Tout médecin d’adulte est régulièrement confronté à la découverte d’une gammapathie monoclonale. Cette éventualité est en effet très fréquente, d’autant plus que la population est âgée, allant jusqu’à concerner pas loin d’une personne sur dix après 90 ans. Le plus souvent, le médecin peut (doit) rassurer. L’immunoglobuline (Ig) monoclonale, de découverte fortuite, correspond à une anomalie biologique nécessitant uniquement une surveillance épisodique. Même si elle est dite « de signification indéterminée », cette gammapathie monoclonale va rester stable de façon très prolongée. Sa surveillance est dominée par la répétition d’un examen simple : l’électrophorèse des protides sériques qui, dans la grande majorité des cas, est tout à fait suffisante pour suivre le taux de l’immunoglobuline monoclonale, bon indicateur de l’évolution du clone de cellules lymphocytaires B qui la produit. Dans d’autres cas, heureusement plus rares, l’évolution des cellules clonales aboutit – ou menace d’aboutir à bref délai – au développement d’une maladie maligne avérée. Lorsque l’immunoglobuline monoclonale est une IgM, il s’agit habituellement d’une maladie de Waldenström ; dans les autres cas, beaucoup plus fréquents, il s’agit d’un myélome. Les accidents moléculaires à l’origine de l’émergence des clones anormaux sont aujourd’hui un peu mieux identifiés. À la différence des gammapathies monoclonales IgM où la même mutation du gène MyD88 est très fréquente sinon constante, les gammapathies «... Lire plus
Tout médecin d’adulte est régulièrement confronté à la découverte d’une gammapathie monoclonale. Cette éventualité est en effet très fréquente, d’autant plus que la population est âgée, allant jusqu’à concerner pas loin d’une personne sur dix après 90 ans. Le plus souvent, le médecin peut (doit) rassurer. L’immunoglobuline (Ig) monoclonale, de découverte fortuite, correspond à une anomalie biologique nécessitant uniquement une surveillance épisodique. Même si elle est dite « de signification indéterminée », cette gammapathie monoclonale va rester stable de façon très prolongée. Sa surveillance est dominée par la répétition d’un examen simple : l’électrophorèse des protides sériques qui, dans la grande majorité des cas, est tout à fait suffisante pour suivre le taux de l’immunoglobuline monoclonale, bon indicateur de l’évolution du clone de cellules lymphocytaires B qui la produit. Dans d’autres cas, heureusement plus rares, l’évolution des cellules clonales aboutit – ou menace d’aboutir à bref délai – au développement d’une maladie maligne avérée. Lorsque l’immunoglobuline monoclonale est une IgM, il s’agit habituellement d’une maladie de Waldenström ; dans les autres cas, beaucoup plus fréquents, il s’agit d’un myélome. Les accidents moléculaires à l’origine de l’émergence des clones anormaux sont aujourd’hui un peu mieux identifiés. À la différence des gammapathies monoclonales IgM où la même mutation du gène MyD88 est très fréquente sinon constante, les gammapathies « myélomateuses » sont hétérogènes. Elles sont caractérisées par différents types d’accidents, répartis de façon sensiblement identique au sein des myélomes avérés, des gammapathies monoclonales de signification indéterminée (GMSI ou MGUS des Anglo-Saxons) et des situations intermédiaires qui définissent les myélomes indolents. En plus, une étape de GMSI précède vraisemblablement tout myélome. Les mécanismes maintenant un clone quiescent et ceux qui le font basculer vers le développement d’une « vraie » maladie maligne restent à préciser. Ils paraissent fonction de la nature de l’événement moléculaire fondateur et de l’émergence plus ou moins précoce de sous-clones caractérisés par des anomalies moléculaires secondaires très diverses. Cette double hétérogénéité (d’un malade à l’autre et, chez un même malade, au sein du clone) complique notre compréhension de la physiopathologie des myélomes, encore imparfaite. Malgré cela, le traitement des myélomes symptomatiques a beaucoup progressé au cours des dernières années. L’utilisation de fortes doses de melphalan (Alkeran) suivie d’autogreffe, introduite à partir des années 1980, a été une première étape. L’introduction, depuis le début des années 2000, de nouvelles classes de médicaments efficaces, les immunomodulatory drugs (« imid ») et les inhibiteurs du protéasome, a encore plus amélioré le pronostic de la maladie. La possibilité, très récente, d’utiliser des anticorps monoclonaux antiplasmocytes est déjà source de progrès supplémentaires et l’utilisation de cellules T, les « CAR-T cells », génétiquement modifiées pour reconnaître et éliminer les cellules tumorales, suscite de grands espoirs.Ces avancées thérapeutiques ont un impact sur la prise en charge des gammapathies mono- clonales de signification clinique, entité d’introduction récente caractérisée par l’association d’une gammapathie quiescente ou indolente à l’atteinte parfois grave de différents organes liée non pas au clone lui-même mais à des propriétés particulières de l’immunoglobuline monoclonale (capacité à déposer, activité auto-anticorps…) ou à d’autres mécanismes. La série d’articles présentée dans ce numéro de La Revue du Praticien fait le point sur quelques-uns de ces aspects des gammapathies monoclonales, pathologie qui, comme on pourra le constater, reste emblématique à bien des égards, notamment par ses aspects transversaux, et par l’impact qu’elle continue d’avoir sur notre compréhension du fonctionnement du système immunitaire et des mécanismes d’oncogenèse. En plus, les progrès effectués dans le traitement des formes symptomatiques, en particulier des myélomes, ont déjà permis une amélioration très remarquable de l’espérance de vie des malades et il est vraisemblable que cela va se poursuivre dans les années à venir.
Jean-Paul Fermand