De garde au service d’accueil des urgences (SAU) pédiatriques, vous accueillez Marianne, 11 mois, pour toux fébrile évoluant depuis soixante-douze heures. Elle a une asthénie mais continue à s’alimenter normalement.

Elle est originaire de Côte d’Ivoire mais n’a pas voyagé récemment. Elle est née à terme, eutrophe.

Concernant ses vaccinations, elle a reçu trois doses de vaccin hexavalent et trois doses de vaccin antipneumococcique, une dose de vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et une dose de vaccin anti-méningococcique B. Elle a également reçu le vaccin bilié de Calmette et Guérin contre la tuberculose (BCG).

Sa croissance est normale et elle a un développement psychomoteur normal.

Cliniquement aux urgences : température (T°) = 38,9 °C ; échelle EVENDOL = 0/10.

Fréquence respiratoire (FR) = 50/min ; tirage sous-costal sans autre signe de lutte respiratoire ; murmure vésiculaire bilatéral et symétrique avec doute sur des crépitants en base gauche ; saturation en oxygène (SpO2) = 96 % en air ambiant.

Fréquence cardiaque (FC) = 120/min ; tension artérielle (TA) = 99/51 (53) mmHg ; temps de recoloration cutanée (TRC) = 2 sec ; extrémités chaudes, pas de marbrure, pouls pédieux et fémoraux perçus bilatéraux, bruits du cœur réguliers sans souffle, pas d’hépatomégalie.

