Mme A., âgée de 41 ans, consulte son médecin généraliste à 10 semaines d’aménorrhée (SA) pour céphalées. Elle décrit l’apparition de douleurs holocrâniennes depuis quarante-huit heures sans autre signe associé.

Elle n’a pas d’antécédent particulier en dehors d’une fausse couche spontanée précoce à 8 SA à l’âge de 36 ans.

Vous prenez ses paramètres vitaux qui mettent en évidence une hypertension artérielle (HTA) à 170/83 mmHg. La fréquence cardiaque est à 78 bpm. Elle est apyrétique.
Question 1 - Concernant le tableau de la patiente, quelle(s) est/sont la/les affirmation(s) exacte(s) ?
Le traitement par IEC est interdit pendant la grossesse car à risque de malformations cardiaques et neurologiques (toxicité fœtale : altération de la fonction rénale, oligo-amnios ; toxicité néonatale : hypotension, hyperkaliémie). Il faut privilégier les traitements suivants : labétalol (alpha-bêtabloquants), l’alpha-méthyldopa (antihypertenseur central), la nicardipine (inhibiteur calcique non bradycardisant) ou plus rarement la clonidine (antihypertenseur central).
La prééclampsie ne peut être diagnostiquée avant 20 SA. La présence d’une HTA et d’une protéinurie avant 20 SA doit faire rechercher une autre atteinte néphrologique préexistante à la grossesse.
Par définition, une HTA survenant avant 20 SA est une HTA préexistante à la grossesse.
Les nouvelles cibles de pression artérielle au cours de la grossesse sont une PAS < 140 mmHg et une pression artérielle diastolique (PAD) < 90 mmHg avec une PAD supérieure à 80 mmHg à atteindre progressivement (recommandations de l’European Society of Hypertension, 2023).
Une HTA peut être associée à des céphalées. Il faut débuter un traitement rapidement pour obtenir des pressions normales mais il n’est pas indispensable d’hospitaliser la patiente.
Vous débutez un traitement par labétalol et vous revoyez la patiente une semaine après. La pression artérielle est à 138/85 mmHg. Elle a réalisé une bandelette urinaire qui était négative pour les leucocytes, nitrites et les protéines. La créatinine plasmatique est à 45 µmol/L (débit de filtration glomérulaire [DFG] estimé selon la CKD-EPI à 119 mL/min/1,73 m²).
La patiente est inquiète et vous pose des questions sur les adaptations physiologiques au cours de la grossesse.
Question 2 - Concernant ces affirmations, quelle(s) est/sont la/les affirmation(s) exacte(s) ?
Les nouvelles cibles de pression artérielle au cours de la grossesse sont une PAS < 140 mmHg et une PAD < 90 mmHg avec une PAD supérieure à 80 mmHg à atteindre progressivement.
Au cours d’une grossesse normale, le débit cardiaque augmente et la pression artérielle diminue en lien avec une vasodilatation périphérique. Cette baisse est constante au cours des six premiers mois. Au troisième trimestre, la pression artérielle remonte pour atteindre des valeurs identiques à celles observées avant la grossesse.
L’âge maternel élevé (> 40 ans) ainsi que la présence d’une HTA avant la grossesse est un facteur de risque de prééclampsie.
L’aspirine est proposée en prévention secondaire de la prééclampsie. Cela ne concerne donc que les patientes ayant déjà eu un antécédent de prééclampsie.
Une baisse de la pression artérielle trop importante est à risque d’hypoperfusion fœtale et donc de complications.
À 26 SA, la patiente consulte aux urgences devant la survenue d’œdèmes des membres inférieurs. Vous réalisez une bandelette urinaire qui est positive à 3 croix pour les protéines. Sa pression artérielle est normale sous labétalol à 132/83 mmHg.
Question 3 - Concernant ces affirmations, quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
L’association d’une HTA (même si préexistante et traitée) et d’une protéinurie (> 300 mg/g ou 300 mg/j) survenant après 20 SA est caractéristique d’une prééclampsie. Ici, il faut confirmer le diagnostic par dosage quantitatif de la protéinurie.
Bien que les œdèmes soient fréquents au cours de la grossesse, l’apparition de la protéinurie chez cette patiente doit faire conduire au diagnostic de prééclampsie. L’hospitalisation est systématique lors de la découverte d’une prééclampsie.
Il existe en effet un phénomène d’hyperfiltration au cours de la grossesse expliqué en partie par l’augmentation du débit cardiaque et donc du débit plasmatique rénal. Il peut être accompagné par une augmentation modeste de la protéinurie mais pas aussi importante.
Le traitement de la prééclampsie est la délivrance. Toutefois, en l’absence de signe de gravité, elle n’est proposée qu’à partir de 37 SA.
Le diagnostic de la prééclampsie est clinico-biologique. Il n’est pas nécessaire de réaliser une biopsie rénale du fait du risque pour la mère et le fœtus. Celle-ci peut être discutée en cas de persistance de la protéinurie ou de l’insuffisance rénale à distance de la délivrance pour ne pas méconnaître une néphropathie sous-jacente.
