylprednisolone).
En cas de rechute ou au moindre doute diagnostique ou thérapeutique, un avis spécialisé en néphropédiatrie est nécessaire.
Le dosage du complément dans le bilan étiologique permet de rechercher un syndrome néphrotique secondaire à une autre glomérulopathie.
Enfin, il faut penser aux risques associés au syndrome néphrotique : hypovolémie, thromboses veineuses ou artérielles, infections bactériennes à germes encapsulés, infections virales.

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