Sarcoïdose sur cicatrice

Jeanine, 65 ans, consulte car, depuis trois mois, elle ressent une gêne au niveau de la cicatrice de son genou gauche – elle a bénéficié de la pose d’une prothèse deux ans auparavant. Elle évoque l’apparition de nodules de couleur rouge-violet (figure, flèches). Un prélèvement est réalisé pour examen histologique.

La sarcoïdose donne des atteintes cutanées dans plus de 30 % des cas. Parmi ces formes cutanées, la possibilité d’observer une forme localisée au niveau d’une cicatrice reste rare (entre 1,4 et 14 % des cas). Dans près de deux tiers des cas, les femmes de plus de 40 ans sont concernées par une sarcoïdose sur cicatrice.

Cliniquement, les manifestations sont observées avec une latence très variable (de quelques semaines à plus de vingt ans après l’intervention chirurgicale). Sont mis en évidence des nodules ou des placards infiltrés dont la couleur varie du rouge au violet. Ces formations sont parfois fermes ou, dans certains cas, facilement dépressibles.

Le diagnostic est confirmé par un examen histologique objectivant des granulomes tuberculoïdes, pathognomoniques de la sarcoïdose.

La prise en charge doit tenir compte du fait que, dans 60 % des cas, la sarcoïdose sur cicatrice est associée à d’autres atteintes, pulmonaires notamment, ou cutanées (érythème noueux). Dans 20 % des situations, cette manifestation cutanée est le premier signe d’une forme multiviscérale plus tardive, imposant un suivi régulier du patient. Il peut aussi s’agir d’une forme isolée, dans 20 autres pour cent des cas ; les lésions peuvent alors perdurer quelques années, puis disparaître. 

Pour en savoir plus
Kluger N. Sarcoïdose sur cicatrices. Images en Dermatologie 2009;2(2):56-8.
Jeny F, Valeyre D. Sarcoïdose. Rev Prat 2019;69(1):83-95.
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Chancre syphilitique

Éric, 50 ans, consulte pour  une formation unique au niveau du sillon balanopréputial. La lésion est asymptomatique mais ulcérée et assez profonde, avec un fond fibrineux (figure).

La syphilis est une infection due à la bactérie Treponema pallidum. L’âge médian de diagnostic est de 37 ans. Une augmentation de l’incidence est observée depuis 2019, selon Santé publique France (+ 27 % de personnes de 15 ans et plus diagnostiquées au moins une fois dans l’année entre 2019 et 2022). 

Cliniquement, le chancre, phase primaire de la syphilis, est la première manifestation cutanée observée après une phase d’incubation variant de dix jours à trois mois. Il se caractérise par une ulcération superficielle de 5 à 20 mm de diamètre, bien délimitée, qui repose sur un fond induré. Cette formation se situe chez l’homme au niveau du sillon balano­préputial, du prépuce, du méat urétral (avec souvent un écoulement associé), de la verge (aspect en battant de cloche). Des chancres au niveau de la région buccale mais aussi anale ou digitale peuvent être observés. Dans 75 % des cas, la lésion est unique, avec souvent une adénopathie inguinale de grande taille et des petits ganglions à proximité (préfet de l’aine). 

Le diagnostic biologique repose sur la réalisation d’un test tréponémique (TPHA, ELISA, FTA) pour le dépistage et, seulement si celui-ci est positif, un test non tréponémique avec titrage (VDRL)[HAS 2015]. Cependant, en pratique, les deux tests sont encore utilisés d’emblée.

La prise en charge consiste en une injection unique de pénicilline G (benzathine benzylpénicilline) à 2,4 millions d’unités dans le cas d’un chancre syphilitique.

L’identification des cas contacts, avec examen, recherche sérologique et traitement, le cas échéant, est aussi nécessaire. 

Pour en savoir plus 
HAS. Syphilis. Novembre 2023.
Martin-Agudelo L. IST : des nouveautés. Rev Prat (en ligne), juillet 2024.
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Kératolyse ponctuée

Christophe, 32 ans, sans domicile fixe, se plaint de  brûlures au niveau des pieds. Il a consulté un confrère, qui a mis en évidence un enduit blanchâtre au niveau plantaire, très malodorant, avec des petites formations qui semblent ulcérées (figure), l’amenant à suspecter une mycose plantaire et donc à prescrire un traitement antifongique. Néanmoins, les lésions persistent.

La kératolyse ponctuée a été décrite pour la première fois en 1925, et portait alors le nom de « lividité symétrique des plantes ». Cette dermatose est une infection bactérienne le plus fréquemment due à Corynebacterium, bactérie Gram négatif saprophyte. Cependant, d’autres bactéries peuvent être impliquées (Kytococcus, Actinomyces et Dermatophilus). Plusieurs facteurs peuvent expliquer la survenue de la kératolyse ponctuée : diabète, âge avancé, déficit immunitaire, hyperhidrose plantaire, sujet vivant dans une zone tropicale humide, port de chaussures inadaptées, exercice sportif ou activité professionnelle particulière (cas des forces de sécurité, des marins…).

Cliniquement, on note une odeur désagréable dans 88 % des cas, des douleurs lors de la pression des pieds, et un prurit dans 10 % des cas. 

Cette affection est le plus souvent bien limitée au niveau des zones de pression (avant-pied surtout), des espaces interdigitaux et de la pulpe des orteils. Un enduit de couleur blanc-jaune est présent de façon symétrique sur les deux plantes de pied, avec un aspect parfois ridé. Il existe par ailleurs des dépressions (flèche) donnant un aspect de puits dont le diamètre n’excède pas le centimètre ; ces dépressions correspondent à une destruction parcellaire de la couche cornée (lyse de la kératine) par les protéases des bactéries.

