Les personnes souffrant de conduites addictives ont besoin de soins adaptés à la nature et à la sévérité de leur trouble, mais également à leur trajectoire, au contexte social dans lequel ils évoluent et à leurs éventuelles comorbidités somatiques et psychiatriques. Le dispositif des soins addictologiques français est organisé en trois pôles principaux : médecine de ville, structures médico-sociales et structures hospitalières spécialisées (tableau). Les missions de ces structures incluent l’accompagnement ambulatoire, les bilans et sevrages, les soins résidentiels, la réadaptation et la coordination des intervenants. Elles contribuent aussi à la prévention, à l’éducation thérapeutique, à la formation et à la recherche.1,2 Les associations d’usagers et mouvements d’entraide, bien que ne faisant pas à proprement parler partie du dispositif des soins addictologiques, proposent des modalités variées d’accompagnement aux usagers ainsi qu’à leurs proches.

Médecine de ville en premier recours

La médecine de ville assure les soins de premier recours, incluant le repérage, l’évaluation et l’accompagnement des cas simples, ainsi que l’orientation vers les structures spécialisées et la coordination des soins. En dehors des addictologues libéraux, encore relativement peu nombreux, les médecins généralistes jouent un rôle central dans cette démarche, notamment ceux formés à l’addictologie. 

Il existe aussi des microstructures médicales en addictologie : il s’agit d’équipes sanitaires pluriprofessionnelles installées au sein de cabinets de médecine générale ; travailleurs sociaux et psychologues y assurent des consultations à des plages horaires déterminées pour les patients ayant des problèmes d’addiction.

Les psychiatres de ville ont également un rôle majeur à jouer dans le repérage, la prise en charge et l’orientation vers les structures spécialisées.

Tous les professionnels de santé, tels que les pharmaciens, les sages-femmes, les médecins du travail, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les chirurgiens-dentistes ainsi que les travailleurs sociaux devraient également être impliqués dans le repérage et l’orientation des personnes souffrant de conduites addictives.

Les réseaux de santé spécialisés en addictologie, ou « réseaux addictions », sont ainsi des regroupements de professionnels de différentes spécialités sur un même territoire (pharmaciens, médecins hospitaliers, généralistes, assistantes sociales, psychologues, etc.) constitués afin d’échanger, de progresser sur la problématique de l’addiction. L’apport de chacun des professionnels impliqués dans le réseau permet de mieux prendre en compte le patient dans sa globalité (aspects médicaux, psychologiques, sociaux). L’objectif visé est d’améliorer la prise en charge des personnes confrontées à une addiction et de renforcer la collaboration pour une meilleure coordination des soins au profit du patient.

Quatre types de structures médico-sociales

Quatre types de structure existent en ville pour accueillir et prendre en charge les personnes ayant des conduites addictives.

Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie

Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ont pour mission d’accueillir, informer, évaluer et orienter les personnes ayant des conduites addictives ainsi que leur entourage. Ils se chargent également de la réduction des risques liés à la consommation de substances psychoactives, de la prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative, du sevrage et de l’accompagnement des patients ainsi que de la prescription et du suivi des traitements médicamenteux, notamment les traitements de substitution aux opioïdes. Ils ont enfin pour mission de participer à des actions de prévention, de formation et de recherche.3

Les CSAPA accueillent tous les patients présentant des troubles de l’usage avec ou sans produit et disposent d’une équipe pluridisciplinaire médicalisée. Leur financement est assuré par une dotation globale annuelle de l’Assurance maladie. Ils sont portés par des associations ou des établissements publics de santé. Leurs services sont gratuits et confidentiels.

Les CSAPA peuvent offrir diverses prestations ambulatoires spécifiques :

  • consultations avancées, par exemple dans un cabinet médical ou une maison de santé qui en ferait la demande et serait susceptible de permettre au professionnel de santé du CSAPA d’y rencontrer le patient ;
  • consultations jeunes consommateurs (CJC) visant principalement à intervenir précocement, en se situant à la croisée de la prévention et des soins en matière d’addictions. Elles s’adressent à un public qui ne se reconnaît pas nécessairement comme « addict » mais qui peut rencontrer des difficultés liées à sa consommation et qui n’aurait pas spontanément recours à un centre de soins. Accessibles gratuitement à toute personne, mineure ou majeure, les CJC accueillent ceux qui se présentent volontairement ou sont adressés par un tiers (tel qu’un acteur institutionnel ou un professionnel de santé des secteurs scolaire ou judiciaire). Elles offrent également un accompagnement à l’entourage, quel qu’il soit ;
  • intervention auprès des personnes sous main de justice, avec obligation de soins.

