Ulcère de Buruli

Ashraf, 15 ans, en provenance de Mayotte, consulte pour de multiples ulcérations au niveau  des jambes (figure). Apparues il y a plus de quinze jours, ces lésions persistent en dépit de soins locaux.  Un prélèvement est effectué.

L’ulcère de Buruli, décrit pour la première fois par Albert Cook en 1897, est dû à Mycobacterium ulcerans, mycobactérie souvent retrouvée en Afrique, en Amérique latine et dans le Pacifique occidental. Dans la très grande majorité des cas, cette affection concerne les enfants de moins de 15 ans. La transmission s’effectue par voie aquatique (possible contamination transcutanée). 

Cliniquement, les lésions sont situées sur les membres inférieurs (60 % des cas) ou supérieurs (30 % des cas). Elles évoluent en trois stades :

  • pré-ulcératif avec apparition de nodules ou papules de 1 à 2 cm de diamètre et dépigmentation de la peau sous-jacente ;
  • ulcératif avec ulcération indolore à fond nécrotique, de couleur jaune, avec bords décollés. En périphérie, la bordure est de couleur noire et/ou devient œdémateuse ;
  • cicatrisation avec développement d’un tissu cicatriciel scléreux. 

Dans certains cas, un lymphœdème de jambe apparaît.

Le diagnostic est affirmé par PCR identifiant Mycobacterium ulcerans.

Le traitement dépend de la taille de la lésion :

  • catégorie I (lésion unique de moins de 5 cm) ou catégorie II (lésion unique entre 5 et 15 cm) : antibiothérapie par rifamycine à 10 mg/kg/j en une prise et clarithromycine à 7,5 mg/kg/j en deux prises, durant deux mois (OMS)  ;
  • catégorie III (multiples ou lésion de plus de 15 cm) : chirurgie complémentaire à l’antibiothérapie. 

Pour en savoir plus
Marsollier L, Aubry A, Carbonnelle E, et al. Mycobactéries cutanées dues à Mycobacterium ulcerans, Mycobacterium marinum, Mycobacterium abscessus, Mycobacterium chelonae et autres mycobactéries non tuberculeuses. EMC Maladies infectieuses 2020;37(3):1-14. 
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Psoriasis flexural

À la demande des infirmières, Monique, 75 ans, consulte pour des lésions au niveau du siège (figure). Malgré l’application consciencieuse d’émollients et d’antifongiques locaux, un imposant placard s’est développé et persiste. Outre la présence d’une zone érythémateuse très étendue mais bien limitée, l’examen clinique objective des placards érythémato-squameux en périphérie (figure, flèche verte) et des lésions similaires au niveau des coudes.

La prévalence du psoriasis flexural, ou psoriasis inversé, varie entre 3 et 36 %. Ce large écart tient surtout au fait que le diagnostic est difficile à poser : la confusion avec d’autres affections des plis (intertrigo fongique, notamment) est fréquente.

Sur le plan clinique, on observe des placards brillants, le plus souvent très érythémateux mais peu squameux, contrairement aux autres formes de psoriasis. Les limites de ces zones sont très nettes, avec une démarcation particulièrement visible entre la lésion et la peau saine. Chez le petit enfant, il est possible d’objectiver cette entité au niveau du siège (psoriasis des langes). Outre cette localisation, les plis axillaires, inguinaux, sous-mammaires, l’ombilic, les espaces entre les orteils et le pourtour des oreilles peuvent être atteints. En cas de macération superficielle, les lésions peuvent devenir très malodorantes : il faut alors rechercher une colonisation fongique secondaire – notamment par Candida albicans –, situation fréquente chez les patients diabétiques. 

Le diagnostic est essentiellement clinique et doit être associé à la recherche de lésions semblables (placards érythémato-squameux limités) sur le reste du corps.

Le traitement repose classiquement sur l’administration de dermocorticoïdes en association au calcipotriol. Éviter toute macération au niveau de ces zones est également de rigueur. 

Pour en savoir plus
Micali G, Verzi AE, Giuffrida G, et al. Inverse psoriasis : From diag­nosis to current treatment options. Clin Cosmet Investig Dermatol 2019;12:953-9. 
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Syndrome de Leser-Trélat

Jules, 68 ans, consulte pour une efflorescence rapide de lésions pigmentées au niveau du dos et du thorax, dont certaines lésions se détachent (figure). Il explique ne plus avoir d’appétit depuis trois mois, décrit des douleurs épigastriques parfois intenses et a constaté une perte de poids de 5 kg. Des explorations sont réalisées, permettant de poser le diagnostic d’adénocarcinome gastrique.

Le syndrome de Leser-Trélat associe une pathologie néoplasique à une floraison brutale de lésions de kératose séborrhéique. Il est dû à une augmentation des récepteurs à EGF (facteur de croissance épidermique [epidermal growth factor]) au niveau cutané. Ce syndrome paranéoplasique est contesté par de nombreux dermatologues car, pour certains, il existerait une discordance entre le développement de lésions de kératose séborrhéique et la pathologie néoplasique concomitante.

