Glossite losangique médiane

Magalie, 22 ans, consulte pour une lésion érythémateuse apparue il y a quelques mois sur la partie centrale de sa langue (figure).

La glossite losangique médiane est une lésion bénigne décrite pour la première fois en 1914 par Louis Brocq. Cette dermatose buccale est assez peu fréquente (prévalence inférieure à 1 % en population générale). Elle correspond à une candidose superficielle en placards, fréquemment associée à une ouranite palatine ou à une candidose chronique. 

Plusieurs facteurs de risque de survenue sont identifiés : tabagisme, diabète, immunosuppression, hypo-sialorrhée (d’origine iatrogène ou non). 

Cliniquement, la lésion ovoïde est observée au niveau du tiers postérieur de la face dorsale de la langue, en avant du V lingual. Deux formes sont décrites :

  • mamelonnée (la plus fréquente), dans laquelle la lésion est légèrement surélevée, rouge ou blanche, et infiltrée à la palpation ;
  • atrophique, se distinguant par une zone maculeuse très érythémateuse.
 

Le diagnostic est essentiellement clinique. Cependant, en cas de doute, notamment chez les patients ayant une immunosuppression, il peut être utile d’effectuer un prélèvement à la recherche de l’agent fongique en cause. 

La prise en charge consiste à agir sur les facteurs à l’origine de cette dermatose (arrêt du tabagisme, substitution des traitements entraînant une hyposialorrhée [tricycliques, par exemple], bien équilibrer le diabète) et à prescrire un traitement antifongique. Chez les patients non immunodéprimés, le choix s’oriente vers l’amphotéricine B en bains de bouche. En revanche, pour le patient avec immunosuppression sévère, un dérivé azolé (fluconazole) par voie orale est indiqué.  

Pour en savoir plus 
Benslama L. Les pathologies de la ­muqueuse buccale. Éd. CdP 2024. 
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Alopécie secondaire a un zona

Une infirmière  d’Ehpad demande une consultation médicale pour une résidente de 60 ans, oligophrène, qui se plaint de douleurs hémicrâniennes du côté droit, intenses, depuis plus de sept jours. L’examen clinique montre la présence d’un placard alopéciant au niveau de la zone douloureuse, avec quelques croûtes en son centre (figure). La patiente avait eu une éruption érythémato-vésiculeuse dix jours auparavant, s’étendant depuis la base du rachis cervical et se développant en bande au niveau du cuir chevelu.

Plusieurs caractéristiques de l’éruption permettent ici de poser le diagnostic de zona : éruption métamérique (en bande), caractère vésiculeux et érythémateux et douleurs hémicrâniennes (post-zostériennes).

Les alopécies cicatricielles localisées – aucune repousse n’est observée – peuvent survenir dans deux situations :

  • alopécies cicatricielles exogènes secondaires à des brûlures, à des traumatismes, ou iatrogènes (radiothérapie) ; 
  • alopécies cicatricielles endogènes secondaires à des affections générales (lupus), infectieuses (varicelle, zona, folliculites à pyogènes, Candida albicans, syphilis tertiaire, leishmaniose) ou dermatologiques (lichen, acné).
 

Sur le plan clinique, dans le cas d’une alopécie secondaire à un zona, l’anamnèse est prépondérante pour poser le diagnostic. Dans certains cas, les douleurs post-zostériennes peuvent également permettre de déterminer l’origine de l’alopécie. Le siège le plus fréquemment observé dans cette forme d’alopécie est le scalp. Une disparition complète des follicules pileux est mise en évidence, rendant cet état définitif. 

La prise en charge concerne essentiellement la douleur. Le risque de douleur prolongée de plus d’un mois est d’environ 33 % chez les patients de plus de 40 ans. Il est maximal (74 %) chez les personnes de plus de 70 ans. Dans l’objectif de réduire les hémicrânies, un traitement par amitriptyline, indiqué dans les douleurs neuropathiques périphériques de l’adulte, a été mis en place dans un contexte d’humeur dépressive associée.