Certains CSAPA peuvent également offrir diverses prestations d’hébergement :

  • hébergements de court séjour dans des structures d’urgence ou de transition ;
  • hébergements de moyen et long séjour, incluant les centres thérapeutiques résidentiels (CTR), où les patients sevrés ou sous traitement de substitution aux opioïdes peuvent séjourner de six mois à un an pour stabiliser leur absence de consommation et rétablir leur équilibre de vie. Le travail de réhabilitation sociale et professionnelle y est conduit par des équipes multidisciplinaires peu médicalisées ;
  • les appartements thérapeutiques, qui sont des logements individuels gérés par des CSAPA et mis à disposition des patients assez autonomes, leur permettant d’expérimenter pendant quelques mois une vie indépendante tout en bénéficiant d’un accompagnement rapproché par l’équipe du CSAPA ;
  • les familles d’accueil, offrant un hébergement de quelques jours à plusieurs mois, où le cadre familial peut aider les usagers à retrouver un équilibre et des repères. Le CSAPA assure le suivi de la famille et de la personne accueillie.

Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues

Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) sont les établissements médico-sociaux de première ligne en matière de réduction des risques. Financés par une dotation globale versée par l’Assurance maladie, leurs missions sont les suivantes :4

  • accueils collectif et individuel, information et conseil personnalisé à destination des usagers de drogues ;
  • soutien aux usagers dans l’accès aux soins comprenant l’aide à l’hygiène et l’accès aux soins de première nécessité, proposés de préférence sur place ;
  • orientation vers le système de soins spécialisés ou de droit commun ;
  • incitation au dépistage des infections transmissibles ;
  • soutien aux usagers dans l’accès aux droits, l’accès au logement et à l’insertion ou la réinsertion professionnelle ;
  • mise à disposition de matériel de prévention des infections ;
  • intervention de proximité à l’extérieur du centre, en vue d’établir un contact avec les usagers.

Les CAARUD développent également des actions de médiation sociale en vue de s’assurer d’une bonne intégration dans le quartier et de prévenir les nuisances liées à l’usage de drogues. Leurs actions reposent principalement sur des équipes peu médicalisées, composées d’infirmiers, d’éducateurs spécialisés, d’assistants sociaux et de personnel administratif.

Haltes soins addictions

Auparavant appelées « salles de consommation à moindre risque », les haltes soins addictions sont des lieux d’accueil pour les usagers de drogues. Elles offrent la possibilité de consommer des produits stupéfiants dans de meilleures conditions d’hygiène et de sécurité aux personnes en situation de précarité et dont le mode de vie et les consommations donnent lieu à des rassemblements urbains. Elles proposent un accès aux soins, à l’hébergement et à l’amélioration de la situation sociale des usagers.5

Les haltes soins addictions répondent à un double objectif :

  • objectif de santé publique, en réduisant les contaminations par le VIH/sida, les hépatites, les risques d’overdose et les consommations en scène ouverte ;
  • objectif de tranquillité publique, en diminuant les nuisances associées à l’usage de drogues en milieu urbain et en favorisant un mieux-vivre ensemble dans le quartier.

Centres thérapeutiques communautaires

Ces centres accueillent jusqu’à environ 35 personnes en situation de dépendance sévère aux produits psychoactifs. L’objectif de développement personnel et de réhabilitation sociale se fonde sur un travail sur soi au sein d’une dynamique communautaire axée sur l’entraide et la responsabilité individuelle. La durée de séjour peut aller jusqu’à deux ans.

