[Mis à jour le 16/09/24]

 

Vous recevez en consultation Mme J, 46 ans, qui consulte car elle a palpé une boule indolore dans le sein droit, et est très inquiète qu’il puisse s’agir d’un cancer. Elle ne décrit pas de symptômes généraux, notamment pas d’altération de l’état général.

Elle n’a pas d’antécédent connu, hormis une interruption volontaire de grossesse à 18 ans. Elle a une consommation alcoolique occasionnelle et est fumeuse (environ 10 paquets-années [PA]). Elle pèse 75 kg pour 1,65 m.

Elle n’est pas ménopausée, est sous contraception œstroprogestative. Ses premières règles remontent à l’âge de 11 ans, et elle a eu 4 enfants, qu’elle a allaités.
Question 1 - Concernant son risque de développer un cancer du sein (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le surpoids favorise l’exposition aux estrogènes via l’aromatase dans le tissu adipeux, qui transforme les androgènes en estrogènes.
La multiparité est un facteur protecteur.
La possibilité que la pilule œstroprogestative favorise le développement de cancer du sein est débattue, mais une chose est sûre : elle n’est pas un facteur protecteur.
Les femmes utilisant une contraception hormonale ont un risque accru, d'environ 20 à 30 %, de développer un cancer du sein, révèle une étude britannique publiée dans la revue PLOS Médecine en mars 2023.
L’alcool est un facteur de risque de cancer du sein.
L’allaitement est un facteur protecteur de cancer du sein.
Le cancer du sein fait partie des trois cancers hormono-dépendants à connaître à l’ECN :
– cancer de prostate ;
– cancer du sein ;
– cancer de l’endomètre.
Dans ce contexte, l’exposition prolongée aux s fait partie des facteurs de risque de cancer du sein qui sont :
– liés au terrain :
• âge,
• alcool,
• antécédents familiaux (cf. ci-dessous),
• antécédents personnels de cancers de sein, ou de radiothérapie thoracique ;
– liés à l’exposition aux hormones :
• durée d’exposition aux hormones puberté précoce (< 12 ans), ménopause tardive (> 55 ans),
• première grossesse tardive (> 30 ans),
• absence d’allaitement,
• utilisation de traitements hormonaux ;
– liés à des facteurs génétiques :
• mutations BRCA1 et 2 (gènes suppresseurs de tumeurs) ;
• mutations dans d’autres gènes suppresseurs de tumeurs : p53 (syndrome de Li-Fraumeni)…
Vous examinez la patiente à la recherche d’arguments en faveur d’une origine maligne de cette tuméfaction.
À l’examen clinique, vous palpez un nodule induré et mal délimité de 6 cm à l’union des quadrants supérieurs du sein droit, induré, non adhérent au plan profond à la manœuvre de Tillaux.
La patiente décrit également un écoulement mammaire bilatéral, provoqué et grisâtre.
Question 2 - Concernant les éléments cliniques en faveur d’une origine maligne (une ou plusieurs réponses exactes) :
La taille, mais aussi le caractère mal délimité, indolore et induré, oriente vers une tumeur maligne.
La manœuvre de Tillaux est en effet à réaliser. Celle-ci cherche à mobiliser la tumeur, le bras en abduction. Il cherche une adhérence au grand pectoral. Il ne classe donc pas T4 (envahissement de la paroi thoracique, piège classique).
Un écoulement évocateur de cancer est unilatéral, spontané, séro-sanglant, unigalactophorique.
La présence d’un nodule de perméation signe un envahissement cutané, qui classe donc T4. C’est donc un facteur de mauvais pronostic.
Il s’agit en effet des trois territoires de drainage des cancers du sein. En revanche, la chaîne mammaire interne, située en rétrosternal, n’est pas accessible à l’examen clinique.
Quelques petits pièges assez classiques de l’examen sénologique.
