Vous recevez aux urgences Mme C., 28 ans, pour dyspnée d’aggravation progressive depuis une semaine, associée à une asthénie.

Elle n’a pas d’antécédent personnel ou familial, elle fume 3 cigarettes par jour depuis l’adolescence et boit de l’alcool occasionnellement. Elle prend une pilule œstroprogestative depuis deux mois. Elle ne prend aucun autre traitement et n’a pas d’allergie.

Elle ne rapporte pas de fièvre, ni saignement, ni amaigrissement.

Les constantes vitales à l’accueil sont les suivantes : tension artérielle (TA) = 110/70 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 110 bpm ; fréquence respiratoire (FR) = 23/min ; saturation en oxygène (SpO2) = 94 % en air ambiant ; température (T°) = 37,6 °C.
Question 1 - Votre/vos principale(s) hypothèse(s) diagnostique(s) est/sont :
L’association asthénie et dyspnée est peu spécifique ; une cause cardiaque, respiratoire, métabolique ou hématologique doit être envisagée d’emblée. Une infection respiratoire sans fièvre et une crise d’asthme chez une patiente de 28 ans sans antécédent semblent moins probables mais doivent être évoquées. Une cause psychologique dans ce contexte de désaturation, polypnée et tachycardie est un diagnostic possible après élimination de toutes les urgences somatiques.
Cliniquement, elle est consciente, orientée, mais très asthénique. L’examen neurologique est sans particularité. L’examen cardiopulmonaire retrouve une tachycardie régulière, pas de souffle cardiaque, pas de signe d’insuffisance cardiaque, pas de signe de détresse respiratoire, un murmure vésiculaire bilatéral et symétrique sans bruits surajoutés. L’abdomen est souple, dépressible et indolore, la rate est palpable à 1 cm sous le rebord costal gauche. Pas d’hépatomégalie. L’examen cutané retrouve une pâleur cutanéo-muqueuse et un teint subictérique.
Question 2 - Quel(s) examen(s) biologique(s) initial/initiaux demandez-vous ?
La troponine explore une souffrance myocardique. Pas de notion de douleur thoracique ni d’anomalie clinique orientant vers une cause cardiaque.
La dyspnée chez une femme jeune doit faire évoquer une embolie pulmonaire. Les D-dimères ont une excellente valeur prédicative négative.
L’ECG est à réaliser devant la tachycardie et la dyspnée. Il peut également nous orienter vers une embolie pulmonaire.
Examen indispensable devant une dyspnée.
L’ECG et la radiographie thoracique sont normaux. Vous recevez les premiers résultats de la prise de sang que vous aviez demandée :
– NFS : hémoglobine = 7,1 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 97 fL ; réticulocytes = 180 000/mm; leucocytes = 5 200/mm; plaquettes = 273 000/mm3 ;
– créatinine = 68 µmol/L ; urée sanguine = 4 mmol/L ; sodium = 138 mmol/L ; potassium = 4,3 mmol/L ;
– D-dimères = 150 µg/L.
Le bilan hépatique est en cours.
Question 3 - Les examens complémentaires que vous demandez sont :
Ces premiers résultats vous montrent une anémie normocytaire régénérative. Une cause hémolytique est donc la principale hypothèse. Il faut compléter le bilan par les trois marqueurs de l’hémolyse que sont : la LDH, qui doit être augmentée ; l’haptoglobine, qui doit être effondrée/indosable, et la bilirubine libre qui doit être augmentée.
Le myélogramme permet d’explorer une cause d’origine centrale, ce qui n’est pas le cas ici. De plus, les autres lignées hématopoïétiques sont normales.
La ferritine permet d’évaluer les réserves martiales. Une carence martiale donne une anémie microcytaire arégénérative. Ici le VGM est normal, et la moelle est régénérative (réticulocytes > 150 000/mm3). Il ne s’agit donc pas d’une carence martiale. Cet examen est inutile.
L’électrophorèse de l’hémoglobine permet d’explorer une hémoglobinopathie (drépanocytose, thalassémie). Ces anémies sont microcytaires. Cet examen est non pertinent dans ce contexte.
Vous recevez le complément de bilan biologique : bilirubine libre augmentée, taux de LDH élevé, haptoglobine effondrée.
Le reste du bilan hépatique n’est pas perturbé.
Question 4 - Quelle(s) cause(s) possible(s) de l’hémolyse envisagez-vous ?
L’anémie hémolytique auto-immune est une urgence diagnostique et thérapeutique car elle peut être aiguë, sévère et rapidement transfusion-dépendant.
Les microangiopathies hémolytiques sont des urgences vitales avec un risque d’atteinte neurologique ou rénale. Il est nécessaire de l’éliminer immédiatement devant toute hémolyse, même si les plaquettes sont normales (ce qui oriente plutôt contre).
Il s’agit d’une cause d’hémolyse survenant dans les jours suivants une transfusion de globules rouges, particulièrement chez les patients atteint d’une hémoglobinopathie. Ce n’est pas le contexte dans ce cas clinique.
Les déficits enzymatiques notamment le déficit enzymatique en G6PD est à envisager systématiquement devant une anémie hémolytique.
Il s’agit d’une cause centrale d’anémie.
Question 5 - Quel(s) examen(s) biologique(s) réalisez-vous dans ce contexte ?
La recherche des anticorps fixés sur les hématies est l’examen clef pour confirmer une hémolyse auto-immune.
Il faut demander la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) devant une anémie symptomatique.
Le frottis sanguin permet d’éliminer des schizocytes (en faveur d’une anémie hémolytique mécanique) et d’observer des sphérocytes (parfois présents dans les anémies hémolytiques auto-immunes).
Le myélogramme n’a toujours aucun intérêt, il est indiqué en cas d’anémie arégénérative (suspicion d’aplasie médullaire ou de néoplasie myélodysplasique).
Certaines infections peuvent déclencher ou mimer une hémolyse (Mycoplasma pneumoniaæ, EBV…) mais il n’est pas urgent de le rechercher tant que le mécanisme de base n’a pas été identifié.
Le test de Coombs direct revient positif en IgG (+++). Le frottis retrouve quelques sphérocytes, pas de schizocytes.
Question 6 - Quel est le diagnostic le plus probable et quel bilan initial réalisez-vous (plusieurs réponses attendues) ?
Le Coombs positif en IgG signe une anémie hémolytique à anticorps chauds.
Le Coombs serait positif en C3d
L’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) est secondaire dans 50 % des cas. Les principales causes sont : les syndromes lymphoprolifératifs ; le lupus ; la maladie de Crohn ; le déficit immunitaire commun variable (DICV). Le bilan initial comprend donc : un bilan auto-immun avec les anticorps antinucléaires, un immunophénotypage des lymphocytes B, une électrophorèse des protéines, des sérologies VIH, VHC et VHB et un scanner (tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvien (TDM-TAP) pour éliminer un syndrome tumoral profond.
Question 7 - Quelle est votre prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Les patients ayant une AHAI ont un risque majoré de thrombose. Une anticoagulation préventive est donc nécessaire lors de l’hospitalisation.
Cela permet de prévenir une carence folique secondaire à l’hyperérythropoïèse compensatrice induite par l’hémolyse.
La patiente a une mauvaise tolérance de son anémie avec dyspnée, il faut donc la transfuser.
L’anémie hémolytique à anticorps chauds est une urgence thérapeutique, il faut débuter rapidement le traitement par corticoïdes.
En général non indiqué dans les AHAI.

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