La patiente est hospitalisée et l’échographie fœtale met en évidence un retard de croissance intra-utérin. Le bilan biologique retrouve : hémoglobine à 8 g/dL avec des réticulocytes à 180 G/L ; plaquettes à 110 G/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) à 140 UI/L (N < 35) ; alanine aminotransférase (ALAT) à 125 UI/L (N < 35) ; albuminémie à 32 g/L. La créatinine plasmatique est à 140 µmol/L (DFG estimé selon la CKD-EPI à 39 mL/min/1,73 m²). La protéinurie est mesurée à 3,3 g/24 h.
Question 4 - Concernant ces résultats, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Le tableau est évocateur d’un HELLP syndrome caractérisée par un tableau de microangiopathie thrombotique (anémie hémolytique mécanique avec haptoglobine basse associée à la présence de schizocytes et thrombopénie) et d’une cytolyse hépatique.
La stéatose aiguë gravidique est associée à une cytolyse hépatique mais il n’y a pas de tableau d’anémie hémolytique mécanique.
Dans ce contexte d’anémie régénérative, il faut évoquer une hémolyse ou un saignement récent.
Bien que l’on observe une protéinurie de rang néphrotique (> 3 g/24 h), il n’y a pas d’hypoalbuminémie < 30 g/L. Il ne s’agit donc pas d’un syndrome néphrotique.
Bien que le DFG estimé soit entre 30 et 45 mL/min/1,73 m², étant donné qu’il s’agit d’une situation d’insuffisance rénale aiguë (moins de trois mois), on ne peut pas utiliser la stadification de la maladie rénale chronique.
L’haptoglobine est indosable et le frottis sanguin met en évidence 3 % de schizocytes. Vous concluez à un HELLP syndrome. La patiente est actuellement à 30 SA.
Question 5 - Concernant le tableau de la patiente, quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
Les lésions de microangiopathie thrombotique sont hépatiques dans le HELLP syndrome.
Il n’y a pas de microangiopathie thrombotique rénale. L’atteinte rénale est souvent liée à de la nécrose tubulaire aiguë et à des lésions d’endothéliose (turgescence de l’endothélium glomérulaire).
Il s’agit d’une urgence absolue avec risque de complications hémorragiques importantes, de défaillance hépatique sévère et de mortalité maternelle et fœtale.
Le HELLP syndrome est souvent associé à la survenue de douleurs en barre, épigastriques, ou de l’hypochondre droit, traduisant parfois la présence d’un hématome sous-capsulaire du foie.
En cas d’accouchement prématuré avant 32 SA (ici 30 SA), la prise en charge doit être réalisée dans une maternité de niveau 3 (présence dans l’établissement d’un service de réanimation néonatale).
Question 6 - Sur le plan thérapeutique, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Le seul traitement validé dans cette indication pour prévenir la mortalité materno-fœtale est la délivrance qui ne doit pas être repoussée contrairement aux situations de prééclampsie non compliquée.
L’administration parentérale de bétaméthasone chez la mère (12 mg) à l’admission et vingt-quatre heures après accélère la maturation pulmonaire fœtale et doit être proposée à chaque fois que c’est possible chez les nouveau-nés avant 34 SA.
Le traitement repose sur des soins de support et la délivrance fœtale. Le sulfate de magnésium est le traitement de la crise d’éclampsie.
Quel que soit l’urgence de la prise en charge, il est possible et même indispensable de réaliser une anesthésie adéquate (péridurale ou rachianesthésie si césarienne, voire anesthésie générale).
Conjointement avec l’obstétricien, vous avez décidé d’extraire le fœtus en urgence par césarienne après administration de bétaméthasone.
Vous êtes désormais à trois mois de l’accouchement. L’enfant, bien que prématuré, va bien. La patiente a toujours une HTA et une protéinurie de rang néphrotique. La fonction rénale n’a pas récupéré et vous revoyez la patiente en consultation.
Question 7 - Quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
À distance de la délivrance, les anomalies rénales sont censées régresser. De fait, il est nécessaire de poursuivre les explorations.
À distance de la délivrance, les anomalies rénales sont censées régresser. Pour ne pas méconnaître une autre néphropathie, on peut proposer la réalisation d’une biopsie rénale en l’absence de régression des anomalies rénales.
Bien qu’il existe un risque de prééclampsie au cours d’une prochaine grossesse.
En dehors de la grossesse, le traitement de choix de l’HTA, notamment en association avec une protéinurie, reste les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (IEC/ARAII).
Bien que la prématurité soit à risque d’anomalie du développement et notamment des reins et des voies excrétrices urinaires, il n’y a pas lieu, hors point d’appel, de proposer un suivi néphrologique pédiatrique à l’enfant.

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