En faveur d’un cancer du sein à l’examen clinique, il faut donc retenir :
– une masse : de grande taille, mal délimitée, indurée, adhérente au plan profond (manœuvre de Tillaux pour l’adhérence au grand pectoral) ;
– en regard du mamelon :
• une rétraction, déviation, érosion…,
• des lésions pseudo-eczématiformes de Paget,
• un écoulement unilatéral, spontané, unigalactophorique, séro-sanglant ;
– des signes cutanés : caractère inflammatoire, aspect en peau d’orange, nodule de perméation… ;
– une évolution dans le temps : classification PEV (potentiel évolutif) ;
– la présence d’une adénopathie dans les territoires de drainage : axillaires, sus-claviculaires. Attention ! Le troisième territoire de drainage (mammaire interne), n’est pas accessible à l’examen clinique.
Également à savoir : près de 60 % des tumeurs se situent dans le quadrant supéro-externe (plus riche en tissu glandulaire).
Il n’existe pas d’adénopathie axillaire palpable.
Question 3 - Concernant les examens complémentaires que vous prescrivez afin de mieux caractériser cette masse (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’IRM mammaire dans le bilan initial d’un nodule mammaire (cf. ci-dessous). Il peut rentrer en deuxième ligne, en cas d’incertitude diagnostique.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien peut rentrer dans le cadre du bilan d’extension, mais n’aidera pas à caractériser cette lésion mammaire.
Même remarque que pour le scanner thoraco-abdomino-pelvien.
Les deux examens à prescrire pour caractériser un nodule mammaire sont :
– la mammographie : elle ne doit pas nécessairement se soumettre à la règle de la double lecture, etc., car il ne s’agira pas d’une mammographie de dépistage ;
– l’échographie mammaire +/- du creux axillaire : selon aspect échographique, palpation clinique d’une lésion…
La place de l’IRM mammaire dans le cancer du sein est limitée aux indications suivantes :
– doute diagnostique et discordance clinico-radiologique ;
– suivi de chimiothérapie néoadjuvante ;
– cancers lobulaires du sein (multifocalité) ;
– suivi et dépistage du cancer du sein (annuel) chez les patiente mutées BRCA1 ou 2.
La mammographie montre l’aspect suivant.
Question 4 - Vous tirez les conclusions suivantes :
Il s’agit du quadrant supéro-interne, ce qui correspondait par ailleurs plus à la clinique.
On voit une anomalie (microcalcification) et la mammographie est donc à classer au moins ACR2. Par ailleurs, cette mammographie serait probablement classée ACR5.
Il faut réaliser une micro-biopsie (ou macro-biopsie si la lésion est difficilement palpable).
Pour rappel, concernant la classification de l’American College of Radiology (ACR) sur l’aspect d’une mammographie :
– ACR1 : mammographie normale ;
– ACR2 : anomalie bénigne (pas de surveillance ni d’examen complémentaire) ;
– ACR3 : anomalie probablement bénigne à surveiller : surveillance à court terme (mammographie à 3-6 mois) ou biopsie ;
– ACR4 : anomalie suspecte nécessitant une histologie → microbiopsie ou macrobiopsie selon la situation ;
– ACR5 : lésion d’allure maligne → microbiopsie ou macrobiopsie.
Par ailleurs, pour la lecture d’une mammographie, il faut retenir les repères suivants :
– sur le cliché de face : quel que soit le sein, la partie supérieure du sein représente le quadrant externe, et la partie inférieure représente le quadrant interne ;
– sur le cliché oblique externe : au-dessus du mamelon = quadrants supérieurs, en-dessous = quadrants inférieurs.
Ci-joint un cliché pour vous aider à comprendre cette mammographie : 
L’échographie montre, quant à elle, une masse hyperéchogène de 52 mm de diamètre. Vous avez réalisé une microbiopsie de cette lésion, palpable cliniquement.
Vous récupérez l’anatomopathologie : « adénocarcinome mammaire infiltrant de type non spécifique (ancien carcinome canalaire infiltrant), SBR (Scarff-Bloom-Richardson) 3, Ki67 = 70 %, HER2, R0 30 %, RP 10 % ».
Question 5 - Concernant les facteurs pronostiques de cette tumeur (une ou plusieurs réponses exactes) :
70 % est extrêmement élevé.
