Vous recevez en consultation de médecine générale Mme G., 29 ans. Sans médecin généraliste depuis plus de dix ans, elle a en effet obtenu une consultation avec vous et vous demande d’être son médecin traitant. Elle exerce un emploi dans la communication, est en couple et ne rapporte pas d’antécédent médical particulier en dehors d’une fracture tibiale dans l’enfance, de quelques cystites et d’un asthme bien contrôlé sans traitement de fond.
Au cours de l’entretien, elle vous fait part d’un désir de grossesse, partagé avec son conjoint. Elle a d’ailleurs depuis quelques jours arrêté toute contraception. Sa dernière consultation en gynécologie a eu lieu il y a quatre ans.
L’examen clinique est sans particularité. Elle pèse 69 kg pour 1,62 m.
Question 1 - Parmi les examens suivants, le(s)quel(s) vous semble(nt) pertinent(s) ?
Bien que non obligatoire, la consultation pré-conceptionnelle garde un intérêt pour anticiper les risques pendant la grossesse, faire de la prévention sur les éventuels facteurs de risque modifiables (tabac, alcool, surpoids…) et s’assurer de la mise à jour du calendrier vaccinal. Outre le recueil des antécédents médicaux, chirurgicaux et familiaux, l’évaluation du mode de vie, les traitements et éventuelles expositions professionnelles, elle repose selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (recommandations HAS, 2013) notamment sur :
– un examen clinique avec mesure du poids, de la taille et de la pression artérielle ;
– un examen gynécologique avec mise à jour du dépistage du cancer du col de l’utérus ;
– la détermination du groupe sanguin pour la mère, et le père en cas de Rhésus négatif ;
– une sérologie toxoplasmose et virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Sérologie rubéole et varicelle – sauf en cas de vaccination ou d’infection antérieure documentée ;
– +/- le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et des hépatites (test tréponémique, virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C [VHC]…).
Bien que potentiellement à l’origine de forme grave chez la femme enceinte, la sérologie rougeole ne fait donc pas partie des sérologies recommandées dans la consultation pré-conceptionnelle. Concernant le dépistage systématique d’une infection antérieure par le CMV, si cette question continue à faire débat parmi les sociétés savantes (une évaluation de la pertinence menée par la HAS est attendue pour mai 2025), il reste non recommandé par le Haut Conseil de la santé publique [HCSP]) [avis de 2018].
Le dépistage du diabète gestationnel enfin – s’il est recommandé pour les femmes de plus de 35 ans, en surpoids, ou ayant un antécédent familial au 1er degré de diabète type 2, de macrosomie, de diabète gestationnel ou de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) – ne doit être réalisé qu’à partir du 1er trimestre (glycémie à jeun +/- hyperglycémie provoquée par voie orale).
Vous prescrivez donc les examens biologiques dont les résultats sont les suivants :
– groupe sanguin : A Rhésus négatif ;
– sérologie toxoplasmose : IgG positif, IgM négatif ;
– sérologie rubéole : IgG positif, IgM négatif ;
– sérologie VIH négatif ;
– sérologie VHB et VHC négative ;
– test tréponémique négatif ;
– PCR Chlamydia/gonocoque négatives au niveau génital et ORL.
Elle a par ailleurs égaré son carnet de santé, mais pense avoir eu la varicelle dans l’enfance. Vous lui prescrivez de l’acide folique (0,4 mg/j).
Six mois plus tard, elle consulte à nouveau pour l’apparition de brûlures mictionnelles peu invalidantes. Elle n’a pas de douleur lombaire, de trouble du transit ni de fièvre notable. Vous ne notez rien de particulier à l’examen clinique (pas de douleur à l’ébranlement des fosses lombaires notamment).
