Monsieur H., 64 ans, consulte au service d’accueil des urgences devant l’apparition depuis trois jours d’un essoufflement à l’effort associé à des palpitations. Il n’a pas d’autres symptômes.

Il n’a pas d’antécédent et ne prend aucun traitement. 

L’auscultation cardiaque retrouve des bruits du cœur irréguliers sans souffle. L’auscultation pulmonaire retrouve des crépitants bilatéraux des bases. Il existe des œdèmes discrets des membres inférieurs remontant jusqu’à la cheville. Le reste de l’examen est sans particularité.
Question 1 - Quel(s) examen(s) devez-vous réaliser en première intention ?
Il sera réalisé dans un second temps en fonction de la probabilité pré-test d’embolie pulmonaire.
Il recherche des signes en faveur d’une cause cardiologique à la dyspnée.
Elles n’ont pas leur place en première intention dans un bilan de dyspnée. Elles seront à réaliser en cas d’éléments orientant vers une pathologie obstructive respiratoire.
Il n’existe aucune raison de doser les troponines en première intention dans un bilan de dyspnée sans autre élément orientant vers une coronaropathie (douleur thoracique, éléments échocardiographiques, terrain à risque).
Les examens complémentaires à réaliser en première intention devant une dyspnée aiguë sont :
– une gazométrie artérielle pour apprécier la gravité de la dyspnée ;
– un ECG ;
– une radiographie thoracique ;
– un bilan biologique comprenant une numération formule plaquettaire, un ionogramme sanguin, une glycémie, des NT-proBNP, éventuellement des D-dimères en cas de suspicion d’embolie pulmonaire.
Vous réalisez un électrocardiogramme.
Figure 1 (Elon Zerah, La Revue du Praticien)
Question 2 - À propos de cet ECG, vous affirmez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le rythme n’est pas sinusal car il n’existe pas d’ondes P, il s’agit d’un ECG de fibrillation atriale (FA).
L’espace moyen entre 2 complexes QRS est supérieur à deux grands carreaux donc le rythme est légèrement inférieur à 150 bpm. À noter qu’en cas de FA, il faut moyenner plusieurs espaces « R-R » pour approximer la fréquence cardiaque.
DI est négatif, aVF est positif, l’axe est donc dévié à droite.
On note l’absence de croissance de l’onde R de V1 à V3.
Des ondes T négatives en aVR, V1 et V2 sont physiologiques.
Il s’agit d’un ECG classique de FA avec un rythme irrégulier et l’absence d’activité atriale organisée.
La radiographie pulmonaire est sans particularité. Les constantes de votre patient sont les suivantes : tension artérielle (TA) = 140/85 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 130 bpm ; saturation en oxygène (SpO2) = 97 % en air ambiant ; fréquence respiratoire (FR) = 22/min ; apyrétique.
Question 3 - À propos de la fibrillation atriale (FA), vous affirmez (une ou plusieurs réponses exactes) :
La FA paroxystique est déclenchée par l’automatisme anormal des veines pulmonaires. En cas de FA persistante, le circuit est auto-entretenu par des remaniements fibrosiques au sein de l’oreillette gauche.
La FA paroxystique se définit par son arrêt spontané en moins de sept jours. Ici le patient est toujours en FA, donc son caractère ne peut pas encore être précisé. Il semblerait tout de même qu’il faille réaliser une cardioversion pour retrouver un rythme sinusal. Le plus probable est donc que cette FA soit persistante.
Ceux sont deux pathologies différentes qui n’ont pas de lien.
Il s’agit d’un premier épisode de FA chez un sujet jeune, il paraît donc licite de proposer à distance une ablation de sa FA afin de lui éviter une prise prolongée de traitement antiarythmique.
La FA peut être rapide, comme chez notre patient, mais elle peut également être lente (< 90 bpm), voir nécessiter l’implantation d’un stimulateur cardiaque (maladie rythmique auriculaire se caractérisant par l’association d’une FA et d’une dysfonction sinusale symptomatique avec FC < 50 bpm).