Pour en savoir plus
Bouhanna P, Reygagne P. Pathologie du cheveu et du cuir chevelu. Paris: Masson, 1999.
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Syndrome de Morel-Lavallée

Un militaire de 48 ans consulte pour une tuméfaction importante située au niveau de sa fesse droite. Il évoque une chute dans les escaliers ayant eu lieu un mois auparavant avec apparition d’un hématome d’environ 30 cm de diamètre, couvrant une large partie du grand fessier droit. Des photos ont été prises le lendemain de la chute (fig. 1). L’hématome a disparu complètement en deux semaines.
Un mois après le traumatisme, il constate l’apparition d’une tuméfaction collectée d’une quinzaine de centimètres sur le quadrant inférieur de la fesse.
Une échographie est réalisée, mettant en évidence une collection liquidienne hypodermique partiellement cloisonnée, non inflammatoire en doppler énergie, au contenu finement échogène. La tuméfaction, compressible sous la sonde, mesure 15 cm de diamètre et 1,5 cm d’épaisseur. Une ponction est préconisée, permettant d’évacuer 120 mL de liquide sérosanglant, avec affaissement quasi complet de la collection. Un bandage compressif est mis en place, mais la collection récidive quelques semaines plus tard (fig. 2).
Une IRM est alors effectuée, concluant à une collection liquidienne évocatrice de saignement, sans capsule visualisée. Elle mesure 8,5 cm de grand axe et 0,6 cm de petit axe et est localisée en arrière du fascia musculaire superficiel du grand glutéal (fig. 3).
Devant l’aspect clinique de collection récidivante séro-hématique post-traumatique et l’aspect compatible en IRM, le diagnostic de syndrome de Morel-Lavallée est évoqué.
Un avis chirurgical orthopédique est demandé afin de discuter l’indication d’un débridement. Cette option n’est finalement pas retenue en raison du risque infectieux et d’un bénéfice discutable.
Un repos sportif de vingt-quatre mois avec un caleçon compressif est préconisé.
Quelques mois plus tard, la collection est toujours présente, mais dans un moindre volume. Une surveillance de l’évolution (recherche d’un encapsulement) par imagerie est proposée.

Le syndrome de Morel-Lavallée a été décrit pour la première fois en 1863 par le chirurgien français Auguste François Morel-Lavallée. Il correspond à une lésion post-traumatique des tissus mous séparant la peau et le tissu sous-cutané du fascia sous-jacent. Il résulte souvent d’un mécanisme de cisaillement entre ces tissus, secondaire à un traumatisme tangentiel souvent violent, comme une chute à ski, un accident de la voie publique à moto, la pratique d’un sport de combat. Ce phénomène induit une rupture des vaisseaux perforants et lymphatiques, créant une cavité remplie initialement de sang puis de liquide sérohématique, qui s’organise ensuite jusqu’à la formation d’une capsule fibreuse.1

Les localisations les plus fréquemment décrites sont le grand trochanter, la cuisse, le pelvis et le genou. Le syndrome de Morel-Lavallée apparaît le plus souvent dans les trois semaines suivant le traumatisme et jusqu’à plusieurs mois après.2 

Cliniquement, il se manifeste par une déformation superficielle post-traumatique, douloureuse, avec un hématome en regard, mais cette déformation peut aussi être asymptomatique. Les diagnostics différentiels sont le lipome, le pseudo-lipome post-traumatique et le sarcome des tissus mous.

Le bilan d’imagerie est indispensable au diagnostic. L’échographie est un examen très performant pour le diagnostic initial. Elle permet de visualiser une collection hypo- ou anéchogène, compressible, hétérogène, avasculaire.

