Si une alimentation suffisante et diversifiée suffit le plus souvent à atteindre les apports recommandés en micronutriments, dans certaines situations une supplémentation est utile voire indispensable. Que disent les études aujourd’hui ? On fait le point.

Les micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments…) sont les nutriments qui – contrairement aux macronutriments (protéines, lipides, glucides) – ne sont nécessaires qu'en quantités minimes. Les macrominéraux (sodium, chlorure, potassium, calcium, phosphate, magnésium), nécessaires en quantités relativement importantes par jour, sont généralement exclus de cette catégorie.

Apportés essentiellement par notre alimentation, les vitamines et minéraux ne sont pas source d’énergie comme les macronutriments, mais restent nécessaires à la croissance, au bon fonctionnement de l’organisme et au maintien en bonne santé.

Les carences en micronutriments peuvent entraîner des conséquences sévères (scorbut pour celle en vitamine C, pellagre [vit B3], rachitisme [vit D], malformation fœtale du tube neural [vit. B9 pendant la grossesse]…). Si elles sont rares en France et dans les autres pays riches aujourd’hui, l’insuffisance des apports en vitamine D et en vitamine B9 reste d’actualité, selon des données recueillies par l’Anses (2021). Par ailleurs, une certaine résurgence du scorbut a été notée en France depuis quelques années.

Nouvelles références nutritionnelles

L’Anses a actualisé en 2021 les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Elles définissent les quantités qui permettent de couvrir les besoins de chacun (population adulte générale et populations spécifiques : nourrissons, enfants, adolescentes, femmes enceintes ou allaitantes, personnes âgées) sans conduire à un excès d’apports qui peut être délétère.

Ces valeurs peuvent être exprimées en BNP (besoin nutritionnel moyen) ou, le plus souvent, RNP (référence nutritionnelle pour la population : apport couvrant en théorie le besoin de 97,5 % de la population considérée) ou AS (apport satisfaisant, lorsque ces deux derniers ne peuvent pas être estimés). La LSS (limite supérieure de sécurité) est, quant à elle, l’apport journalier chronique maximal considéré comme peu susceptible d’entraîner des effets indésirables.

Des « fiches techniques » sur les principaux vitamines et minéraux sont disponibles sur le site de l’Anses, contenant leurs caractéristiques, principales sources alimentaires et références nutritionnelles pour la population en bonne santé.

Évaluation des apports et détection d’éventuelles carences

Une alimentation équilibrée et diversifiée permet le plus souvent de couvrir les besoins de l’organisme.

Les carences sont ainsi rares en dehors de certaines situations : apports alimentaires insuffisants, facteurs comme la chirurgie bariatrique et autres causes de malabsorption, la prise de certains médicaments, l’alcoolisme, etc. (v. tableau 1). Les personnes dont les besoins sont accrus (croissance, vieillissement, maladie chronique, grossesse et allaitement…) peuvent aussi être particulièrement exposées à une insuffisance d’apports.

L’enquête sur le régime alimentaire habituel, en recherchant particulièrement les restrictions spécifiques (végétarianisme ou véganisme, par exemple) permet d’estimer l’apport des micronutriments. Le questionnaire alimentaire ASA24 (Automated Self-Administered 24 -hour Dietary Assessment Tool, conçu par les NIH aux États-Unis) donne des estimations détaillées des apports pour les principaux vitamines et minéraux, en les comparant aux références nutritionnelles (le patient doit saisir un journal alimentaire détaillé de 24 h). Une version en français (Canada) est disponible gratuitement sur Internet : https ://asa24.nih.gov/2016/welcome

Elle peut être complétée par des dosages biochimiques le cas échéant ; les deux données peuvent ne pas concorder (par exemple en cas de malabsorption).

Quand (ne pas) supplémenter ?

Les suppléments en micronutriments ne sont justifiés que lorsque les besoins ne sont pas satisfaits par le seul régime alimentaire.

Leur utilisation systématique et indiscriminée n’est pas recommandée en prévention des maladies chroniques, étant donné le manque de preuves disponibles. En effet, un apport excessif de micronutriments est inutile (il n’améliore pas les performances d’un organisme qui fonctionne déjà normalement) et potentiellement dangereux (effets toxiques à moyen ou long terme). Pour les vitamines, le risque de surdosage est plus élevé avec les liposolubles (A, D, E, K) qui, stockées dans les tissus adipeux ou le foie, ne sont pas éliminées dans les urines.

Les cas dans lesquels une supplémentation est nécessaire sont :

  • Vitamine D

Deux voies permettant l’apport de cette vitamine : l’exposition au soleil et la consommation d’aliments riches en vitamine D (comme les poissons gras, certains champignons – girolles, cèpes et morilles – produits laitiers enrichis, jaune d’œuf, chocolat noir…). L’Anses estime cependant qu’en 2019 plus de 70 % des adultes français avaient des apports insuffisants de vitamine D, voire une carence dans 6,5 % des cas.

Une supplémentation est actuellement préconisée pour les patients qui ont un ou plusieurs facteurs de risque d’hypovitaminose D : personnes âgées, dépendantes, obèses, vivant en Ehpad, faisant peu d’activité en extérieur ou portant de vêtements couvrants, et en hiver pour la population générale (doses selon les recos du GRIO, non validées par la HAS, à retrouver sur ce lien) ; pour les enfants et adolescents en fonction de l’âge et des facteurs de risque (voir ici les doses recommandées par les sociétés savantes de pédiatrie).

  • Vitamine B12

Cette vitamine provenant exclusivement des aliments d’origine animale, les personnes ayant des régimes restrictifs en ce sens (végétariens, véganes, lacto-ovo-végétariens…) doivent recevoir une supplémentation (tableau 2).

  • Fer

Une surveillance, accompagnée éventuellement d’une complémentation, est nécessaire chez les femmes enceintes et menstruées, les enfants en bas âge et les personnes mangeant pas ou peu de viande et poisson.

  • Vitamine B9 (acide folique)

Supplémenter dès la période préconceptionelle pour prévenir les malformations du tube neural (600 microgrammes/j au moins 4 semaines avant la conception et jusqu’à 12 SA). Cet apport étant rarement atteint, l’Anses a récemment recommandé d’enrichir les farines de blé, blanches et complètes, pour éviter les carences.

Le cas particulier de la chirurgie bariatrique, qui requiert plusieurs supplémentations et une surveillance rapprochée, est détaillé ici et résumé dans le tableau 3.

Enfin, pour les antioxydants, il n’y a pas de preuves du bénéfice d’une supplémentation, en dehors de la prévention de la progression de la DMLA (combinaison de vitamines C et E, zinc, lutéine et zéaxanthine). La supplémentation en vitamines C et E pour réduire le risque de cancers, maladies cardiovasculaires et autres maladies chroniques a été étudiée dans des essais randomisés sans résultats positifs pour le moment. De plus, il y a un risque d’effets indésirables : avec la vitamine E, association à des risques d’infections respiratoires, cancers de la prostate, mortalité accrue ; avec la vitamine A (antioxydant indirect), association à un risque accru de fracture de hanche et de cancer de la prostate

Des essais randomiséset contrôlés sont nécessaires pour évaluer plus rigoureusement les potentiels bénéfices des différentes supplémentations. Les données sur les apports, recueillies le plus souvent de manière transversale, ne permettent pas de déterminer si leur insuffisance est en cause dans les maladies chroniques.

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