Mme K. est admise aux urgences pour exploration d’une douleur thoracique. Cette femme de 76 ans est suivie en cardiologie depuis dix ans pour un rétrécissement aortique, une hypertension artérielle (HTA) et une dyslipidémie. Elle est parfaitement autonome à domicile. Elle fume un demi-paquet de cigarettes par jour depuis trente ans. Elle est traitée par rivaroxaban (anti-Xa) depuis six semaines pour une thrombose veineuse profonde (TVP) du membre inférieur droit survenue à l’occasion d’un voyage en voiture. Le reste de son traitement comporte de la simvastatine et de l’hydrochlorothiazide. 

Depuis trois jours, elle présente une douleur thoracique croissante, latéralisée à droite et survenue sans facteur déclenchant évident.
Question 1 - Parmi les propositions suivantes, quels diagnostics vous semblent compatibles avec ce tableau clinique ?
Le siège de la douleur est atypique mais n’élimine pas formellement un syndrome coronarien surtout chez un sujet âgé (pouvant se manifester de manière atypique), présentant de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire (âge, HTA, dyslipidémie, tabagisme actif).
À évoquer en priorité car TVP récente et douleur thoracique. Le traitement anticoagulant en cours n’élimine pas une migration embolique (surtout en cas de mauvaise observance).
À évoquer devant une douleur thoracique latéralisée.
La douleur thoracique n’est pas évocatrice.
À évoquer devant une douleur thoracique latéralisée chez une patiente avec tabagisme important.
L’examen clinique retrouve : saturation en oxygène (SpO2) = 94 % en air ambiant au repos ; tension artérielle (TA) = 130/60 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 110/m, température (T) = 37,2 °C. 
Absence de dyspnée au repos, pas de turgescence jugulaire. Murmure vésiculaire diminué à droite, auscultation claire par ailleurs. Présence d’une matité à la percussion de la base droite. Le reste de l’examen est sans particularité en dehors d’une adénopathie sus claviculaire droite de 2 cm. 
Un électrocardiogramme (ECG) est réalisé :
Question 2 - Parmi les propositions suivantes, quels diagnostics vous semblent compatibles avec ce tableau clinique ?
L’ECG permet d’éliminer un syndrome coronarien aigu, et le reste du tableau évoque en priorité une pathologie pleurale.
Doit être évoquée (voir question 1) même si l’examen laisse présager d’un épanchement pleural abondant, ce qui est inhabituel pour une embolie pulmonaire.
L’examen clinique est en faveur de ce diagnostic.
Pas d’argument clinique ou ECG pour une péricardite.
L’examen clinique retrouve une matité de la base droite (et non un tympanisme). 
L’ECG retrouve un rythme régulier, sinusal, sans trouble de la repolarisation.
Une radiographie thoracique est réalisée :
Question 3 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (ou lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
De grande abondance.
Nodules et micronodules sont visibles en base gauche (flèches vertes ci-dessous).
En bordure de l’épanchement pleural (flèches bleues ci-dessous).
L’apex du poumon droit apparaît plus dense que le poumon gauche, car l’épanchement pleural est abondant et remonte jusqu’à l’apex.
Probablement en rapport avec le rétrécissement aortique de la patiente (flèche rouge ci-dessous).
Complément à la réponse :
Votre externe vous demande si vous allez réaliser une ponction pleurale.
Question 4 - Parmi les propositions suivantes, laquelle est exacte ?
L’aspirine n’a aucune indication dans le traitement de la TVP.
La ponction pleurale est nécessaire pour permettre un diagnostic, mais l’anticoagulation efficace est une contre-indication théorique. En l’absence de signe de détresse respiratoire (qui imposeraient un drainage rapide), l’idéal est donc d’attendre que le rivaroxaban ne fasse plus effet, soit environ 24 h après la dernière prise, pour réaliser le geste (la demi-vie des anticoagulants oraux directs est courte, de même que l’héparine, le relais est donc inutile ici, à l’inverse des antivitamine K [AVK]). Il faudra reprendre rapidement l’anticoagulation après le geste car la thrombose veineuse doit être traitée. Pour mémoire, vous devez piquer en pleine matité, au bord supérieur de la côte inférieure, et une radiographie de contrôle est indispensable pour s’assurer de l’absence de pneumothorax.
L’analyse du liquide vous apporte les informations suivantes : 
– aspect citrin ; 
– protides : 50 g/l (protides plasmatiques 65 g/l), lactate deshydrogénase (LDH) : 525 UI/l ; 
– examen direct : 2 500 éléments/mm3, lymphocytes 70 %, macrophages 30 %, absence de bactérie en coloration de Gram.