Reste de l’examen clinique normal.
Question 1 - Quelle prise en charge proposez-vous au SAU (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Fièvre associée à une polypnée (50/min) et à des signes de lutte respiratoire (tirage sous-costal), doute sur des crépitants.
Absence de signe de gravité.
Absence de signe de gravité.
Difficile à réaliser chez le nourrisson et pas en première intention chez un enfant communautaire.
Radiographie thoracique indiquée.
Toute toux fébrile n’est pas une pneumopathie. Les signes faisant évoquer une infection respiratoire basse sont la fièvre associée à une polypnée, ou à des signes de lutte respiratoire, ou à une anomalie à l’auscultation pulmonaire. Une radiographie thoracique de face en inspiration est donc indiquée pour confirmation.
Marianne a réalisé sa radiographie thoracique retrouvant une opacité du lobe inférieur gauche effaçant le bord du cœur sans épanchement associé, et un index cardiothoracique à 0,45.
Question 2 - Quel traitement proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Paracétamol pour l’antalgie et à visée antipyrétique, AINS à éviter car favoriserait la survenue d’épanchement pleural.
Présence de signe clinico-radiologique en faveur d’une pneumopathie.
En première intention chez les enfants de moins de 3 ans, le pneumocoque étant le germe majoritaire.
Pas en première intention chez l’enfant de moins de 3 ans.
Traitement ambulatoire, pas de critère de gravité.
Marianne a une pneumopathie du lobe moyen gauche. L’antibiothérapie en cas de pneumopathie en pédiatrie est probabiliste.
En cas de pneumopathie sans signe de gravité chez l’enfant de moins de 3 ans, le pneumocoque est l’agent bactérien le plus fréquent. Sachant que 30 % des souches sont résistantes aux macrolides, l’amoxicilline est l’antibiothérapie de choix.
Par ailleurs, Marianne a une vaccination complète. Si elle avait une vaccination absente ou incomplète contre Hæmophilus influenzæ de type b, une antibiothérapie par amoxicilline + acide clavulanique avec l’amoxicilline dosée à 80 mg/kg j pourrait être discutée en première intention.
Les bilans complémentaires (NFS, CRP, hémocultures) et l’hospitalisation sont réalisés lors de la présence de critères de gravité du fait du terrain (âge < 6 mois, cardiopathie ou pathologie pulmonaire chronique sous-jacente, drépanocytose ou immunosuppression) ou de la sévérité clinique ou radiologique du patient (pneumopathie touchant plus de deux lobes, adénopathies inter-trachéobronchiques, épanchement pleural en-dehors du comblement d’un cul-de-sac, abcès).
Marianne consulte une deuxième fois aux urgences pédiatriques pour persistance des symptômes à 48 h de l’amoxicilline avec une diminution des prises alimentaires associée.
Clinique : T° = 39,1°C, sueurs, pâleur.
FR = 68/min ; signes de lutte respiratoire modérés sous-costal, intercostal ; balancement thoraco-abdominal ; murmure vésiculaire diminué à gauche, sans bruit surajouté ; SpO2 = 90 % en air ambiant.
FC = 180/min ; TA = 102/52 (67) mmHg ; TRC = 4 sec ; extrémités fraîches jusqu’aux genoux ; pouls périphériques filants ; marbrures ; pas d’hépatomégalie ; bruits du cœur réguliers sans souffle.
Abdomen souple et dépressible, pas d’organomégalie.
Neurologique : score de Glasgow (GCS) = 15 ; vigilante, agitée.
Question 3 - Quelles sont vos principales hypothèses (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Présence d’une polypnée avec signes de lutte respiratoire (détresse respiratoire), désaturation (insuffisance respiratoire) et signes d’hypercapnie (sueurs, agitation, tachycardie) donc décompensée.
Présence d’une polypnée avec signes de lutte respiratoire (détresse respiratoire), désaturation (insuffisance respiratoire) et signes d’hypercapnie (sueurs, agitation, tachycardie).
Tachycardie et hypoperfusion périphérique (TRC allongé, pouls filants).
Complication possible d’une pneumopathie.
Autre complication possible d’une pneumopathie.
Devant une persistance de la fièvre à 48-72 h de l’initiation de l’antibiothérapie, il s’agit d’un échec de traitement. Il faut penser au fait que l’antibiothérapie utilisée n’est pas adaptée ou éventuellement à une complication comme l’épanchement pleural. Il faut toujours regarder la tolérance circulatoire et neurologique. Ici, Marianne a une insuffisance circulatoire avec des signes d’hypercapnie associée.
Vous installez Marianne dans le bloc de déchocage devant le tableau de détresse respiratoire avec insuffisance respiratoire décompensée et insuffisance circulatoire.
Question 4 - Quelle prise en charge immédiate proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Nécessité d’apporter plus de 3 L d’O2 devant le contexte d’insuffisance circulatoire.
Masque à haute concentration délivre plus de 6-8 L d’O2.
Enfant vigilante, non comateuse.
Insuffisance circulatoire nécessitant au moins un remplissage, il est important d’assurer des voies d’abord disponibles d’emblée.
Traitement de l’insuffisance circulatoire
En cas d’insuffisance respiratoire, il est important d’utiliser le dispositif adéquat délivrant l’oxygénothérapie (lunettes d’O2 jusqu’à 3 L d’O2, masque simple de 4 à 6-8 L, masque à haute concentration de 8 L à 15 L).
En cas d’insuffisance circulatoire et en l’absence de signe d’insuffisance cardiaque, il faut assurer un remplissage de 10 mL/kg de Ringer Lactate (maximum 500 mL) en première intention (diminue le risque d’acidose hyperchlorémique en cas de remplissages itératifs) en moins de trente minutes. En cas d’administration de 40 mL/kg d’expansion volémique ou hypotension artérielle associée, il faudra penser à débuter des amines vasopressives.
