Vous êtes interne en cabinet de médecine générale.

Vous recevez Mme T. accompagnée de son fils de 10 ans, Sacha, pour des difficultés scolaires.

En effet, Sacha est en CM2 et la maîtresse rapporte des oublis fréquents de son matériel ou de ses devoirs, des difficultés à maintenir son attention et il est très sensible aux distracteurs qui le font souvent sursauter. Il a un comportement impulsif avec insolence envers les adultes ou les autres élèves, il rencontre des difficultés à gérer sa colère avec des crises très bruyantes sur des frustrations minimes. Les résultats scolaires en pâtissent.

Au domicile, il n’est pas rapporté de telles difficultés de comportement, mais une tendance à la dévalorisation et de nombreuses heures passées devant les écrans. L’alimentation se fait aisément, le sommeil est altéré avec des difficultés d’endormissement, des éveils nocturnes et des cauchemars. La mère rapporte des ronflements. Il refuse d’aller au football, prétextant être fatigué.

La grossesse s’est bien passée, il est né par césarienne à terme, sans souffrance néonatale. Le développement psychomoteur est sans particularité. Il a toujours eu tendance à faire des infections ORL type angine et otites à répétition. Dans les antécédents familiaux sont retrouvés des épisodes dépressifs caractérisés avec des addictions au premier degré et des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) avec trouble du comportement alimentaire au deuxième degré.