L’IRM est préconisée afin de catégoriser l’évolution de la collection : hyposignal T1 et hypersignal T2 à la phase aiguë, puis, au stade chronique, hypersignal T1 avec anneau périphérique cicatriciel en hyposignal T1, correspondant à la capsule fibreuse.3

Plusieurs approches thérapeutiques sont possibles, mais non consensuelles. 

Pour les petites lésions, sans capsule, d’un volume de moins de 50 mL,3 le traitement conservateur est préconisé et comprend le repos sportif, la compression par bandage (efficace en l’absence de capsule et selon les localisations) et les ponctions-aspirations itératives. 

L’approche chirurgicale, réservée aux lésions plus importantes, consiste en un débridement avec ou sans drainage percutané ; elle est contre-indiquée en cas d’infection profonde, de nécrose cutanée ou de fracture ouverte associée. Certains auteurs rapportent de très bons résultats avec la sclérothérapie par doxycycline injectée juste après une ponction-drainage, avec pour objectif de détruire la capsule.4,5 

Un algorithme décisionnel de prise en charge (fig. 4) a été proposé par Delannoy et al.1 

Concernant l’évolution, la récidive est très fréquente. Elle serait majorée en cas de non-retrait de la capsule, et selon la localisation et l’abondance de l’épanchement. Les complications sont l’infection du liquide au sein de la collection et la nécrose sous-cutanée par remaniement de la cavité. 

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

Références 
1. Delannoy G, Peyrottes A. Le syndrome de Morel-Lavallée : physiopathologie, présentation clinique et prise en charge. Journal de traumatologie du sport 2021;38(3):168‑72. 
2. Pothiawala S, Miranda R, Civil I. Not all post-traumatic swellings are haematomas: Be alert to a Morel-Lavallee lesion. Lancet 2022;400(10345):e1. 
3. Amaravathi U, Singh S, Reddy AA, et al. The Morel-Lavallee lesion. J Emerg Med 2023;64(1):67‑9. 
4. Wahhab J, Zwijack A. Beware the ides of Morel-Lavallee: A lesion to consider when diagnosing trauma patients. Trauma Case Rep 2023;47:100917.
5. Meriglier E, Chretien A, Bencheikh S, et al. Effet de la sclérothérapie par doxycycline dans le syndrome de Morel- Lavallée. Rev Med Interne 2022;43(2):132‑3.
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Kératose séborrhéique

Une femme de 55 ans consulte pour un « relief » périanal indolore, mais qui l’inquiète. L’examen clinique montre une tuméfaction proche de la marge anale (fig. 1).

La kératose séborrhéique est une tumeur cutanée bénigne. Elle est très fréquente chez le sujet âgé, sans prédominance de sexe. Sa cause n’est pas claire, mais des mutations génétiques ont été identifiées pour certains types. L’aspect habituel est celui d’une lésion de couleur brune ou noire, de taille et forme variables, plus ou moins exophytique, apparaissant alors comme « posée sur la peau », souvent multiple, siégeant volontiers au niveau du visage, notamment les tempes, du cuir chevelu, du cou, du tronc (fig. 2) et des membres. La localisation anale ou périanale est exceptionnelle.

Les diagnostics différentiels sont nombreux : condylome, nævus bénin, mélanome, carcinome basocellulaire, maladie de Bowen, carcinome épidermoïde… L’analyse histologique permet le diagnostic formel.

Le traitement n’est pas indispensable en l’absence de gêne et de diagnostic confirmé ; dans le cas contraire, il repose sur l’exérèse ou la destruction par cryothérapie ou électrocoagulation. 

Pour en savoir plus 
Wollina U, Chokoeva A, Tchernev G, Heinig B, Schönlebe J. Anogenital giant ­seborrheic keratosis. G Ital Dermatol Venereol 2017;152:383-6.
Gorai S, Ahmad S, Raza SSM, et al. Update of pathophysiology and treatment ­options of seborrheic keratosis. Dermatol Ther 2022;35:e15934.
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