On distingue classiquement trois sous-types pronostiques de cancer du sein :
– HER2+ : mauvais pronostic, compensé par la présence de thérapies ciblées ;
– triple négatifs (HER2-, RO-, RP-) : très mauvais pronostic ;
– RH+ (ou luminaux) : pronostic plus variable, mais globalement de meilleur pronostic.
On considère que le cancer du sein lobulaire est de moins bon pronostic.
La notion selon laquelle les cancers du sein chez les femmes jeunes sont de moins bon pronostic est de plus en plus considérée comme erronée. Quoi qu’il arrive, la patiente n’était pas « jeune » ici.
Les facteurs pronostiques sur les pièces d’anatomopathologie sont les suivants :
– type histologique le plus fréquent : adénocarcinome canalaire infiltrant. Le carcinome lobulaire est de moins bon pronostic ;
– grade histopronostique de Scarff-Bloom-Richardson : en fonction de l’architecture, la présence d’atypies cytonucléaires, le nombre de mitoses au microscope :
• grade I : bien différencié (bon pronostic),
• grade III : indifférencié (mauvais pronostic) ;
– présence de récepteurs hormonaux (aux estrogènes et aux progestatifs) : plutôt bon pronostic ;
– expression de HER2 : mauvais pronostic, mais corrigé par la présence de thérapies ciblées ;
– Ki67 : pourcentage de cellules exprimant Ki67 en immunohistochimie, marqueur de mitose :
• < 10 % : bon pronostic,
• > 20 % : mauvais pronostic ;
– embolies vasculaires et lymphatiques.
Sur la pièce opératoire, l’envahissement ganglionnaire et le caractère complet ou non de la résection seront également à prendre en compte.
Question 6 - Quels examens complémentaires prescrivez-vous pour le bilan d’extension ?
L’IRM cérébrale sera réalisée en cas de point d’appel clinique. À l’ECN, le seul cancer faisant réaliser un bilan d’extension au niveau cérébral de manière systématique est le cancer du poumon.
On ne réalise pas de bilan d’extension avant la chirurgie pour les T1 ou T2 et N0. Ici, la tumeur mesure 6 cm cliniquement, ce qui la classe cT3, il y a donc une indication à réaliser un bilan d’extension avant la chirurgie.
Le bilan d’extension d’un cancer du sein repose encore sur trois modalités possibles d’après l’Institut national du cancer (INCa) :
– radiographie thoracique + échographie hépatique + scintigraphie osseuse ;
– scanner thoraco-abdomino-pelvien + scintigraphie osseuse ;
– TEP-scan.
Note : le scanner thoraco abdomino pelvien remplace depuis longtemps l’écho hépatique et la radio pulmonaire.
Lorsque tous les bilans sont achevés, le type exact de cancer et son étendue sont connus : taille, diffusion ou non au tissu mammaire, atteinte ou non des ganglions et existence ou non de métastases (le plus souvent au niveau du foie, des os ou des poumons).
Le bilan d’extension, réalisé à l’aide d’une tomographie par émission de positons/-tomodensitométrie (TEP-TDM), ne montre pas de métastases à distance.
Question 7 - Concernant les éléments de prise en charge que vous soutiendrez en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) (une ou plusieurs réponses exactes) :
La patiente a de nombreux facteurs de mauvais pronostic, elle doit donc bénéficier d’une chimiothérapie.
Le cancer du sein est RH +, elle recevra donc au moins une hormonothérapie pour une durée supérieure ou égale à 5 ans.
À retenir : tumorectomie → radiothérapie adjuvante.
Le curage d’emblée n’est pas systématique.
Vous préconisez un traitement adjuvant par trastuzumab
Si la patiente n’a pas d’envahissement axillaire sur le bilan préopératoire et bénéficie d’une chimio néoadjuvante, un traitement conservateur en cas de bonne réponse et un ganglion sentinelle sont envisageables.
Le trastuzumab est un anticorps anti-HER2, que l’on utilise dans les tumeurs HER2 +++ ou HER2 ++ avec une FISH montrant une amplification d’HER2.