Sur le plan physiopathologique, la FA repose sur deux mécanismes principaux : des foyers d’automatisme anormal, souvent situés dans les veines pulmonaires, et un substrat atrial pathologique favorisant la propagation anarchique des ondes électriques. Les veines pulmonaires contiennent des cellules myocardiques capables de générer des impulsions ectopiques rapides, qui peuvent initier des épisodes de FA. En parallèle, des altérations structurelles de l’oreillette gauche (fibrose, dilatation) entretiennent l’arythmie.
Vous avez donc diagnostiqué un premier épisode de FA évoluant depuis plus de quarante-huit heures. L’échographie transthoracique (ETT) réalisée retrouve une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) à 45 % avec une hypokinésie globale. Il n’existe pas de valvulopathie et les cavités cardiaques ne sont pas dilatées. Cliniquement, le patient reste stable mais la dyspnée persiste.
Question 4 - À propos de la stratégie thérapeutique chez ce patient, vous affirmez (une ou plusieurs exactes) :
Le CHADS-VA sert à indiquer une anticoagulation au long cours chez les patients ayant une FA. Lors du diagnostic initial, il faut initier une anticoagulation dans le but de réaliser une cardioversion électrique à visée de contrôle du rythme.
Les AOD peuvent être administrés en cas de FA non valvulaire. Ici, l’absence de valvulopathie nous autorise donc à les débuter.
Toute FA qui n’est pas statuée « permanente » devra être cardioversée après s’être assuré de l’absence de thrombus auriculaire gauche (échocardiographie transœsophagienne [ETO]/anticoagulation efficace > 3 semaines). Chez M. H., c’est donc l’attitude thérapeutique à envisager pour améliorer sa symptomatologie ainsi que sa fonction cardiaque.
Il faut ici bien évidemment ralentir la fréquence cardiaque en attendant de pouvoir réaliser une cardioversion après anticoagulation efficace.
Après retour en rythme sinusal, il faut systématiquement associer une stratégie de contrôle du rythme afin d’éviter les récidives, soit par ajout d’un traitement anti-arythmique en long cours, soit en réalisant une ablation de la FA.
Il est primordial de distinguer deux situations avant de mettre en place un traitement anticoagulant :
– l’anticoagulation initiale, systématique hors contre-indication lorsque le patient est en FA pour permettre une cardioversion ;
– l’anticoagulation au long cours qui dépend du score CHADS-VA.
De la même façon, il faut différencier deux stratégies thérapeutiques dans la FA :
– le contrôle du rythme qui vise à restaurer un rythme sinusal et à utiliser des anti-arythmiques pour le maintenir ;
– le contrôle de fréquence, qui s’applique chez les patients ayant une FA jugée permanente et où le seul objectif sera d’obtenir une fréquence cardiaque < 110 bpm en tolérant la FA.
Le patient retourne au domicile avec un traitement par rivaroxaban et bisoprolol. Trois semaines plus tard, vous réalisez avec succès une cardioversion permettant un retour en rythme sinusal. Vous ajoutez à l’ordonnance un traitement par Flécaïne.
Deux ans plus tard, alors que vous êtes de garde, le SMUR vous adresse M. H. Il a été retrouvé au domicile en détresse respiratoire aiguë sur œdème aigu pulmonaire. Son état clinique s’est stabilisé après prise en charge adéquate par Risordan et furosémide. Ses constantes sont les suivantes : TA = 160/92 mmHg ; FC = 175 bpm ; SpO2 = 97 % sous O2 3 L ; FR = 22/min ; apyrétique. Vous apprenez en interrogeant sa femme que son état s’est progressivement dégradé avec une dyspnée crescendo jusqu’à apparaître au moindre effort ces derniers jours.