Question 5 - Parmi les propositions suivantes, quels diagnostics vous semblent compatibles avec ce tableau clinique ?
L’aspect citrin, le nombre d’éléments modéré et la prédominance lymphocytaire sont en défaveur d’une pleurésie purulente. La coloration de Gram négative n’élimine pas à elle seule ce diagnostic.
L’abondance de l’épanchement est peu compatible avec une embolie pulmonaire.
Les critères de Light (un critère au moins parmi protéines pleurales/plasmatiques > 0,5 LDH pleurales/plasmatiques > 0,6 et LDH pleurales > 200 UI/L) permettent de porter le diagnostic d’épanchement exsudatif, permettant d’éliminer une insuffisance cardiaque. Les diagnostics les plus probables étant donné la présence de nodules controlatéraux sont une origine carcinomateuse ou tuberculeuse.
Vous réalisez un scanner thoracique :
Question 6 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (ou lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
Le poumon est rétracté du fait de la pleurésie, et visible car plus dense que l’épanchement (flèches noires ci-dessous).
Aucune dilation de bronche n’est visible sur ces images (certaines bronches sont simplement mieux visibles lorsqu’elles sont encadrées par l’épanchement).
Cf. flèche rouge dans l’image ci-dessous.
Le scanner est injecté mais les coupes parenchymateuses ne permettent pas de conclure sur la présence ou non d’une embolie pulmonaire.
Complément à la réponse :
Les cultures de l’épanchement restent négatives et la cytologie retrouve des cellules inflammatoires sans cellule tumorale visible.
Question 7 - Parmi les propositions suivantes, laquelle allez-vous privilégier pour obtenir un diagnostic ?
Étant donné la non-rentabilité de la première ponction et les possibilités alternatives, il est souhaitable de privilégier ces dernières.
Cet examen n’apportera pas de diagnostic étiologique (il pourra être positif également s’il s’agit d’une tuberculose).
Ici, l’ensemble du tableau est très évocateur de pleurésie néoplasique. Un diagnostic histologique est donc souhaitable, les cibles principales sont l’adénopathie sus-claviculaire (toujours pathologique dans cette localisation), les nodules parenchymateux, et la plèvre (accessible par thoracoscopie). Étant donné l’accès très simple à l’adénopathie palpable à l’examen clinique, il faut privilégier cette localisation car c’est la moins invasive (d’autant que la patiente est anticoagulée et présente de nombreuses comorbidités).
Le diagnostic d’adénocarcinome est finalement apporté par la biopsie d’une adénopathie. Un traitement par chimiothérapie comprenant des sels de platine est débuté, et vous revoyez la patiente régulièrement en hôpital de jour pour ses cures. Elle vous appelle entre deux rendez-vous car elle frissonne et se sent épuisée. Sa température est de 38,5 °C. La numération réalisée la veille montre : leucocytes 600/mm3 ; dont neutrophiles 300/mm3 ; hémoglobine 11 g/dl ; plaquettes : 210 000/mm3.
Question 8 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (ou lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
Il s’agit d’une agranulocytose fébrile et le traitement antibiotique est une urgence. Le traitement à domicile (parfois réalisé par certaines équipes) n’est pas compatible avec l’âge avancé de la patiente et ses comorbidités (risque de dégradation rapide), ni avec la présence de frissons (pouvant faire suspecter un sepsis). Toutefois, la réalisation d’examens bactériologiques est souhaitable avant la mise en route du traitement antibiotique (mais sans en attendre les résultats).
L’examen clinique réalisé à l’arrivée de la patiente aux urgences retrouve : SpO2 = 95 % en air ambiant au repos ; TA = 110/50 mmHg, FC = 108/m, T = 39,2 °C. 
Patiente frissonnante mais sans signes de choc, absence de point d’appel clinique évident.
Question 9 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (ou lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
La réalisation d’examens bactériologiques (paire d’hémocultures, examen cytobactériologique des urines [ECBU] au minimum) est souhaitable avant la mise en route du traitement antibiotique, mais sans en attendre les résultats car il s’agit d’une urgence thérapeutique. Une radiographie thoracique pourrait être réalisée dans ce contexte, mais le scanner n’est pas justifié en l’absence de point d’appel car il sera probablement peu informatif. Le traitement antifongique est à réserver aux échecs du traitement antibiotique en cas de neutropénie profonde et persistante.
L’évolution est finalement favorable et l’infection est contrôlée sous antibiotiques. Le cycle de chimiothérapie suivant est administré, mais la patiente doit être hospitalisée quelques jours plus tard devant l’apparition de diarrhées accompagnées de fortes nausées. 