La prise en charge est d’abord préventive : port de chaussures adaptées, lavage régulier des chaussettes, séchage minutieux des pieds après lavage. À titre curatif, des antibiotiques topiques (érythromycine, clindamycine ou mupirocine) peuvent être appliqués sur des pieds propres, durant un mois. 

Pour en savoir plus
Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, et al. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed. Elsevier Masson 2017.
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Rupture distale du long biceps

Un patient de 58 ans, militaire, est vu aux urgences pour une douleur du bras gauche survenue brutalement lors d’une séance de sport de combat, précisément lors d’un mouvement de flexion contre opposition et en écrasement. La musculature exceptionnelle de ce patient ne laisse guère place au doute dès le retrait de sa veste : il a un « signe de Popeye » massif, pathognomonique de la rupture distale du biceps brachial (fig. 1 et 2). 
La radiographie – à réaliser systématiquement pour rechercher un éventuel arrachement de la tubérosité radiale –, bien que normale sur le plan osseux, montre de façon encore plus évidente la rétraction du biceps (fig. 3).  

Le biceps brachial est un muscle fléchisseur de l’avant-­bras – comme le brachial antérieur. Il est le principal supi­nateur, particulièrement lorsque le coude est en flexion.1 La rupture de sa partie distale est rare.2 Elle survient majo­ritairement chez des hommes âgés de 40 à 50 ans, dans un mécanisme de flexion contrariée : manutention d’objets lourds, extension par un adversaire lors d’un sport de contact ou lever d’un poids en musculation...

Cliniquement, elle se manifeste par une douleur aiguë au niveau de la face antérieure du coude, parfois accompagnée d’un bruit de claquement. Une déformation du biceps sous forme de rétraction proximale peut s’observer, de façon toutefois inconstante selon l’importance de la rétraction et de la musculature ; c’est le « signe de Popeye » (fig. 1 et 2). La perte de force en flexion est moins marquée qu’en supination car compensée par le brachial antérieur. La supination contrariée est souvent douloureuse.3 La présence d’un hématome est incons­tante. Le tendon du biceps brachial n’est plus palpable au pli du coude (test de Hook).

Concernant les examens complémentaires, la réalisation d’une radiographie doit être systématique, à la recherche d’un rare arrachement de la tubérosité radiale. L’IRM n’est pas nécessaire dans les formes précoces, excepté lorsque la rétraction tendineuse est absente ; elle est essentiellement indiquée en cas de doute. Cette situation n’est pas exceptionnelle, le diagnostic étant souvent fait avec retard chez des patients initialement rassurés par la conservation de la fonction, en particulier de la flexion.3 

Un traitement conservateur est parfois proposé chez le sujet âgé peu sportif. Le traitement chirurgical est préféré pour les sportifs en raison d’un important déficit de force en supination.3 La rééducation peut être débutée quelques jours après l’opération par une mobilisation passive et une extension limitée. La récupération est généralement bonne.

Références
1. Nesterenko S, Domire ZJ, Morrey BF, et al. Shoulder elbow strength and endurance in patients with a ruptured distal biceps tendon. Elbow Surg 2010;19(2):184-9.
2. Kelly MP, Perkinson SG, Ablove RH, et al. Distal biceps tendon ruptures: an epide-miological analysis using a large population database. Am J Sports Med 2015;43:2012-7.
3. Catonne Y, Guerini H. Tendinopathies et ruptures distales du biceps brachial (biceps brachii). Traumatologie en pratique sportive. Elsevier Masson, Paris ; 2021. p. 71-9.
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Tumeur de Buschke-Löwenstein

Un homme de 44 ans, greffé rénal, consulte pour une tuméfaction anale (fig. 1).

La tumeur de Buschke-Löwenstein est exceptionnelle. Elle a été décrite au niveau du pénis par Abraham Buschke (1868 - 1943) et Ludwig Löwenstein (1885 - 1959). Au niveau anal, elle est plus fréquente chez l’homme, avec un pic d’incidence entre 40 et 50 ans. L’immunosuppression joue un rôle favorisant. Cette prolifération pseudo-épithéliomateuse bénigne est liée à une infection par des papillomavirus humains, principalement les types 6 et 11. Son évolution est lente, avec une agressivité locale et une capacité d’infiltration destructive des tissus alentour. Elle évolue vers le carcinome épidermoïde dans 35 à 50 % des cas et peut également se surinfecter.

Les symptômes ne sont pas spécifiques : sensation de masse, douleurs, suintements, saignements, voire altération de l’état général… L’aspect clinique est celui d’une masse bourgeonnante, condylomateuse « géante », dite en « chou-fleur », parfois impressionnante (fig. 2), avec des anfractuosités laissant sourdre du pus.

Le diagnostic repose sur l’aspect clinique et l’histologie. Cette dernière permet d’affirmer la dégénérescence en cas de franchissement de la membrane basale. L’imagerie permet le bilan d’extension.

Les principaux diagnostics différentiels sont les condylomatoses étendues ainsi que les tumeurs malignes de l’anus, dont le carcinome verruqueux – forme bien différenciée de carcinome épidermoïde, souvent non liée aux papillomavirus.

Le traitement repose sur l’exérèse, parfois difficile en cas de tumeur extensive. La chimioradiothérapie est indiquée en cas de dégénérescence. Les récidives sont fréquentes et, en cas de cancer, la mortalité semble supérieure à celle du carcinome épidermoïde classique. 

Pour en savoir plus
Purzycka-Bohdan D, Nowicki RJ, Herms F, et al. The Pathogenesis of Giant Condyloma Acuminatum (Buschke-Lowenstein Tumor): An Overview. Int J Mol Sci 2022;23(9):4547.
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