Dispositif hospitalier spécialisé territorial inscrit dans une démarche globale

La filière hospitalière de soins addictologiques constitue une modalité d’organisation cohérente et graduée des soins sur un territoire donné. Couvrant les parcours de soins hospitaliers des personnes ayant des conduites addictives, elle prend en compte le caractère évolutif de leurs besoins de santé et le niveau de recours aux compétences et aux plateaux techniques. Cette filière hospitalière s’inscrit dans une politique globale de prise en charge des personnes avec conduite addictive, comprenant également la médecine de ville et les structures médico-sociales. Cette diversité de l’offre de prise en charge doit se développer sur chaque territoire de santé de manière harmonieuse, complémentaire et coordonnée.6

Diversité de l’offre

Au sein de la filière, la personne ayant une conduite addictive devrait bénéficier d’une offre complète de prises en charge spécifiques : 

  • des équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA) ;7
  • des consultations spécialisées en addictologie ;
  • des unités d’hospitalisation de jour ;
  • des unités d’hospitalisation complète programmée ou non programmée (court séjour) ;
  • des unités de soins médicaux et de réadaptation en addictologie (SMRA).8

L’accompagnement et l’orientation à la sortie de l’hospitalisation permettent de réduire le risque de réadmission.

Organisation de la filière en trois niveaux

Les filières hospitalières de soins addictologiques sont organisées en trois niveaux :

  • les structures de niveau 1, de proximité, ont pour missions la réalisation de sevrages résidentiels simples, l’activité de liaison et des consultations d’addictologie ;
  • les structures de niveau 2 sont les structures de recours. Elles disposent d’une structure de court séjour : outre les missions du niveau 1, elles offrent la possibilité de réaliser des soins résidentiels complexes (en hospitalisation complète ou en hospitalisation de jour). Ces activités peuvent être assurées par des établissements de santé ayant une activité en psychiatrie qui ont développé une structure addictologique spécifique. Les structures de soins médicaux et de réadaptation (SMRA) sont également des structures de niveau 2. Elles permettent de poursuivre les soins résidentiels au-delà des soins aigus pour les patients qui le nécessitent ;
  • les structures de niveau 3 sont les structures de recours régional. Elles assurent, en plus des missions des structures de niveau 2, des missions d’enseignement et de formation, de recherche, de coordination régionale.

Principales indications d’une hospitalisation en addictologie

Une prise en charge en hospitalisation, qu’elle soit ­réalisée dans une structure de niveau 1, 2 ou 3, est particulièrement indiquée dans les cas suivants :

  • intoxications aiguës sévères, overdoses ;
  • sevrages justifiant une hospitalisation (delirium tremens, dépendances majeures aux substances psychoactives, polydépendances...) ;
  • soins complexes ;
  • pathologies somatiques associées rendant périlleuse une tentative de sevrage en ambulatoire et/ou exigeant un bilan et des soins concomitants ;
  • échecs antérieurs de traitements entrepris dans des cadres moins intensifs résidentiels ou ambulatoires ;
  • comorbidité psychiatrique grave (menace suicidaire, état psychotique aigu, troubles majeurs du comportement...), troubles cognitifs significatifs. La prise en charge des troubles psychiatriques liés aux comportements addictifs s’effectue en articulation avec les structures spécialisées en psychiatrie, telles que les équipes de liaison et les secteurs psychiatriques, afin de mieux répondre aux besoins de ces patients.

Fréquentation importante des structures médico-sociales spécialisées

Chaque année, un nombre important de patients est pris en charge par les structures médico-sociales spécialisées en addictologie. En 2022, près de 179 000 personnes ont été suivies dans les CSAPA, dont 49 % de nouveaux patients. Parmi ces derniers, les personnes souffrant de troubles liés à l’alcool représentaient environ 49,5 % des prises en charge, les consommateurs de substances illicites autres que le cannabis 22,2 % et ceux de cannabis 17,2 %.9

Les CAARUD ont, quant à eux, accueilli environ 92 500 usagers en 2019.10

Orienter les patients dans l’offre de soins addictologiques

Orienter les patients dans l’offre de soins addictologiques requiert une adaptation continue en fonction de l’évolution de leurs besoins et objectifs au fil du temps.2 Il est primordial de proposer un traitement adapté à leur situation actuelle, en prenant en considération la gravité du trouble, toute urgence médicale, psychiatrique ou sociale, ainsi que les enjeux professionnels, familiaux et juridiques, en tenant compte de leurs propres objectifs et ambivalences vis-à-vis du sevrage ou de l’abstinence. La fluctuation de la motivation au changement ou à s’engager dans les soins doit être prise en considération, avec une attitude encourageante visant à soutenir la confiance, la motivation et l’engagement dans le traitement. Les médecins généralistes, étant souvent en relation de longue date avec leurs patients, jouent un rôle central dans ce processus.