Voici ci-dessous un petit algorithme que je vous ai concocté pour y voir un peu plus clair concernant la suite des événements dans le cancer du sein.
Il est décidé en RCP d’une séquence de chimiothérapie néoadjuvante de type épirubicine-cyclophosphamide, suivi par du paclitaxel, chirurgie conservatrice (tumorectomie et reconstruction en un temps) avec curage axillaire, suivie d’une radiothérapie du lit tumoral, et, suivant l’envahissement ganglionnaire sur la pièce opératoire, radiothérapie ganglionnaire.
La patiente bénéficiera également d’une hormonothérapie adjuvante (durée minimale de cinq ans).
Question 8 - Concernant le bilan préthérapeutique que vous réalisez chez cette patiente (une ou plusieurs réponses exactes) :
Toujours en préthérapeutique de chimiothérapies potentiellement hépatotoxiques et immunosuppressives.
En préthérapeutique des anthracyclines (cardiotoxiques).
Obligatoire chez une patiente en âge de procréer avant chimiothérapie.
Les molécules ci-dessus ne sont pas pneumotoxiques (à la différence de la bléomycine) et ne nécessitent donc pas d’EFR.
La réalisation d’un audiogramme en préthérapeutique se discute, mais seulement pour le cisplatine.
Le bilan préthérapeutique avant chimiothérapie est de deux types :
– bilan commun à toutes les chimiothérapies :
• bilan biologique standard : numération formule sanguine (NFS), bilan hépatique, ionogramme sanguin, urée, créatinine,
• bilan nutritionnel,
• bilan de comorbidités : sérologies des virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites B et C (VHB, VHC),
• si femme en âge de procréer : hormone chorionique gonadotrope (bêta-hCG) ;
– bilan spécifique selon les chimiothérapies :
• bléomycine → toxicité pulmonaire : EFR et capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO),
• anthracyclines → cardiotoxicité : échographie transthoracique (ETT),
• 5-fluoro-uracile (5-FU) → spasmes coronaires : électrocardiogramme (ECG).
Vous exposez le projet thérapeutique à la patiente, et celle-ci, craintive de « s’injecter du poison », désire que vous lui expliquiez plus à fond les effets bénéfiques et indésirables potentiels de cette chimiothérapie.
Question 9 - Concernant la chimiothérapie que vous proposez à la patiente, vous lui expliquez que (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le paclitaxel est un taxane, donc un poison du fuseau. Il n’agit pas sur l’ADN.
Les anthracyclines (dont l’épirubicine) sont des inhibiteurs de topoïsomérase de type 2 (intercalants, à la différence de l’étoposide).
Il est composé d’une anthracycline (inhibiteur de topoisomérase de type 2), d’un alkylant (cyclophosphamide, dérivé des moutardes azotées) et d’un poison du fuseau (paclitaxel, taxane).
Il s’agit des toxicités communes à toutes les chimiothérapies. Les anthracyclines sont particulièrement alopéciantes.
Attention ! C’est vraiment une question de cours classique sur les classes de chimiothérapies, qu’il faut vraiment connaître sur le bout des doigts.
– antimétabolites : analogues de composés nécessaires au cycle cellulaire, qui s’arrête → apoptose,
• antifolates : méthotrexate, pemetrexed,
• antipyrimidines : 5-fluoro-uracile (5-FU), gemcitabine,
• antipurines : fludarabine ;
– alkylants : incorporation d’un radical méthyl dans l’ADN → mutations et apoptose,
• dérivés des moutardes azotées : cyclophosphamide, ifosfamide,
• sels de platine : cisplatine, oxaliplatine ;
– inhibiteurs de topoisomérase : favorisent des coupures de l’ADN lors de sa réplication → apoptose,
• topoisomérase de type 1 : irinotécan,
• topoisomérase de type 2 :
. intercalants : anthracyclines (épirubicine, doxorubicine…)
. non intercalants : étoposide ;
– poisons du fuseau : bloquent la dynamique du microtubule nécessaire à la mitose → apoptose,
• taxanes (bloquent la dépolymérisation du microtubule) : paclitaxel, docétaxel…,
• vinca-alcaloïdes de pervenche (bloquent la polymérisation du microtubule) : vincristine, vinblastine, vinorelbine… ;
– à part → bléomycine (radiomimétique).