Devant les signes d’hypercapnie associée, il faudra également penser à mettre en place une ventilation non invasive en l’absence de contre-indication.
À la suite de votre prise en charge immédiate, Marianne est stable après son expansion volémique et n’en a pas nécessité d’autres.
Vous obtenez les résultats de la prise de sang que vous aviez réalisée lors de la pose des voies veineuses : gaz du sang = pH 7,29 ; pression partielle en oxygène dans le sang artériel (PaO2) = 97 mmHg ; pression partielle en dioxyde de carbone (PaCO2) = 59 mmHg ; bicarbonate-acide carbonique (HCO3-) = 21 mmol/L ; lactate = 1 mmol/L ; hémoglobine (Hb) = 11,4 ; plaquettes = 372 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 13,4 G/L ; CRP = 242 mg/L ; ionogramme sanguin et bilan hépatique normaux.
La radiographie thoracique au lit retrouve un épanchement pleural couvrant la totalité du poumon gauche avec déviation de la trachée vers le côté controlatéral. Une échographie pleurale complémentaire est réalisée confirmant la présence de liquide ponctionnable.
Question 5 - Concernant votre prise en charge, quelles sont les propositions exactes (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Le paquet vasculo-nerveux se trouve au bord inférieur de la côte supérieure, donc il faut ponctionner au bord supérieur de la côte inférieure.
Systématique en cas d’épanchement pleural.
Plutôt un exsudat et possiblement purulent.
Pneumopathie compliquée, les germes ciblés ne sont pas les mêmes, il faudra donc adapter l’antibiothérapie.
Nourrisson pris en charge aux urgences, et nécessitant une hospitalisation dans un service de réanimation pédiatrique.
Devant un épanchement pleural, la ponction pleurale est systématique afin de réaliser un examen direct et une culture pour identification du germe.
En cas d’infection, l’aspect macroscopique est purulent, glucose dans le liquide pleural < 0,4 g/L, LDH pleural > 1 000 U/L, présence de bactéries. Le liquide de ponction est également un exsudat (protides > 35 g/L ou protides pleuraux entre 25 et 35 g/L et 1 des 3 critères de Light suivants taux protides pleural/sérique > 0,5 ou taux LDH pleural/LDH sérique > 0,6 ou LDH pleural > 2/3 de la limite supérieure du plasma).
Marianne est hospitalisée en réanimation pédiatrique pour une pleuro-pneumopathie sévère à cocci à Gram positif en amas. Elle est sous une antibiothérapie probabiliste par amoxicilline + acide clavulanique 150 mg/kg/j, vancomycine et clindamycine intraveineux en attendant les résultats de la culture et de l’antibiogramme de la ponction pleurale.
Une ventilation non invasive a été mise en place, mais elle ne s’améliore pas sur le plan respiratoire.
Elle nécessite une fraction inspirée en oxygène (FiO2) à 100 % et a le gaz du sang artériel suivant : pH = 7,31 ; PaCO2 = 54 mmHg ; PaO2 = 61 mmHg ; HCO3- = 21 mmol/L ; lactate = 2,7 mmol/L.
Sa radiographie thoracique est la suivante.
Figure (Virginia Leao, La Revue du Praticien)
Question 6 - Qu’en pensez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Absence d’opacité totale du poumon gauche, pas de déviation de la trachée vers le côté controlatéral, parenchyme pulmonaire gauche en partie visible.
Voie antérieure : position en regard du deuxième ou troisième espace intercostal et en-dehors de la ligne médio-claviculaire (pour éviter l’artère mammaire interne).
Elles sont mieux visibles en regard du poumon droit.
Trames alvéolo-interstitielles visibles jusqu’aux côtes, pas de déviation de la trachée du côté homolatéral.
Aggravation dans les sept jours, images radiologiques compatibles, rapport PaO2/FiO2 diminué.
À la suite d’une infection pulmonaire basse aiguë, un trouble du rapport ventilation/perfusion au niveau pulmonaire peut donner lieu à un effet shunt. Il s’agit du syndrome de détresse respiratoire aigu incluant, dans les sept jours suivant une affection, l’apparition d’opacités alvéolo-interstitielles unilatérales ou bilatérales, et une diminution du rapport PaO2/FiOsans que cela ne soit associé à une atteinte cardiaque ou pulmonaire chronique.
Après le syndrome de détresse respiratoire aigu, Marianne évolue favorablement en réanimation. Il s’agit d’une pleuro-pneumopathie à Staphylococcus aureus sensible à la méticilline, le drain a pu être retiré rapidement car peu productif en quarante-huit heures. Au bout du 9e jour, elle est toujours fébrile autour de 38,5 °C. Elle est sous lunettes d’O2 1 L/min. Par ailleurs, elle n’a pas d’altération neurologique, elle sourit, joue.
En reprenant l’histoire avec les parents, ils vous disent qu’il s’agit de la deuxième pneumopathie dans l’année, sachant que la première avait nécessité un traitement par amoxicilline ambulatoire, sans complication.
Question 7 - Quelle suite de prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
En cas d’épanchement pleural, la fièvre peut durer de sept à dix jours.
Possible, car elle ne nécessite plus d’une surveillance continue rapprochée devant son évolution favorable.
Pleuro-pneumopathie sévère, deuxième épisode.
Étendre l’interrogatoire pour rechercher des terrains favorisants.
Peu d’argument pour une mucoviscidose, mais y penser lors d’une infection pulmonaire pour rechercher les terrains favorisants.
En cas de récidive d’une infection pulmonaire basse, les principales causes à évoquer et à rechercher sont l’asthme, une pathologie pulmonaire sous-jacente (malformation pulmonaire congénitale, dilatation des bronches, pathologie mucociliaire, mucoviscidose), une autre cause obstructive (corps étranger, ou compression extrinsèque), et un déficit immunitaire surtout si deux épisodes ou plus se sont succédé. Il faudra demander un avis spécialisé pour compléter les bilans complémentaires.

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