L’examen clinique retrouve un patient ayant un tirage intercostal avec une cyanose périphérique. L’auscultation cardiorespiratoire retrouve des bruits du cœurs irréguliers rapides ainsi que des crépitants bilatéraux jusqu’à l’apex pulmonaire.
Question 5 - Quel(s) examen(s) est/sont indiqué(s) pour évaluer la gravité du patient ?
L’ECG donnera des arguments étiologiques et permettra d’éliminer une urgence (tachycardie ventriculaire, par exemple).
Il permet d’évaluer l’hématose du patient. Il permet aussi d’obtenir des lactates pour juger de l’hypoxie tissulaire.
C’est l’examen clé.
Non indiquée ici en urgence devant l’absence de précarité hémodynamique, elle sera à réaliser rapidement en cas de dégradation chez un patient ne prenant pas de traitement anticoagulant afin de s’assurer de la vacuité de l’auricule gauche avant une éventuelle cardioversion rapide.
Elle ne nous renseignera pas sur la gravité du patient.
L’ETT est l’examen clé qui permettra non seulement d’orienter l’étiologie mais également d’avoir une idée plus claire de la fonction cardiaque sous-jacente. En effet, on n’orientera pas de la même façon un patient qui a une FA avec FEVG à 15 % et celui qui a une FA avec FEVG préservée.
Vous réalisez les examens suivants :
– gaz du sang + lactates sous 3 L d’O2 : pO2 = 55 mmHg ; pCO2 = 25 mmHg ; HCO3- = 17 mEq/L ; pH = 7,45 ; lactates = 1,8 mmol/L.
– ECG : FA à 170 bpm, pas de troubles de la repolarisation.
– ETT : FEVG 15 % en FA rapide, insuffisance mitrale modérée, pas de valvulopathie aortique, index cardiaque conservé, bon ventricule droit contractile.
L’état respiratoire du patient s’améliore après la réalisation d’une cardioversion électrique et d’une cure de déplétion hydrosodée par furosémide. Vous réalisez par la suite une coronarographie qui ne retrouve pas d’anomalie. L’ETT de contrôle en rythme sinusal retrouve une FEVG à 30 %.
Question 6 - Quelle(s) proposition(s) est/sont vraie(s) ?
Après un passage en FA, la FEVG peut rester basse durant un certain temps (on parle de sidération myocardique).
La FEVG étant < 40 %, un traitement doit être introduit avant la sortie d’hospitalisation.
Le traitement bêtabloquant doit être poursuivi, d’autant plus que le patient a désormais une insuffisance cardiaque à FEVG altérée.
La Flécaïne est contre-indiquée en cas de FEVG altérée. Il conviendra d’introduire dans ce contexte un traitement par Cordarone.
Il faut attendre trois mois en cas de cardiopathie non ischémique.
La tachycardiomyopathie est une complication fréquente de la FA mal contrôlée. Le traitement à introduire est celui de l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée.
M. H. sort d’hospitalisation avec un traitement adéquat. À un mois, son échocardiographie s’est normalisée.
Huit ans plus tard, vous le retrouvez hospitalisé en service de cardiologie car il a fait une syncope à l’emporte-pièce. L’ECG est le suivant.
Figure 2 (Elon Zerah, La Revue du Praticien)
Question 7 - À propos de cette situation, vous affirmez (une ou plusieurs réponses exactes) :
On note une activité atriale organisée avec retour à la ligne de base, il s’agit d’un flutter atrial.
Il faut en effet implanter un stimulateur cardiaque mais la resynchronisation n’est pas indiquée car les QRS sont fins et la FEVG s’est normalisée.
Le flutter atrial associé à une fréquence cardiaque < 50 bpm définit la maladie de l’oreillette, qui associe arythmie supraventriculaire et dysfonction sinusale.
En cas de brady-arythmie, on implante un stimulateur simple chambre qu’on règlera en VVI.
Il faudra simplement régler le boîtier avant et après l’examen.
Les troubles conductifs peuvent souvent s’associer à une arythmie supra-ventriculaire.

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