Après 4 cures d’épirubicine-cyclophosphamide, marquées par une neutropénie fébrile lors de la quatrième, puis 12 cures de paclitaxel, la patiente est finalement opérée d’une tumorectomie avec curage axillaire.
L’anatomopathologie sur pièce opératoire montre :
– la présence d’un foyer d’adénocarcinome non spécifique de 3,2 cm avec de nombreux stigmates de nécrose, correspondant à une réponse partielle tumorale. Marges opératoires saines ;
– des caractéristiques immunohistochimiques : RO 40 %, RP 10 %, HER2- ;
– un curage axillaire libre de toute cellule tumorale sur les 12 ganglions analysés.
Question 10 - Concernant la classification TNM correspondant à cette tumeur (une ou plusieurs réponses exactes) :
Question un peu compliquée, sur laquelle vous pouviez facilement réfléchir par élimination.
Type de TNM :
– cTNM : classification clinicoradiologique ;
– pTNM : classification anatomopathologique ;
– ypTNM : classification anatomopathologique après traitement néoadjuvant ;
– usTNM : classification basée sur échographie et échoendoscopie ;
TNM du cancer du sein (simplifiée +++, mais elle est au programme) :
– T :
• T1 : < 2 cm ;
• T2 2-5 cm ;
• T3 : > 5 cm ;
• T4 : envahissement des organes de voisinages,
. T4a : paroi thoracique (à l’exception du grand pectoral),
. T4b : envahissement cutané,
. T4c : T4a + T4b,
. T4d : mastite carcinomateuse ;
– N : envahissement ganglionnaire
– M : M0/M1 si métastatique
La patiente bénéficie d’une radiothérapie mammaire adjuvante, sans radiothérapie ganglionnaire. Il est prévu une hormonothérapie pendant cinq ans, qui est débutée par du tamoxifène, avant d’être relayée par du létrozole (inhibiteur de l’aromatase) à ses 49 ans, en raison de sa ménopause. En raison des arthralgies causées par les inhibiteurs de l’aromatase, ceux-ci doivent être arrêtés précocement, après quatre ans de traitement au total.
Vous réalisez un suivi conjoint entre chirurgien et oncologue médical, puis, après dix ans, la patiente est perdue de vue.
Elle vous reconsulte alors qu’elle a 61 ans. Depuis, elle est suivie pour une hypertension artérielle, traitée par amlodipine. Elle est toujours fumeuse à 25 PA.
Elle vous décrit des douleurs rachidiennes d’horaire inflammatoire durant depuis deux mois environ, associées à une légère anorexie, lui ayant fait perdre 4 kg en un mois (elle pèse maintenant 71 kg). Il n’existe pas de composante neuropathique à sa douleur, et pas de déficit sensitivo-moteur. Les réflexes ostéo-tendineux sont normaux.
Son médecin traitant lui a prescrit de faibles doses de morphine, ce qui la soulage, et a fait réaliser l’élément suivant.
Question 11 - Concernant le tableau de la patiente (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il s’agit d’un effet indésirable connu des inhibiteurs de l’aromatase, mais la perte du pédicule latéral gauche de L2 (vertèbre borgne) est en faveur d’une récidive.
L’aspect de vertèbre borgne est hautement évocateur d’une récidive (envahissement du pédicule latéral).
Nécessaire afin de préciser des lésions rachidiennes et le risque neurologique, discuter une prise en charge chirurgicale…
Vous organisez en effet un TEP-scan afin de réaliser un nouveau bilan d’extension devant cette probable récidive. Toutefois, le suivi d’un cancer du sein repose uniquement sur la mammographie +/- échographie et l’examen clinique.
L’introduction d’un traitement par bisphosphonates se discutera ici après un bilan global, dans le cadre d’une possible maladie osseuse généralisée.