Question 2 - Quelle est votre prise en soin (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Bien que Mme G n’ait pas d’antécédent la classant à risque de complication en cas d’infection urinaire, le contexte doit ici la faire considérer comme enceinte jusqu’à preuve du contraire. Un dosage de β-hCG urinaire – avec la réalisation d’un ECBU en cas de positivité – semble donc ici l’option la plus pertinente (la réalisation d’une BU seule n’est pas recommandée en cas de grossesse). De la même façon, si la fosfomycine-trométamol est bien le traitement de première intention en cas de cystite simple, il faut avant s’assurer de l’absence de grossesse. En cas de cystite gravidique – contrairement aux autres cystites à risque de complication – le traitement de première intention reste la fosfomycine-trométamol et non la nitrofurantoïne. La ciprofloxacine enfin, si elle est parfois une option thérapeutique pour un relais oral en cas de résistance bactérienne aux autres lignes, n’est pas recommandée dans le traitement des cystites aiguës, et doit de manière générale rester exceptionnelle pour les traitements probabilistes (fort impact écologique, avec destruction du microbiote et barrière génétique faible pour la sélection de résistance, effets indésirables et risque d’interactions médicamenteuses (allongement du QTc, tendinopathie...) Voir l’actualisation des recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) [Actualisation des recommandations SPILF et GPIP sur l’utilisation des fluoroquinolones, 2025].
Vous prescrivez donc un dosage de β-hCG urinaire – qui revient positif. L’ECBU quant à lui revient positif (leucocyturie > 104/mL) à Citrobacter freundii (105 UFC/mL) dont voici l’antibiogramme.
Tableau (Julien Derdevet, La Revue du Praticien)
Question 3 - Parmi les propositions suivantes, laquelle/lesquelles vous semble(nt) exacte(s) ?
Mme G. a ici une cystite gravidique – donc à risque de complication – à Citrobacter freundii. Au même titre que les Enterobacter spp., Serratia spp. et Morganella spp., il s’agit d’une entérobactérie du groupe 3, qui possède par définition une cépholosporinase induisant une résistance à certaines céphalosporines (1re et 2e générations globalement) et ayant également une activité enzymatique contre certaines pénicillines (amoxicilline) non inhibées par une pénicillinase. Le phénotype de résistance présenté ici correspond donc au phénotype sauvage de cette espèce.
À noter, Citrobacter freundii – avec Klebsiella aerogenes et Enterobacter cloacæ – font partie, au sein du groupe 3, des entérobactéries qui sont le plus susceptibles de déréprimer une céphalosporinase de haut niveau (par hyperproduction d’adénosine monophosphate cyclique [AMPc]). En pratique clinique, il existe donc un risque de développer une résistance naturelle aux céphalosporines de 3e génération. Un traitement probabiliste par céfépime (céphalosporines de 4e génération) peut dans ce cas se justifier même si l’antibiogramme indique une sensibilité aux céphalosporines de 3e génération.
Concernant le traitement des cystites gravidiques, il a fait l’objet de recommandations (recommandations HAS) mises à jour en 2024. Après documentation microbiologique, le traitement de première intention reste l’amoxicilline, puis le pivmécillinam, la fosfomycine-trométamol et enfin le triméthoprime. Devant la résistance naturelle à l’amoxicilline, un traitement par pivmécillinam semble donc ici le plus indiqué.
Le dépistage d’un diabète gestationnel, enfin, s’il est recommandé dans le contexte de surpoids (indice de masse corporelle à 26,3 kg/m2), l’est a fortiori en cas d’infection urinaire.
Vous prescrivez donc un traitement par pivmécillinam qui permet la disparation rapide des brûlures mictionnelles. Mme G. décide de poursuivre cette grossesse, mais reste inquiète pour la suite. Elle vous demande les mesures préventives à adopter.
Elle avait bien eu un rappel de DTPc à 25 ans.
Question 4 - Parmi les propositions suivantes sur les mesures au cours de sa grossesse, laquelle/lesquelles vous semble(nt) exacte(s) ?
Bien qu’il existe quelques contre-indications (vaccin vivant atténué comme celui contre la rougeole-oreillons-rubéole [ROR] ou la fièvre jaune), la mise à jour des vaccins chez les femmes enceintes reste bien entendu un enjeu majeur pour prévenir les complications de ces infections chez la femme et l’enfant à naître. Quatre vaccins sont particulièrement recommandés au cours de la grossesse en 2025 :
– grippe saisonnière : recommandé habituellement entre octobre et mars chaque année, quel que soit le trimestre ;
– SARS-CoV-2 : recommandé dès le premier trimestre en l’absence de rappel depuis plus d’un an ;
– coqueluche : recommandé à partir du 2e trimestre, de préférence entre 20 et 26 semaines d’aménorrhée (SA), à chaque grossesse, même en cas de rappel vaccinal récent. Pour rappel, une épidémie de coqueluche d’intensité inhabituelle a eu lieu au cours de l’hiver 2024 ;
– VRS : récemment commercialisé, ce vaccin était recommandé durant l’hiver 2024-2025 pour les femmes enceintes entre 32 et 36 SA entre septembre et janvier.
