Effritement unguéal dans le cadre d’un psoriasis

Le psoriasis unguéal est associé à une atteinte cutanée dans 50 à 80 % des cas. L’atteinte unguéale isolée est peu fréquente – entre 1 et 5 % des cas ; en revanche, 80 % des patients avec atteinte articulaire du psoriasis ont une atteinte unguéale. 

Deux formes cliniques sont classiquement observées :

  • la forme hyperkératosique ­– la plus fréquente au niveau des orteils­ – se caractérisant par un épaississement de la tablette unguéale et par des squames au niveau du lit unguéal ; 
  • l’effritement unguéal, expression d’un psoriasis sévère, associé à une dystrophie unguéale.
 

La fragilité unguéale induite par le psoriasisrend les patients trois fois plus sujets aux mycoses. Or, différencier une mycose d’une atteinte psoriasique unguéale peut être complexe du fait, dans certains cas, d’un tableau clinique superposable. Un prélèvement est donc indispensable. 

La prise en charge du psoriasis unguéalest compliquée. Dans les formes les plus sévères, les traitements topiques n’ont que peu d’intérêt car ils ont une très faible capacité à traverser la couche de kératine des ongles. Si moins de trois ongles sont atteints, des injections intramatricielles de corticoïdes peuvent être proposées. Si plus de trois ongles sont atteints, un traitement systémique peut être institué (méthotrexate, ciclosporine, rétinoïdes, aprémilast, biothérapies). 

Pour en savoir plus
Bardazzi F, Starace M, Bruni F, et al. Nail psoriasis: An updated review and expert opinion on available treatments, including biologics. Acta Derm Venereol 2019;99(6):516-23. 
Ziad Reguiaï. Traitement du psoriasis : un contrôle complet est possible. Rev Prat 2018;68(9):972-7.
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Larva migrans cutanée ou larbish

Eudes, 25 ans, est engagé au sein des forces armées françaises, en mission en Côte d’Ivoire. Trois jours après avoir effectué un exercice dans la lagune d’Abidjan, il consulte pour un prurit intense et l’apparition d’« une marque rouge qui se déplace » au niveau du pied gauche (figure). L’examen clinique permet de poser le diagnostic de larva migrans cutanée.

Lalarva migrans cutanée (ou larbish) est une ankylostomose tropicale due à la pénétration d’une larve d’helminthe (Ancylostoma spp.) sévissant principalement chez le chien et le chat. Les œufs sont présents dans les excréments des animaux et se transforment en larves au contact du sol ou du sable chaud. La transmission se fait par contact direct avec une peau non protégée, le plus souvent les pieds et les fesses chez l’homme. Alors que, chez l’animal, les larves poursuivent leur cycle de reproduction, chez l’homme, l’ankylostome est en impasse parasitaire, aboutissant à une errance sous-cutanée. L’incubation est variable, de quelques jours à plusieurs semaines. 

Le diagnostic est clinique. L’interrogatoiremet en évidence un prurit intense et un cordon érythémateux migrant (plusieurs centimètres par jour), témoin du trajet de la larve. Parfois, le trajet serpigineux est associé à des lésions vésico-bulleuses ou à une eczématisation. La surinfection liée au prurit est à rechercher. Sans prise en charge, les lésions disparaissent en plusieurs semaines à plusieurs mois.

Le traitement associe un antiprurigineux à un antiparasitaire (ivermectine, albendazole ou flubendazole) per os ou en topique. La voie systémique est à privilégier, car elle est efficace et bien tolérée. 

Le prurit disparaît en une semaine ; les lésions peuvent mettre plusieurs semaines à régresser. La persistance ou l’apparition de nouvelles lésions en dépit du traitement doit amener à entreprendre une nouvelle cure. 

Pour en savoir plus
Da Silva Dias V, Picard C, Dompmartin A. Larva migrans ankylostomienne. Ann Dermatol Venereol 2020;147(5):400-2.
Green R, Somayaji R, Chia JC. Larva migrans cutanée bulleuse. Can Med Assoc J. 2023;195(39):E1362.
ePOPI. Parasitoses cutanées : Larva migrans cutanée ankylostomienne. https://www.epopi.fr/?cat_id=107 
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Leucoplasie de la muqueuse buccale

Carlos, militaire de 33 ans, chique du tabac depuis quatre ans environ. Lors d’une consultation, une kératose de la muqueuse de la lèvre inférieure associée à une déhiscence gingivale est observée, à l’endroit même où il place le tabac.

Le tabac sans fumée ou le tabac à chiquer est une pâte habituellement placée dans la cavité buccale au niveau du vestibule inférieur que l’on garde une trentaine de minutes. Il s’agit d’une pratique courante en Amérique du Nord, en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est. L’utilisation prolongée de la chique peut entraîner des effets systémiques tels que la dépendance à la nicotine, une augmentation de la pression artérielle et du risque cardiovasculaire. Elle cause localement une parodontite, une déhiscence gingivale et des leucoplasies de la muqueuse qui, à terme, peuvent évoluer en tumeur maligne (carcinome épidermoïde). 

Cliniquement, la leucoplasie de la muqueuse correspond à une plaque kératosique légèrement blanche. Elle ne disparaît pas au grattage ; elle est non indurée, non érythémateuse et indolore. S’y associent parfois des colorations brunâtres liées à la nicotine au niveau de la zone lésée. La découverte de ces lésions est souvent fortuite lors d’une consultation dentaire. 