L’aspect de vertèbre borgne est fortement évocateur d’une récidive tumorale.
On doit compléter le bilan par une IRM afin de préciser les lésions rachidiennes, préciser le risque neurologique et discuter d’un geste à visée antalgique (chirurgie, radiothérapie, cimentoplastie…).
On doit également réaliser un bilan d’extension (TEP-scan ou scintigraphie osseuse et scanner thoraco-abdomino-pelvien [TAP]), afin de préciser l’étendue d’une probable récidive, et préciser la lésion à biopsier.
Vous avez fait réaliser une scintigraphie osseuse qui montre l’aspect suivant.

Le scanner TAP confirme les localisations osseuses exclusives, hormis un nodule pulmonaire lobaire supérieur droit.
L’IRM confirme l’attente de L2 et T10, sans risque neurologique immédiat. La patiente est correctement soulagée par ses morphiniques.
Question 12 - Concernant l’examen ci-dessus et la prise en charge que vous proposez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il existe en effet un hypermétabolisme bilatéral en regard des ailes iliaques.
Il s’agit de la vessie, et du produit de contraste accumulé à l’intérieur.
La choline est utilisée dans les TEP-TDM des cancers de la prostate.
Une scintigraphie osseuse nécessite l’injection de technétium 99, à la différence d’un TEP-TDM qui nécessite l’injection de 18-FDG.
La scintigraphie osseuse est un examen simple et parfois plus accessible qu’un TEP-TDM.
Elle repose sur l’injection de bisphosphonates marqués au technétium 99, qui se fixe donc dans les zones où l’activité ostéoclastique est importante, dont les métastases osseuses.
Il est indispensable de réaliser une biopsie chez cette patiente :
– le type est à repréciser à quinze ans du cancer du sein, chez une femme fumeuse avec un nodule pulmonaire… ;
– même en cas de récidive de cancer du sein, certains cancers RH+ récidivent sous la forme de cancers triple négatifs et donc ne nécessitent pas les mêmes traitements.
La biopsie confirme la récidive métastatique d’un cancer du sein RH+, HER2-.
Question 13 - Parmi les éléments suivants, lesquels sont corrélés au pronostic du cancer métastatique de cette patiente :
Un état général altéré (PS2 et plus) est un facteur pronostique péjoratif majeur.
Avec notamment la perte de poids, l’albuminémie.
Il s’agit de facteurs pronostiques communs à tous les cancers métastatiques, qu’il est intéressant de connaître :
– l’état général selon le performans status de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
• 0 : normal,
• 1 : restriction de l’activité mais ambulatoire et capable de travailler,
• 2 : capable de se prendre en charge mais incapable de travailler, alité moins de 50 % du temps diurne,
• 3 : alité > 50 % du temps,
• 4 : grabataire ;
– le statut nutritionnel : en particulier l’albuminémie et la perte de poids ;
– le taux de LDH : marqueur de la nécrose tumorale spontanée, reflet si élevé d’une forte masse tumorale ;
– le nombre de sites métastatiques ;
– certaines localisations sont de mauvais pronostic en particulier :
• cérébrales et méningées,
• péritonéales ;
– et évidemment, le type histologique (réponse ou non aux traitements…).
Vous avez introduit un traitement par palbociclib (inhibiteur de CDK 4/6), associé à une hormonothérapie par fulvestrant. Le traitement est bien toléré, et on observe une réponse partielle de la maladie (diminution en taille de toutes les lésions).
Malheureusement, il existe un an et quatre mois plus tard une récidive, motivant un relais de l’hormonothérapie par une association exémestane (inhibiteur de l’aromatase) et évérolimus (inhibiteur de mTOR).
Celle-ci permet une stabilisation de la maladie pendant huit mois. Une chimiothérapie par capécitabine (Xeloda) est introduite après la progression.
 
À quatre mois de l’introduction de cette chimiothérapie, la patiente reconsulte aux urgences pour majoration de ses douleurs. Elles sont évaluées à 7/10 au niveau rachidien, à hauteur de L2, avec une irradiation dans le membre inférieur gauche. Dans le même temps, l’état général s’est nettement dégradé (elle est maintenant PS3, a perdu 8 kg récemment et pèse maintenant 58 kg).