Mme G. avait par ailleurs une immunisation ancienne contre la toxoplasmose avant sa grossesse. Les mesures hygiéno-diététiques pour prévenir une primo-infection toxoplasmique ne s’appliquent pas dans son cas. Les mesures de prévention de la listériose, en revanche, s’appliquent bien dans son cas (éviter les aliments crus d’origine animale, le poisson cru, laver les légumes crus et les herbes aromatiques…).
La grossesse, surtout dans un contexte de surpoids, peut enfin être une période à risque où des comportements sédentaires peuvent s’ancrer. Tant pour le bien-être physique que psychologique, il reste donc important de faire du sport (marche, natation, vélo stationnaire…), en pratiquant avec prudence à partir du 2e trimestre certaines activités à risque de chute (vélo, course à pied…).
Mme G. suit tous vos conseils, et sa grossesse se déroule sans événement notable.
Elle vous consulte toutefois un lundi à 34 SA, très inquiète. Lors d’un déjeuner la veille, elle a en effet remarqué qu’un de ses neveux (4 ans) avait de la fièvre et une éruption cutanée érythémateuse diffuse. On lui aurait dit qu’il avait la varicelle. Ils ont partagé le repas dans la même pièce, sans contact direct.
Question 5 - Parmi les propositions suivantes, laquelle/lesquelles vous semble(nt) exacte(s) ?
La varicelle est une maladie très contagieuse (taux d’attaque de 60 à 100 %), transmise par voie aérienne (cf. rougeole, tuberculose). Tout contact familial (> 1 h sans masque dans la même pièce, ou > 5 min en face-à-face) est donc considéré à risque de transmission.
Il est important de bien s’assurer de l’immunisation anti-VZV devant tout projet de grossesse, soit avec une infection documentée dans l’enfance, soit avec une trace d’une vaccination (2 doses) antérieures, soit enfin avec une sérologie anti-VZV. Une notion d’infection dans l’enfance, sans trace écrite, ne suffit pas ici et aurait dû mener à la réalisation d’une sérologie. Par défaut, il faut donc considérer Mme G. comme non immunisée jusqu’à preuve du contraire.
La conduite à tenir pour la prévention et la gestion des infections par le VZV durant la grossesse et la période périnatale a fait l’objet d’une recommandation de la SPILF (recommandation SPILF) récente (2024). En cas d’exposition à risque récente (< 14 jours) chez une patiente potentiellement non immunisée, la première urgence est de réaliser une sérologie pour déterminer le statut immun et éventuellement décider d’une prophylaxie. À noter, la réalisation d’une sérologie ne doit pas faire retarder l’administration d’une prophylaxie.
La varicelle étant très contagieuse enfin, il faut éviter au maximum les hospitalisations pour limiter le risque d’infections nosocomiales. Le vaccin anti-VZV, s’il n’est maintenant plus vivant atténué (Shingrix), reste – pour finir – déconseillé pour le moment durant la grossesse, faute de données d’innocuité.
Vous adressez donc Mme G. aux urgences gynécologiques les plus proches. Une sérologie anti-VZV est réalisée, et revient le jour même effectivement négative en IgG et IgM.
Elle a par ailleurs le lendemain des contractions, et est admise en salle de travail avec isolement air et contact.
Question 6 - Parmi les options thérapeutiques, laquelle/lesquelles vous semble(nt) pertinente(s) ?
Mme. G a, à ce stade, un contage infectieux à VZV durant la période périnatale, mais pas encore d’infection varicelleuse maternelle. Le contage étant pris en soin relativement tôt (< 10 jours), il existe une indication à l’administration d’immunoglobulines anti-VZV dès que possible. Un traitement préemptif par valaciclovir, en revanche, est surtout indiqué en cas d’indisponibilité de ces immunoglobulines anti-VZV ou si le contage date de plus de dix jours. Dans tous les cas, la vaccination anti-VZV est bien entendu indiquée en post partum si Mme. G. ne développe finalement pas d’infection.