Cependant, plusieurs pathologies malignes semblent associées à cette dermatose : les cancers digestifs (surtout gastriques), les lymphomes, le syndrome de Sézary ou le mycosis fongoïde. Par ailleurs, certaines pathologies infectieuses (la lèpre) ou dermatologiques (le psoriasis, le pityriasis rubra pilaire), certains états physiologiques comme la grossesse ou certaines thérapeutiques (les biothérapies) peuvent également favoriser la survenue de ce syndrome.

Cliniquement, on objective une floraison rapide et importante de formations pigmentées rattachées à l’épiderme ayant un caractère râpeux. Dans 50 % des cas, un prurit est constaté ; dans près de 40 % des cas, un acanthosis nigricans s’y associe (pigmentation cutanée généralement centrée en région cervicale) . Le plus souvent, les lésions de kératose séborrhéique sont mises en évidence au niveau du tronc (76 %) et des membres (38 %).

La prise en charge repose sur le traitement de la pathologie primitive. Les lésions régressent dès lors que l’affection en cause est stabilisée ou en rémission. 

Pour en savoir plus
Husain Z, Ho JK, Hantash BM. Sign and pseudo-sign of Leser-Trelat: case report and a review of the literature. Journal of Drugs Dermatol 2013;12(5):e79-e87.
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Molluscum pendulum

Un homme de 68 ans consulte pour une « boule » gênante depuis quelques semaines. L’examen clinique révèle une masse pédiculée de la fesse (fig. 1).

Le molluscum pendulum, ou « acrochordon », est une tumeur épithéliale bénigne. Sa physiopathologie n’est pas élucidée. Le diabète de type 2 pourrait être un facteur favorisant. Il siège plus volontiers au niveau du cou, des creux axillaires ou de la région inguinale mais peut également survenir au niveau ano-périnéo-fessier. 

Cliniquement, il prend typiquement la forme d’une excroissance le plus souvent de petite taille (fig. 2), de consistance molle, de couleur rosée ou brun foncé, comportant un pédicule dont la finesse est évocatrice du diagnostic. Généralement asymptomatique, il peut parfois s’ulcérer et être à l’origine de douleurs et de saignements. 

Les principaux diagnostics différentiels sont le molluscum contagiosum, l’hidradénome papillifère, la kératose séborrhéique, le condylome, le kyste sébacé, la thrombose hémorroïdaire externe, la marisque, le nævus bénin, plus rarement le mélanome malin, le carcinome basocellulaire, la maladie de Bowen, le carcinome épidermoïde. L’analyse histologique est utile en cas de doute diagnostique. 

Concernant la prise en charge, la destruction par électro-coagulation ou cryothérapie, voire l’exérèse, est indiquée en cas de gêne (irritation locale, préjudice esthétique).

Pour en savoir plus
Curtis JR, Hurst E, Lee M, et al. A true molluscum pendulum. Int J Dermatol 2007;46:853-4.
Gaurav V, Grover C. “Molluscum” Conditions in Dermatology. Indian Dermatol Online J 2021;12:962-5.
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Syndrome de Turner

Une patiente âgée de 30 ans est vue en consultation pour une hypothyroïdie profonde, avec un taux de thyréostimuline ultrasensible (TSHus) supérieur à 500 mUI/L. L’examen clinique objective une taille à 98 cm, un poids à 16 kg, un retard pubertaire au stade S1 P1 selon la classification de Tanner et un syndrome dysmorphique, avec un front bombé, une implantation basse des cheveux, un hypertélorisme, un cou palmé court et un écartement mamelonnaire (fig. 1 et 2). L’examen clinique met également en évidence une vulve infantile avec des lésions achromiques au niveau des grandes lèvres, faisant évoquer un vitiligo (fig. 3). 
Les explorations paracliniques révèlent un profil hormonal en faveur d’un hypogonadisme hypergonadotrope et un âge osseux de 4 ans et demi. L’étude génétique confirme le diagnostic de syndrome de Turner à l’état homogène (dysgénésie ovarienne avec phénotype féminin et caryotype 45X0). 
Un traitement hormonal substitutif thyroïdien et par hormone de croissance est débuté.

Le syndrome de Turner est une affection génétique rare, secondaire à une délétion du chromosome X. Dans la plupart des cas, il est diagnostiqué dès l’enfance au vu des diverses atteintes auto-immunes qui l’accompagnent. Ses manifestations cliniques sont, en général, le motif de consultation, en particulier le retard staturopondéral, la thyroïdite et/ou le diabète.1,2

Devant un retard staturopondéral associé à un syndrome dysmorphique chez la fille, il est nécessaire de penser au syndrome de Tuner afin d’en assurer une prise en charge précoce et ainsi éviter les complications graves, telle que l’hypothyroïdie profonde. 