Sacha vit chez sa mère et va un weekend sur deux chez son père. Le mode de garde va bientôt être réévalué par le juge dans un contexte de violences éducatives et physiques par le père sur Sacha.
Question 1 - Vos hypothèses diagnostiques sont :
Probable au vu des symptômes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité décrits.
Possible activation neurovégétative avec reviviscences nocturnes dans un contexte d’événement potentiellement traumatique (suspicion de maltraitance par le père).
Possible avec retentissement diurne négatif (activités, fatigue, plainte cognitive, irritabilité et perturbation de l’humeur…).
Absence de difficulté avec la loi ou de conduites bafouant les droits fondamentaux d’autrui ou de transgression des normes sociales.
Possible clinique d’asthénie chronique avec inattention, agitation, impulsivité ou « TDAH-like » pouvant être la résultante d’un SAOS avec éveils nocturnes provoquées par les apnées.
Question 2 - Pour étoffer votre démarche diagnostique, vous réalisez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Au vu de la suspicion de SAOS.
Le risque de mésusage de l’alcool peut être estimé par le questionnaire AUDIT-C (alcohol use disorder identification test consumption), non nécessaire dans cette situation clinique.
Questionnaire d’évaluation dans le cadre du TDAH.
Questionnaire d’évaluation dans le cadre du TDAH.
Le score EPICES (évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d’examens de santé) doit être utilisé en cas de suspicion de précarité. Il s’agit d’un score individuel d’évaluation du niveau de précarité qui permet la mesure multidimensionnelle de la précarité et de la fragilité sociale pour permettre d’identifier une population plus à risque de problèmes de santé. Il ne permet pas d’avancer dans le diagnostic dans cette situation.
Vous reprenez l’anamnèse. L’école maternelle s’est déroulée sans difficulté. L’école a commencé à rapporter un comportement problématique à partir du CE2. En parallèle, le sommeil de Sacha se dégradait.
L’examen ORL par nasofibroscopie ne retrouve pas d’hypertrophie amygdalienne ou adénoïdienne.
En l’interrogeant lors d’un entretien individuel, il vous rapporte des ruminations anxieuses à l’endormissement, particulièrement chez son père, avec la peur qu’il lui fasse du mal pendant son sommeil. Les éveils nocturnes semblent être la conséquence de cauchemars où il se fait disputer par son père, par des cris, des gifles ou des coups de pied.
Question 3 - À la recherche d’arguments cliniques cohérents avec un TSPT dans le tableau clinique, vous retenez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Hyperactivation neurovégétative.
Les altérations du sommeil sont généralement au premier plan : difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu au moindre bruit. La survenue de cauchemars peut participer à ces altérations du sommeil, parce que l’endormissement est redouté ou parce que le rêve traumatique réveille en sursaut.
Dans le TSPT, l’irritabilité est souvent rapportée dans le cadre de l’hyperactivation neurovégétative : tout devient insupportable, « invivable » (le bruit, la foule, certaines situations du quotidien, etc.).
Dans le TSPT, les distorsions cognitives persistantes concernent non seulement le sujet lui-même (« je suis mauvais », « je n’ai pas su me défendre »), mais également les autres (« ce monstre a détruit ma vie », « on ne peut faire confiance à personne »). Le sujet se blâme ou rumine l’implication d’autres personnes en rapport avec l’événement.
Dans ce contexte, des modifications de l’humeur peuvent également être observées : diminution des intérêts, détachement, incapacité à éprouver des émotions positives. Ces symptômes rendent difficile le diagnostic d’une éventuelle comorbidité avec l’épisode dépressif caractérisé.
Syndrome de répétition : les patients souffrant de TSPT ont des reviviscences, c’est-à-dire qu’ils revivent involontairement, de manière vivace, envahissante, pénible et répétitive certains aspects de l’expérience traumatique.
Ces reviviscences peuvent également être nocturnes, il s’agit des cauchemars traumatiques.
Encore une fois rapporté dans le cadre de l’hyperactivation neurovégétative. Il peut aussi être dû à des reviviscences diurnes, à des symptômes dissociatifs ou à une anxiété permanente empêchant l’enfant d’être attentif en classe.
Question 4 - Pour confirmer le diagnostic de TSPT, vous recherchez lors de votre entretien (une ou plusieurs réponses exactes) :
Critère B.
Critère C.
Critère B.
Présent dans les TOC, diagnostic différentiel.
Critère A.
Chez l’enfant et l’adolescent, l’exposition directe ou indirecte à un événement traumatique est fréquente (environ 1 sur 4) et 1 enfant sur 10 développe un TSPT avant l’âge de 18 ans.
Il n’y a pas de différences majeures dans les critères diagnostiques du TSPT entre l’adulte et l’enfant. Pour autant, on retrouve des spécificités cliniques. Chez l’enfant et l’adolescent, les syndromes de répétition et d’évitement sont difficiles à identifier en raison des moindres capacités d’expression verbale et d’abstraction que chez l’adulte. Le syndrome de répétition est souvent caractérisé par la répétition de certains aspects de l’événement traumatique dans les jeux, les dessins et les cauchemars. Des comportements agressifs et impulsifs peuvent être au premier plan chez l’adolescent (cf. item 66 du Collège de psychiatrie).
En effet, Sacha rapporte des événements potentiellement traumatiques lors de la garde chez son père : celui-ci pouvait le gronder violemment avec menace verbale, voire passage à l’acte, amenant à une peur de mourir ou d’avoir une blessure grave. Depuis, il a des symptômes envahissants avec des souvenirs répétitifs et involontaires et impactant la journée notamment à l’école : il craint que son père vienne le chercher à tout moment, il surveille à la fenêtre et sursaute au moindre bruit. À ces reviviscences diurnes s’associent des cauchemars traumatiques avec un évitement de l’endormissement par peur de revivre ces moments. Il ne décrit pas de réactions dissociatives.
Il dit éviter de sortir de chez lui ou d’aller faire les courses par peur de croiser son père. Les souvenirs traumatiques peuvent être déclenchés quand il voit un homme de dos lui ressemblant ou quand il entend un homme crier. Il explique passer beaucoup de temps devant les jeux vidéo pour éviter de penser à son père. Il ne va plus au football, car il n’y prend plus de plaisir depuis que son père l’a sévèrement puni à la suite d’un mauvais match.
Les souvenirs de ces épisodes sont flous, il ne peut pas les décrire précisément, mais il est persuadé que c’est sa faute et se blâme beaucoup.
Les informations rapportées par la mère confirment une hyperactivation neurovégétative avec irritabilité, accès de colère avec agressivité, hypervigilance et sursaut exagéré, problème de concentration et perturbation du sommeil.
La mère vous apprend avoir déjà déposé plainte à la suite des allégations de Sacha. Une audience est prévue dans un mois et, plus la date s’approche, plus les symptômes de Sacha sont intenses.
Question 5 - En première intention, sur le plan médicamenteux (une ou plusieurs exactes) :
Les benzodiazépines sont contre-indiquées de principe chez les patients de moins de 18 ans, de même que les hypnotiques apparentés. Ils sont particulièrement à risque de mésusage et d’addiction dans le TSPT.
Les antidépresseurs ne sont pas à prescrire en première intention. Sur le plan anxiolytique, la prescription d’un antihistaminique de type hydroxyzine est possible au vu de l’âge de Sacha.
Vous revoyez Sacha deux mois plus tard. La mère a obtenu la garde exclusive de son fils et le père a déménagé à 300 km.
La maîtresse a rapporté une nette amélioration du comportement en classe avec de gros efforts fournis par Sacha. Il est moins distrait et plus tolérant à la frustration. Il reste irritable, mais se contrôle et préfère se retirer pour se calmer plutôt que de répondre à la maîtresse. La mère a réussi à emmener Sacha faire des courses et il retourne progressivement au football. Le prochain objectif est de réduire le temps d’écran. Sacha explique aller beaucoup mieux, il n’a pas fait de cauchemar depuis un mois, même s’il persiste des reviviscences diurnes et des insomnies d’endormissement. Il garde des stratégies d’évitement et se dévalorise encore beaucoup à la suite de ces événements.
Question 6 - Vous proposez comme psychothérapie (une ou plusieurs réponses exactes) :
Thérapie d’efficacité validée dans le TSPT.
Thérapie non validée dans le TSPT et sans fondement scientifique.
Thérapie d’efficacité validée dans le TSPT.
Le père est actuellement un facteur déclencheur de reviviscence, il n’est pas éthique d’imposer à Sacha une thérapie familiale avec l’auteur présumé des faits.
Thérapie d’efficacité validée dans le TSPT.
Vous continuez de suivre Sacha de manière bimestrielle. L’évolution est favorable. Un jour, il vous explique en consultation avoir une réapparition des reviviscences diurnes associées à des cauchemars traumatiques. Il n’arrive plus à aller à l’école et se plaint de sévères douleurs abdominales tous les matins, pouvant aller jusqu’à des vomissements. Sacha vous confie que son père l’a recontacté par SMS et qu’il menace de venir le récupérer et de tuer sa mère si elle s’y oppose.
Question 7 - À la suite de ces révélations (une ou plusieurs réponses exactes) :
Ce serait une levée du secret médical, c’est un signalement qu’il faut réaliser.
Le secret médical prime, c’est à la mère de les informer si elle le souhaite et si c’est bénéfique pour l’enfant.
L’ordonnance de placement provisoire (OPP) est réalisée seulement sur décision du juge des enfants en cas de danger immédiat de l’enfant qui fait qu’il ne peut pas être maintenu à son domicile. Non valable pour les personnes majeures.
La gravité des faits (menace de kidnapping et de mort) nécessite un signalement (« enfant en danger » : maltraitance grave, nécessité de protection immédiate ou de mise en œuvre d’une enquête pénale dans un contexte délictuel ou criminel).
La réalisation d’une information préoccupante est insuffisante dans ce contexte. L’information préoccupante est pour les situations où il est suspecté qu’un enfant soit à risque de danger. Les délais de traitement sont plus longs qu’un signalement.

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