Médicaments en plein essor dans le traitement de l’obésité et de ses complications, les analogues du GLP- 1 (aGLP- 1) sont actuellement contre-indiqués pendant la grossesse et en cas de projet de grossesse (à arrêter au moins 1 mois avant un projet de grossesse pour le tirzépatide, au moins 2 mois avant pour le sémaglutide), sur la base de données animales ayant mis en évidence une toxicité sur la reproduction (peu de données humaines existent à ce sujet).
Cependant, les effets d’une exposition préalable aux aGLP- 1 sur la grossesse et le développement fœtal n’ont pas encore été étudiés de manière spécifique.
Or, des études en population générale ont montré que l’arrêt des aGLP- 1 était associé à une reprise de poids , ainsi qu’à une dégradation de multiples paramètres cardiométaboliques : tour de taille, pression artérielle, cholestérol non-HDL, hémoglobine glyquée, taux d’insuline à jeun.
Cette perte rapide des bénéfices métaboliques, et notamment une reprise pondérale durant la grossesse, pourrait-elle avoir des répercussions sur la santé de la mère ou de l’enfant à naître ?
Cohorte rétrospective monocentrique
Afin de répondre à cette question, des médecins exerçant à Boston (États-Unis) ont étudié une cohorte rétrospective de 149 790 grossesses avec naissance unique. Les accouchements ont eu lieu entre juin 2016 et mars 2025 au Mass General Brigham, un grand centre hospitalier académique réunissant 15 institutions autour de Boston.
Le critère de jugement principal était la prise de poids gestationnelle, définie comme la différence entre le poids mesuré une semaine avant l’accouchement et le poids pré-grossesse, enregistré moins de trois mois avant la conception (soit autodéclaré par la patiente, soit extrait de son dossier médical électronique).
Les critères secondaires incluaient la prise de poids gestationnelle excessive (au-delà des recos américaines de 2009, soit > 9 kg en cas d’IMC ≥ 30, > 11,5 kg en cas d’IMC = 25 - 29,9, > 16 kg en cas d’IMC = 18,5 - 24,9), le diabète gestationnel, les maladies hypertensives de la grossesse (prééclampsie, HTA gravidique), et pour le fœtus un petit poids (dans les 10 % plus bas) ou un poids élevé (dans les 10 % plus hauts) par rapport à l’âge gestationnel, ainsi que la naissance prématurée (28 - 36 SA).
1 792 grossesses analysées
Les résultats sont parus le 24 novembre 2025 dans le JAMA . En tout, 1 792 grossesses ont été incluses pour l’analyse finale, dont 448 avaient été exposées aux aGLP- 1 (entre 3 ans avant et 90 jours après conception ; âge moyen ± écart-type à l’accouchement = 34,0 ± 4,7 ans). 23 % de ces femmes avaient un diabète préexistant et 84 % souffraient d’obésité avant la grossesse ; l’IMC pré-grossesse moyen était de 36,1 ± 6,5.
Elles ont été comparées à 1 344 grossesses non exposées aux aGLP- 1 (33,9 ± 5,1 ans), dont 13 % avaient un diabète préexistant et 73 % une obésité pré-grossesse (IMC moyen = 36,3 ± 9,3).
Chaque grossesse exposée était appariée à 3 grossesses sans exposition, sur la base de caractéristiques cliniques et démographiques similaires (IMC pré-grossesse, âge maternel, nulliparité/multiparité, race/ethnicité déclarée, diabète préexistant, hypertension chronique préexistante, année de l’accouchement, etc.).
Parmi les femmes exposées à un aGLP- 1, 45 % ont reçu du sémaglutide, 26 % du liraglutide, 21 % du dulaglutide, 7 % du tirzépatide, et 1 % de l’exénatide ou du lixisénatide.
Des conséquences délétères
Le groupe exposé aux aGLP- 1 avant la grossesse avait pris en moyenne 3,3 kg de plus que les femmes non exposées (IC 95 % = [2,3 - 4,2 kg]), soit une différence significative (p 0,001). Ces femmes étaient également plus touchées par une prise pondérale excessive pendant leur grossesse (65 % des femmes après aGLP- 1, contre 49 % des femmes non exposées ; risk ratio [RR] = 1,32 ; IC 95 % = [1,19 ; 1,47]), ainsi que par des maladies hypertensives de la grossesse (46 % dans le groupe post-aGLP- 1 vs 36 % dans l’autre groupe ; RR = 1,29 ; IC 95 % = [1,12 ; 1,49]) ou un diabète gestationnel (RR = 1,30 [1,01 ; 1,68]).
En ce qui concerne les risques pour le nouveau-né, les naissances prématurées étaient plus fréquentes (46 % dans le groupe post-aGLP- 1 vs 36 % dans l’autre groupe ; RR = 1,29 [1,12 ; 1,49]). En revanche, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes concernant la proportion de nouveau-nés ayant un petit poids ou un poids élevé pour l’âge gestationnel.
Qu’en retenir ?
Malgré certaines limites (exposition aux aGLP- 1 déterminée à partir des prescriptions médicamenteuses, pas de distinction entre les femmes ayant pris des aGLP- 1 avant et après conception), ces résultats suggèrent que la prise d’un aGLP- 1 en période pré-conceptionnelle – même après son arrêt – est associée à une prise de poids gestationnelle plus importante, ainsi qu’à une augmentation du risque de diabète gestationnel et de maladies hypertensives de la grossesse.
Ces résultats soulignent la nécessité d’informer les femmes en âge de procréer des risques potentiels associés à l’utilisation des aGLP- 1. Toutefois, des études additionnelles sont nécessaires pour proposer des lignes directrices plus précises à ce sujet.
Horn DB, Linetzky B, Davies MJ, et al. Cardiometabolic Parameter Change by Weight Regain on Tirzepatide Withdrawal in Adults With Obesity. JAMA Intern Med 24 novembre 2025.
Pour en savoir plus :
Martin Agudelo L. Prescription des aGLP-1 dans l’obésité en MG : comment faire, en pratique ? Rev Prat (en ligne) 30 juin 2025.
Mallordy F. Effet yoyo après l’arrêt des aGLP-1 ? Rev Prat (en ligne) 28 août 2025.
Mallordy F. Prise pondérale et grossesse : des recos plus permissives. Rev Prat (en ligne) 24 octobre 2025.
Mallordy F. Obésité : les aGLP-1 en 1re ligne contre les complications. Rev Prat (en ligne) 3 novembre 2025.
Martin Agudelo L. Analogues du GLP-1 : des bénéfices et des risques jusqu’ici inconnus. Rev Prat (en ligne) 27 janvier 2025.