Un ionogramme réalisé retrouve : Na+ = 130 mmol/l ; K+ = 2,9 mmol/l ; créatinine : 93 µmol/l (dernière mesure la semaine précédente à 70 µmol/l).
Question 10 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) devez-vous évoquer pour expliquer l’hypokaliémie présentée par la patiente ?
Dans la majorité des cas, l’insuffisance rénale aiguë entraîne une augmentation de la kaliémie et une diminution de la kaliurèse.
Les diarrhées constituent une cause évidente d’hypokaliémie chez cette patiente. Elles pourraient être causées par une infection (on évoquera en priorité Clostridium difficile devant la prise d’antibiotiques récente), mais également par la chimiothérapie elle-même (il s’agit d’un effet indésirable fréquent et commun à la plupart des traitements cytotoxiques). De plus, les chimiothérapies comprenant des sels de platine (particulièrement le cisplatine) peuvent induire une tubulopathie rénale et participer à l’hypokaliémie. Enfin, le diurétique thiazidique pris par la patiente augmente la kaliurèse.
L’ECG réalisé ne retrouve pas de signes d’hypokaliémie ou de troubles du rythme. Vous souhaitez supplémenter la patiente en potassium.
Question 11 - Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont exactes ?
L’hypokaliémie profonde et les troubles digestifs rendent une recharge uniquement orale risquée.
Cette proposition est à réserver à l’apport rapide de fortes doses de potassium (le plus souvent en cas d’hypokaliémie profonde, de signes ECG préoccupants, et/ou d’échec de la recharge sur voie veineuse périphérique (VVP).
Car il existe une probable déshydratation liée aux diarrhées (et/ou à une tubulopathie)
Il s’agit d’un diurétique thiazidique entraînant une kaliurèse augmentée.
Attention à bien respecter les règles de sécurité en cas d’apport de potassium. L’ionogramme et l’ECG devront être contrôlés régulièrement. 
Sur voie veineuse périphérique, la concentration maximum est de 4 g de chlorure de potassium (KCl) par litre de soluté (et 4 g/24 h maximum sans utilisation d’un débitmètre). Une solution plus concentrée est veinotoxique. 
Une prise per os associée est possible. 
Jamais d’apport en intraveineuse directe (IVD), bolus ou voie sous-cutanée (SC) !
Le lendemain, l’infirmière vous appelle car elle a retrouvé la patiente inanimée dans sa chambre, alors qu’elle l’avait aperçue en train de marcher dans le couloir quelques minutes auparavant. 
Le pouls fémoral n’est pas perceptible, la patiente est aréactive et n’a aucune activité ventilatoire spontanée.
Question 12 - Parmi les propositions suivantes, lesquelles réalisez-vous en urgence ?
Devant ce tableau d’arrêt cardiorespiratoire, il faut débuter une réanimation cardiopulmonaire associant massage cardiaque externe et ventilation par Ambu (30 compressions/2 insufflations) puis intubation orotrachéale dès que possible. Il faut immédiatement mettre en place le défibrillateur qui permettra l’analyse du rythme et poser une voie veineuse pour permettre l’administration éventuelle d’adrénaline.
Le tracé de l’ECG réalisé par l’infirmière est le suivant :
Question 13 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
Le tracé est celui d’une tachycardie ventriculaire, il faut donc délivrer un choc électrique, poursuivre le massage cardiaque externe et ventiler la patiente.
Quelques minutes plus tard, le tracé du défibrillateur est le suivant :

Le pouls n’est toujours pas perceptible. L’ionogramme du matin montrait une kaliémie normale.
Question 14 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
Le tracé est celui d’une asystolie, il faut donc injecter 1 mg d’adrénaline, poursuivre le massage cardiaque externe et ventiler la patiente (attention la dose d’adrénaline à injecter lors d’un arrêt cardiaque est à connaître !).
Trente minutes après le début de la réanimation, vous ne notez aucune récupération d’activité cardiaque spontanée malgré la réalisation de deux chocs électriques externes et la dose cumulée de 11 mg d’adrénaline. Le tracé du défibrillateur montre toujours une asystolie.
Question 15 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
L’amiodarone est indiquée en cas de persistance de tachycardie ventriculaire (TV) ou fibrillation ventriculaire (FV) après choc électrique externe (CEE).
Malgré les manœuvres réanimatoires, le pronostic de cette patiente est sombre (période de no flow inconnue, période de low flow de plus de 30 minutes) et les chances de récupération (notamment neurologiques) sont extrêmement faibles. La poursuite de la réanimation paraît déraisonnable au regard de l’âge et des comorbidités de la patiente.

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