L’examen clinique montre une abolition des réflexes ostéotendineux de manière bilatérale, et la patiente décrit une anesthésie en selle.
Elle est sous morphine à libération prolongée, 30 mg matin et soir, avec des interdoses à 10 mg, qu’elle prend toutes, associé à du paracétamol.
Question 14 - Concernant le tableau clinique de cette patiente (une ou plusieurs réponses exactes) :
Un syndrome de la queue de cheval est un syndrome neurogène périphérique.
C’est une urgence thérapeutique.
Cette dose de morphine est manifestement inadaptée si la patiente n’est pas soulagée par 60 mg de morphine per os (cf. un tableau simplifié d’équi-analgésie ci-dessous).
Le TEP-scan n’est jamais un examen de l’urgence. Ici, l’urgence est neurologique et il faut préciser les lésions rachidiennes avant de prendre un avis chirurgical.
Le syndrome de la queue de cheval se définit par :
– troubles sphinctériens ;
– anesthésie en selle et déficit sensitivomoteur aux membres inférieurs ;
– abolition des ROT aux membres inférieurs.
Il s’agit d’une urgence thérapeutique devant faire réaliser en urgence une IRM rachidienne.
La prise en charge consiste en :
– corticothérapie forte dose ;
– prise en charge antalgique adaptée ;
– avis neurochirurgical en urgence.
En ce qui concerne l’équi-analgésie, un repère est de toujours se rapporter à 60 mg de morphine per os (ce que prenait la patiente en basal, mais qui ne la soulageait pas) :
– 60 mg morphine per os = 30 mg par voie sous-cutanée (SC) = 20 mg par voie intraveineuse (IV), d’où l’insuffisance des 0,5 mg/h de morphine, soit 12 mg IV/24 h) ;
– 60 mg morphine per os = 30 mg oxycodone per os = 15 mg oxycodone IV ou SC (par convention, morphine IV = oxycodone IV) ;
– 60 mg morphine per os = 8 mg hydromorphone ;
– 60 mg morphine per os = 25 µg/h fentanyl (patch à changer/72 h).
L’IRM confirme la progression tumorale, avec apparition d’une épidurite L2/L3 responsable d’un syndrome de la queue de cheval. Devant le pronostic péjoratif du cancer et les localisations rachidiennes multiples, le neurochirurgien ne retient pas d’indication neurochirurgicale.
Vous annoncez ces éléments à la patiente. Devant son état général altéré et la progression de la maladie, elle vous déclare vouloir arrêter les traitements spécifiques, pour se concentrer un peu plus sur son confort, ce que vous acceptez.
Vous vous orientez donc vers une prise en charge palliative exclusive.
Question 15 - Concernant la suite de la prise en charge de cette patiente (une ou plusieurs réponses exactes) :
La corticothérapie est introduite à visée symptomatique et il est hors de question d’arrêter ce traitement de confort dans l’immédiat.
En effet, une radiothérapie à visée décompressive peut permettre d’améliorer la symptomatologie, favorisant un retour à domicile si possible.
Cette loi de 2005 a été réactualisée par la loi Claeys-Leonetti de 2016.
FAUX ! Les études de soins palliatifs montrent une amélioration de la qualité de vie, de l’état psychologique et même un allongement de l’espérance de vie quand on introduit les soins palliatifs de manière précoce dans la prise en charge d’un patient qui ne guérira pas (majorité des cancers métastatiques). La patiente aurait dû entendre parler de cette notion auparavant !
Si l’état de la patiente, et le niveau de compréhension de l’entourage le permettent, une prise en charge palliative à domicile est évidemment souhaitable.
La loi Claeys-Leonetti de 2016 introduit trois principales notions :
– les directives anticipées deviennent contraignantes pour l’équipe soignante ;
– le droit à la sédation profonde jusqu’au décès ;
– l’arrêt de la nutrition ou de l’hydratation devient possible.

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