Le traitement le plus efficace est l’arrêt du tabac à chiquer – une aide par substituts nicotiniques peut être envisagée –, associé à la limitation de la consommation d’alcool, la correction de déficits vitaminiques ainsi qu’une bonne hygiène buccodentaire avec brossage régulier et utilisation de fil dentaire. En cas de persistance des lésions, il ne faut pas hésiter à adresser le patient en consultation spécialisée de chirurgie maxillo-faciale ou d’ORL afin de faire pratiquer une biopsie. 

Pour en savoir plus 
Ben Salma L. Pathologies médicales potentiellement malignes de la muqueuse buccale. Rev Prat 2019;69(8):856-60.
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Conjonctivite due au contact avec des vélelles

Théophile, 62 ans, consulte en urgence pour une gêne au niveau de l’œil gauche, qui est rouge, avec une sensation de sable sous les paupières (fig. 1). Il explique avoir manipulé des « algues » à l’odeur pestilentielle sur la plage qu’il fréquente régulièrement. Il en a collecté quelques spécimens qu’il a pris en photo (fig. 2). L’examen clinique révèle une conjonctivite secondaire à la manipulation de Velella velella

Velella velella (ou vélelle) est un animal aquatique du genre des cnidaires hydraires, vivant le plus souvent en colonies ; il s’agit d’un invertébré évoluant en deux formes : polype puis méduse à la dérive.1,2

La forme immergée est constituée :

  • d’un disque cartilagineux elliptique divisé en chambres et  contenant du gaz ;
  • d’une crête membraneuse triangulaire verticale servant de voile.
 

Velella velella peut mesurer jusqu’à 6 cm de diamètre et a une couleur bleue. Une colonie de ces cnidaires est constituée de plusieurs polypes ayant chacun sa spécificité : un polype nourricier central (ou gastrozoïde) qui assure la distribution de nourriture aux autres ; les polypes reproducteurs (ou gonozoïdes) ; les polypes défenseurs urticants (ou dactylozoïdes). Ces organismes flottent en pleine mer au gré des courants marins et se nourrissent exclusivement de plancton, d’œufs de poisson, de larves ou de petits crustacés, capturés grâce à des tentacules urticantes. En cas de vent violent, ils peuvent s’échouer sur les plages, surtout au printemps ou en été, de préférence dans les zones tempérées et tropicales. Actuellement, du fait du réchauffement climatique, Velella velella est présente sur les plages bordant l’océan Atlantique et sur le pourtour méditerranéen. 

Cliniquement, le contact avec ces cnidaires est exceptionnellement responsable de lésions : malgré leurs cellules urticantes, le retentissement chez l’homme est rare et souvent anecdotique.

Néanmoins, un contact avec Velella velella peut conduire à deux types de réaction :

  • un prurit au niveau des espaces interdigitaux, zone de revêtement cutané mince propice puisque les cellules urticantes n’arrivent pas à traverser l’épiderme épais ;
  • une conjonctivite.
 

Le traitement repose sur un antihistaminique par voie orale ou en collyre, selon le type d’atteinte. 

Références
1. Carrera M, Trujillo JE, Brandt M. First record of a by-the-wind-sailor (Velella velella Linnaeus, 1758) in Galápagos Archipelago-Ecuador. Biodiversity Data Journal 2019;7:e35303. 
2. Jones T, Parrish JK, Burgess HK. Long-term patterns of mass stranding of the colonial cnidarian Velella velella : influence of environmental forcing. Marine Ecology Progress Series 2021;662:69-83. 
3. Killi N, Bonello G, Mariottini GJ, et al. Nematocyst types and venom effects of Aurelia aurita and Velella velella from de Mediterranean Sea. Toxicon 2020;175:57-63.
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Fistule anale crypto-glandulaire

Une femme de 28 ans consulte pour un suintement anal indolore évoluant depuis plusieurs mois. L’examen clinique montre une tuméfaction au niveau de la marge anale (fig. 1).

La fistule anale cryptoglandulaire est la plus fréquente des suppurations anopérinéales. Elle est due à une infection d’une des glandes de Hermann et Desfosses situées dans la paroi du canal anal. Elle se caractérise par un orifice primaire dans le canal anal et un trajet fistuleux pouvant se révéler par un abcès et/ou un orifice cutané externe productif. 

La localisation de l’orifice oriente vers le type du trajet fistuleux (fig. 2). Parfois, le trajet fistuleux principal se complique d’un ou plusieurs prolongements secondaires : intramural, supralévatorien et/ou controlatéral en fer à cheval, dont la survenue est souvent favorisée par l’administration intempestive d’antibiotiques et/ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. 

Le diagnostic est clinique. L’imagerie est parfois utile pour faire un bilan topographique lorsque la suppuration est complexe et/ou si le patient a déjà été opéré. En cas d’orifice hypertrophique, les principaux diagnostics différentiels sont le kyste sébacé, le condylome, le molluscum pendulum ou contagiosum, le nævus achromique et l’hidradénome papillifère. Il faut aussi penser aux autres causes de suppurations que sont la fissure infectée, le furoncle, la maladie de Verneuil ou le sinus pilonidal infecté.

Le traitement est chirurgical : il repose sur la fistulotomie en un ou plusieurs temps opératoires selon la hauteur du trajet fistuleux. Ce traitement est très efficace mais expose à un risque d’incontinence séquellaire. Les techniques d’épargne sphinctérienne sont une alternative pour les fistules hautes. Elles permettent, en effet, de préserver la continence anale au prix, cependant, d’un risque d’échec plus élevé. 

Pour en savoir plus 
Reza L, Gottgens K, Kleijnen J, et al. European Society of Coloproctology: Guidelines for diagnosis and treatment of cryptoglandular anal fistula. Colorectal Dis 2024;26:145-96.
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