Concernant l’allaitement, il n’est pas contre-indiqué, y compris en cas de varicelle maternelle. Certaines précautions sont toutefois bien entendu nécessaires (éviter tout contact direct de l’enfant avec les lésions, respect des mesures de protection (masque chirurgical, hygiène des mains…). De manière, les contre-indications à l’allaitement restent rares en maladies infectieuses (infection par le VIH, le VHC ou HTLV-1/2 non contrôlée).
En l’absence de varicelle maternelle enfin, il reste encore trop tôt pour considérer le nouveau-né comme exposé et donc à risque de développer une varicelle néonatale. Cette situation nécessite toutefois bien entendu une surveillance rapprochée, avec traitement par immunoglobulines spécifiques anti-VZV et/ou valaciclovir selon la date d’éruption maternelle, le terme et le poids de naissance (recommandation SPILF 2024).
Tout évolue finalement favorablement, et Mme G. accouche à 34 SA par voie basse d’un petit Nolan (3 200 g, Apgar 8/10/10) qui se porte bien. Il n’y a pas de complication immédiate durant le post-partum, et Mme G. ne développera finalement pas d’éruption cutanée notable et rentre chez elle quarante-huit après l’accouchement.
Le lendemain, Nolan a une fièvre (T° > 38,2 °C) bien tolérée, sans autre anomalie à l’examen clinique. Il n’a pas d’altération par ailleurs des autres paramètres vitaux (PA = 70/40 mmHg, FC à 124/min, FR à 34/min).
Nolan a ici une fièvre à 3 jours de vie, ce qui peut faire suspecter une infection néonatale bactérienne précoce (INBP). Il faut bien entendu garder en mémoire la possibilité d’une varicelle néonatale mais, en l’absence de symptômes maternels, cette hypothèse reste peu probable.
Toute suspicion d’INBP doit bénéficier d’un examen clinique rapide et complet, et doit motiver une antibiothérapie probabiliste après prélèvement microbiologique (hémoculture) [recommandation de bonne pratique, Société française de néonatalogie et de pédiatrie, 2017]. Une ponction lombaire est également recommandée en cas d’hémoculture positive ou d’altération de l’état général/de signes cliniques neurologiques.
En l’absence de signe de gravité comme ici, l’antibiothérapie recommandée reste amoxicilline (100 mg/kg/j) + gentamicine (de 5 à 6 mg/kg/j). En cas de signe de gravité néanmoins (altération de l’hémodynamique, signes neurologiques…), une antibiothérapie probabiliste par céfotaxime (200 mg/kg/j) + gentamicine (de 5 à 6 mg/kg/j) est toutefois plutôt recommandée.
– un examen clinique avec mesure du poids, de la taille et de la pression artérielle ;
– un examen gynécologique avec mise à jour du dépistage du cancer du col de l’utérus ;
– la détermination du groupe sanguin pour la mère, et le père en cas de Rhésus négatif ;
– une sérologie toxoplasmose et virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Sérologie rubéole et varicelle – sauf en cas de vaccination ou d’infection antérieure documentée ;
– +/- le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et des hépatites (test tréponémique, virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C [VHC]…).
Bien que potentiellement à l’origine de forme grave chez la femme enceinte, la sérologie rougeole ne fait donc pas partie des sérologies recommandées dans la consultation pré-conceptionnelle. Concernant le dépistage systématique d’une infection antérieure par le CMV, si cette question continue à faire débat parmi les sociétés savantes (une évaluation de la pertinence menée par la HAS est attendue pour mai 2025), il reste non recommandé par le Haut Conseil de la santé publique [HCSP]) [avis de 2018].
Le dépistage du diabète gestationnel enfin – s’il est recommandé pour les femmes de plus de 35 ans, en surpoids, ou ayant un antécédent familial au 1er degré de diabète type 2, de macrosomie, de diabète gestationnel ou de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) – ne doit être réalisé qu’à partir du 1er trimestre (glycémie à jeun +/- hyperglycémie provoquée par voie orale).