Les dernières recommandations sur les infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes de la Société française de dermatologie dataient de 2016. Depuis, il y a eu de nombreuses évolutions : d’une part, sur le plan des résistances bactériennes ; d’autre part, sur les données épidémiologiques – Chlamydia, gonocoque, syphilis et Mycoplasma genitalium étant en augmentation. D’ailleurs, ce dernier est davantage détecté depuis le remboursement du test diagnostique, ce qui suscite de nombreuses questions, notamment sur le traitement des patients asymptomatiques.
« Il fallait donc clarifier la prise en charge, car on a vu émerger de nouvelles pratiques diagnostiques, mais aussi parce que la résistance, en particulier pour le gonocoque et M. genitalium, oblige à être précis dans le choix des traitements », précise le Pr Charles Cazanave, pilote du groupe de travail.
Ces nouvelles recos se sont concentrées sur quatre bactéries –Chlamydia trachomatis (CT), Neisseria gonorrhoeae (gonocoque), Treponema pallidum (syphilis) et Mycoplasma genitalium –, causes principales d’IST bactériennes. Pour rappel, d’autres recos de la HAS sont parues récemment dans ce domaine :
- prise en charge du patient atteint de phtirose ;
- infection à Trichomonas vaginalis ;
- herpès génital ;
- condylomes anogénitaux ;
- doxycycline en prévention des IST bactériennes.
Gonocoque : traiter toute infection
L’incidence de N. gonorrhoeae est particulièrement élevée chez les jeunes adultes et les adolescents entre 15 et 29 ans. Il s’agit d’une des IST bactériennes les plus courantes et représente un facteur de risque majeur pour la transmission du VIH. Le traitement de ces infections accélère la guérison, réduit le risque de complication inflammatoire et de transmission aux partenaires.
C’est pourquoi il est nécessaire de traiter toute infection à N. gonorrhoeae , qu’elle soit symptomatique ou asymptomatique.
Tout TAAN positif impose une demande de culture avec test de sensibilité aux antibiotiques, qui ne doit pas retarder l’initiation du traitement.
Le traitement peut être administré devant une suspicion clinique forte avec symptômes évocateurs, d’autant plus s’il existe des facteurs de risque d’IST, et sans attendre le résultat du test.
La résistance est un problème majeur, surtout en Asie-Pacifique. Si le traitement de référence reste la ceftriaxone 1 g IM (ou IV, en cas d’impossibilité de la voie IM), dans les cas d’infection pharyngéeou de contamination probable en Asie-Pacifique, le groupe de travail recommande une bithérapie avec ajout d’azithromycine 2 g per os (hors AMM), en une prise ou deux prises séparées de 6 h pour améliorer la tolérance.
En cas d’allergie confirmée à la ceftriaxone : gentamicine 240 mg en IM en première intention ou ciprofloxacine 500 mg en dose unique per os si l’antibiogramme confirme la sensibilité du gonocoque à cet antibiotique (CMI < 0,06 mg/L).
Les contrôles d’éradication (« test of cure » ) ne sont plus systématiques, sauf cas particuliers (encadré ci-dessous).
L’ensemble des schémas thérapeutiques par localisation et populations spécifiques est résumé dans les figures ci-contre pour les souches présumées sensibles à la ceftriaxone.
En cas d’échec avéré ou de souche résistante à la ceftriaxone (CMI > 0,125 mg/L, et a fortiori lorsque la CMI est encore plus élevée), un avis infectiologique et microbiologique est conseillé (envoi de la souche bactérienne au CNR).
Les rapports sexuels doivent être évités ou protégés par préservatifs (ou digue dentaire) pendant une durée minimale de 7 jours après le traitement par ceftriaxone.
Un dépistage de N. gonorrhoeae doit être proposé à tous les cas contacts ciblés par la notification aux partenaires comme précisé dans les recos HAS (dans les 2 semaines en cas d’urétrite symptomatique chez l’homme ou dans les 6 derniers mois).
Chlamydia : doxycycline en première intention
Touchant les hommes comme les femmes, elle est très souvent asymptomatique et peut toucher la sphère urogénitale et anale, ainsi que le pharynx et la conjonctive. Non traitée, elle peut être à l’origine de complications sévères, particulièrement chez la femme avec un risque d’infertilité, de grossesses extra-utérines et de douleurs pelviennes chroniques. Le diagnostic biologique d’une infection à CT repose sur un test TAAN CT, quelle que soit la situation clinique. La stratégie de dépistage des infections à CT est précisée par la HAS en 2018.