L’orientation vers les structures spécialisées dépend à la fois de la situation actuelle du patient et de l’offre de soins disponible dans la région. Il est essentiel de connaître les caractéristiques des différents CSAPA et structures hospitalières de proximité, qui peuvent varier en matière de ressources et d’orientation thérapeutique. Certains CSAPA sont ainsi spécialisés dans la prise en charge des substances illicites, d’autres se concentrent davantage sur les troubles liés à l’alcool, en raison de leurs spécificités historiques.

L’indication d’une hospitalisation joue un rôle crucial dans l’orientation vers la filière hospitalière, bien que celle-ci puisse également offrir des options de prise en charge ambulatoire, en consultation ou en hospitalisation de jour, selon les besoins de chaque patient.

Encadre

Parcours d’un patient dans le système de soins addictologiques

M. X., 42 ans, salarié, consulte son médecin traitant pour des troubles du sommeil. 

L’entretien met en évidence une consommation quotidienne d’alcool importante, avec des répercussions sur sa vie familiale et professionnelle. Son médecin l’oriente vers un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) proche de son domicile.

Au CSAPA, M. X. bénéficie d’une évaluation pluridisciplinaire comprenant un entretien infirmier, une consultation médicale spécialisée, des entretiens avec un psychologue et un travailleur social, ainsi qu’un bilan biologique. Un accompagnement ambulatoire lui est proposé, associant suivi médical et soutien psychologique.

La persistance d’une consommation élevée d’alcool, associée à des difficultés personnelles et professionnelles, conduit, en accord avec lui, à une hospitalisation pour sevrage en court séjour spécialisé. Cette prise en charge est suivie d’un séjour en unité de soins médicaux et de réadaptation en addictologie (SMRA).

À sa sortie, M. X. reprend un suivi pluridisciplinaire au CSAPA, en lien étroit avec son médecin traitant.

Références 
1. Reynaud M. Évolution de l’offre de prise en charge en addictologie. In: Reynaud M, Karila L, Aubin HJ, Benyamina A, editors. Traité d’addictologie (2e éd.). Paris: Lavoisier Médecine Sciences; 2016. p. 386-392.
2. Paille F. Organisations des soins en addictologie. In: Lejoyeux M (dir.). Les Addictions: Elsevier Health Sciences; 2023.
3. Décret n° 2007-877 du 14 mai 2007 relatif aux missions des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. 2007.
4. Décret n° 2005-1606 du 19 décembre 2005 relatif aux missions des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues [CAARUD] et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires). 2005.
5. Arrêté du 26 janvier 2022 portant approbation du cahier des charges national relatif aux « haltes “soins addictions” ». 2022.
6. Circulaire DHOS/O2 n° 2008-299 du 26 septembre 2008 relative à la filière hospitalière de soins en addictologie. 2008.
7. Circulaire DH/EO4 n° 96-557 du 10 septembre 1996 relative à la constitution d’équipes d’alcoologie hospitalière de liaison. 1996.
8. Décret n° 2022-25 du 11 janvier 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité de soins médicaux et de réadaptation. 2022.
9. Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Caractéristiques des personnes prises en charge dans les CSAPA en 2022. https://urls.fr/HZQR3S
10. OFDT. Drogues et addictions, chiffres clés 2025. https://urls.fr/7LvqVa

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Résumé

Les individus confrontés à des conduites addictives nécessitent des soins adaptés qui prennent en considération la nature et la gravité de leur trouble, ainsi que leur parcours individuel, leur environnement social et leurs éventuelles conditions médicales et psychiatriques associées. En France, le dispositif des soins addictologiques repose sur trois principaux pôles : la médecine de ville, les structures médico-sociales et les établissements hospitaliers spécialisés. Ces structures assurent des missions allant de la réduction des risques à la mise en œuvre des soins, de l’accompagnement ambulatoire en consultation ou en hospitalisation de jour aux soins résidentiels en court séjour spécialisé ou non spécialisé, assistés d’une équipe de liaison et de soins en addictologie, ou en unités de soins médicaux et de réadaptation.