Références 
1. Gravholt Ch, Viuff MH, Brun S et al. Turner syndrome: Mechanisms and management. Nat Rev Endocrinol 2019;15(10):601-14. 
2. De Sanctis V, Khater D. Autoimmune diseases in Turner syndrome: An overview Acta Biomed 2019;90(3):341-4. 
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Traumatisme musculaire

Un patient de 34 ans, militaire, sans antécédent notable, consulte pour une gêne au niveau de la cuisse droite évoluant depuis trois semaines, apparue à la suite d’un traumatisme du membre inférieur droit lors d’une partie de bubble foot. Allongé au sol, il aurait cherché à récupérer la balle dans un mouvement d’hyperextension de la cuisse.
Dans les suites immédiates, il a ressenti de fortes douleurs d’horaire mécanique limitant les activités sportives et de la vie quotidienne. Ces douleurs se sont progressivement amendées sans prise en charge particulière. Il consulte du fait d’une gêne persistante.
À l’examen clinique, le patient n’a pas de limitation d’amplitude articulaire ni de douleur à la mobilisation active ou passive du membre inférieur droit ; les réflexes ostéotendineux sont conservés dans leur ensemble. Cependant, en décubitus dorsal, une voussure en regard de la face supéro-latérale de la cuisse droite est retrouvée sans hématome en périphérie ni douleur à la palpation (fig. 1). 
Une échographie musculaire est prescrite, avec consigne d’arrêter toute pratique sportive. L’examen met en évidence une lésion conjonctive intrinsèque de l’aponévrose du muscle grand glutéal classée stade 2 (fig. 2).
La prise en charge consiste, devant le délai, en un traitement fonctionnel avec consigne de repos sportif court avant reprise progressive de l’activité physique médiée par un kinésithérapeute.

Les lésions musculaires sont le plus souvent polymorphes et intéressent un nombre important de patients à la mesure du développement des activités sportives et autres compétitions.

Deux grands mécanismes en sont à l’origine :

  • les traumatismes extrinsèques sont le plus souvent rencontrés dans les sports de contact (rugby, sports de combat…) où un agent exogène provoque le traumatisme. La gravité de la lésion résulte de la violence du traumatisme ainsi que de l’état fonctionnel du muscle ;
  • les traumatismes intrinsèques sont spécifiques d’une activité physique ; ils peuvent être la conséquence d’une contraction brutale dépassant les capacités de résistance des fibres musculaires, d’un étirement passif brutal ou d’un traumatisme excentrique, lié à une surcharge mécanique sur un muscle en élongation active.
 

Dans la majorité des cas, l’examen clinique complété par un interrogatoire précis permet de poser le diagnostic. Cependant, la gravité de la lésion, qui conditionne la reprise sportive – par ailleurs essentielle pour tout sportif –, doit être précisée par un bilan d’imagerie. Actuellement, les lésions musculaires sont principalement explorées par échographie, scanner ou IRM. 

Après l’accident, les trois périodes les plus favorables pour réaliser l’échographie sont :1 

  • initialement, entre douze et vingt-quatre heures ;
  • après une semaine pour dépister une collection secondaire ;
  • après la troisième semaine pour confirmer la lyse d’un caillot éventuellement collecté.
 

La classification de Durey et Rodineau, complétée de la corrélation échographique proposée par Brasseur,2 permet d’affiner le pronostic fonctionnel3 (tableau).

D’après certains experts, la ponction d’hématome peut se justifier entre J2 et J10 si la collection, mesurée à 5 cmau moins, est compressible à l’échographie, favorisant ainsi la cicatrisation et la récupération fonctionnelle.5  

Il n’existe, pour l’heure, aucun consensus international clairement établi sur la prise en charge aux phases aiguë et chronique des lésions musculaires. Les protocoles thérapeutiques sont laissés à l’appréciation du praticien. 

Références
1. Mazlout O, Mazlout O, Ladeb MF, et al. Imagerie des traumatismes musculaires aigus des membres inférieurs chez le sportif. Med Hyg 2003;61(2444): 1412-7.
2. Brasseur JL, Zeitoun-Eiss D, Bach G. Valeur pronostique de l’échographie dans les lésions musculaires posttraumatiques. In: Actualités en échographie de l’appareil locomoteur (tome VIII). 2011.
3. Schwitzguebel AJ, Muff G, Naets E, et al. Prise en charge des lésions musculaires aiguës en 2018. Rev Med Suisse 2018;14(613):1332-9. 
4. Rodineau J, Durey A. Le traitement médical des lésions musculaires. JAMA Edition Fr (Actualités thérapeutiques) 1990:20-2.
5. Carrillon Y, Cohen M. Imaging findings of muscle traumas in sports medicine. J Radiol 2007;88(1 Pt 2):129‑42.
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