Nouveauté importante de ces recos : en cas d’infections urogénitales non compliquées (urétrites et cervicites), la doxycycline devient le traitement de première intention dans la majorité des cas : 100 mg x 2 par jour pendant 7 jours. Une exception cependant : l’azithromycine est utilisée au 2e et 3e trimestres de grossesse.
En ce qui concerne les modalités du traitement antibiotique des infections génitales hautes selon les situations, se référer aux recos du Collège national des gynécologues et obstétriciens français et de la Société de pathologie infectieuse de langue française publiées en 2019.
Pour les modalités de notification au(x) partenaire(s), consulter ce document.
M. genitalium : prudence !
Mycoplasma genitalium est une bactérie potentiellement responsable d’urétrites, cervicites et d’infections génitales hautes. Cependant, dans une majorité des cas, elle est isolée chez des patients asymptomatiques ou co-infectés par d’autres agents d’IST, posant la question de sa pathogénicité et de sa prise en charge.
C’est la bactérie la plus problématique en termes de résistance. Ainsi, les recos insistent fortement sur le fait dene pas dépister ni traiter les patients asymptomatiques. Le traitement ne s’envisage que si le patient est symptomatique et qu’il n’y a pas de co-infection (C. trachomatis, N. gonorrhoeae +/- T. vaginalis doivent être recherchées et traitées en première intention).
De plus, des tests de résistance aux macrolides sont indispensables avant toute mise sous traitement – le traitement d’une telle infection n’étant pas urgent. En effet, puisque seulement trois classes d’antibiotiques sont efficaces, il faut absolument éviter les mauvais usages car chaque antibiothérapie prescrite est susceptible d’entraîner la sélection de mutations de résistance.
En cas d’infection symptomatique non compliquée, le traitement recommandé est le suivant :
- en l’absence de mutation de résistance aux macrolides : azithromycine 2 g : 1 g le J1 puis 500 mg/j pendant 2 jours.
- en cas de mutation de résistance identifiée aux macrolides (ou échec d’une première ligne de traitement bien conduite par macrolides) : moxifloxacine 400 mg/j pendant 7 jours ;
- en cas de mutation de résistance aux macrolides et aux fluoroquinolones (ou échec de deux lignes de traitement bien conduites par macrolides puis FQ), différents schémas thérapeutiques sont utilisables par le biais de la doxycycline, minocycline et pristinamycine (avis spécialisé).
Syphilis : nouvelles modalités d’administration
Le traitement de référence de la syphilis précoce est toujours la benzathine pénicilline G : 2,4 MUI en IM en une ou deux injections. Ce qui change, c’est que ces recos précisent les modalités d’administration pour améliorer le confort :
- remplacer le diluant fourni avec la BPG par de la lidocaïne 1 % sans adrénaline, au moins 0,5 mL voire tout le volume prévu de diluant ;
- l’injection des 2,4 MUI de BPG peut être réalisée en 2 fois, soit 1,2 MUI dans chaque fesse ou dans chaque deltoïde chez le patient ayant des prothèses fessières, pour diminuer la douleur liée à l’injection ;
- conseiller au patient de marcher pendant 30 min après l’injection pour aider à la résorption musculaire.
Par ailleurs, pour la neurosyphilis, un traitement ou relais par ceftriaxone en IV est maintenant possible en alternative, pour une durée minimale de 10 jours. Cette alternative autorisera probablement une sortie d’hospitalisation plus précoce et une prise en soins au domicile facilitée.
Autre point important : la doxycycline est désormais envisageable au 1er trimestre de grossesse, en alternative, selon les données du CRAT. Enfin, le groupe de travail insiste sur la vérification des allergies à la pénicilline, souvent surdiagnostiquées.
ANRS. Traitement curatif des personnes infectées par Chlamydia trachomatis – Recommandations. 10 avril 2025.
ANRS. Recommandations de prise en charge des personnes ayant une syphilis. 10 avril 2025.
ANRS. Traitement curatif des personnes infectées par Mycoplasma genitalium . 10 avril 2025.
HAS. Réévaluation de la stratégie de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis . 23 octobre 2018.
Brun J-L, Castan B, de Barbeyrac B, et al. Les infections génitales hautes. Mise à jour des recommandations pour la pratique clinique – version courte. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2019;45(5):398-403.
HAS. La notification au(x) partenaire(s). 2 février 2023.
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