Vous êtes interne en réanimation, vous êtes contacté par vos collègues anesthésistes pour donner votre avis au sujet de Mme J., 70 ans, qui est à J3 post-ablation d’un myxome de l’oreillette droite par sternotomie.

L’anesthésiste vous résume rapidement la situation : il s’agissait d’une chirurgie programmée, le myxome ayant été découvert fortuitement à l’occasion d’un premier passage en fibrillation atriale. La patiente n’a pas d’autre antécédent. Elle est d’origine norvégienne, vit en France depuis une quinzaine d’années. Autonome, elle menait une vie complètement normale, et prenait en préopératoire un traitement par Eliquis et Flécaïne. La consultation d’anesthésie ne mentionne rien d’autre hormis une pression artérielle à 90/54 mmHg asymptomatique.

Le déroulement de l’opération a été compliqué d’une hypotension sévère à l’induction ayant nécessité un remplissage vasculaire répété et un support vasopresseur. L’anesthésiste évoque un mécanisme anaphylactique mais le produit responsable lui est inconnu.

Vous êtes appelé car à J3 vos confrères anesthésistes n’arrivent pas à sevrer les amines. La patiente garde une petite dose de noradrénaline à la seringue électrique, et l’hémodynamique se dégrade à chaque tentative de diminution du débit. Le monitorage de l’échographie cardiaque ne montre pas d’altération de la fraction d’éjection du ventricule gauche, la veine cave est fine et subit d’importantes variations respiratoires.
Question 1 - Aux questions que vous vous posez en premier lieu, vous répondez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Toutes les situations ci-dessus sauf l’embolie pulmonaire peuvent conduire à une défaillance circulatoire sans défaillance cardiaque.
La patiente est monodéfaillante circulatoire, son état neurologique est parfait ainsi que son état respiratoire. Elle a été extubée à J1.
La biologie est la suivante : hémoglobine (Hb) = 9,8 g/dL ; réticulocytes = 60 G/L ; volume globulaire moyen (VGM) = 86 fL ; plaquettes = 211 G/L ; leucocytes = 7 G/L ; formule sanguine normale ; natrium (Na) = 130 mmol/L ; potassium (K) = 4,9 mmol/L ; chlore (Cl) = 110 mmol/L ; bicarbonates = 15 mmol/L ; créatinine = 42 µmol/L ; protéine C réactive (CRP) = 1 mg/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 13 U/L, alanine aminotransférase (ALAT) = 20 I/L ; phosphatase alcaline (PAL) = 42 U/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 30 U/L ; lactate déshydrogénase (LDH) =100 U/L ; bilirubine totale normale ; frottis sanguin sans particularité.
Hémocultures négatives en cinq jours, de façon répétée.
Question 2 - Par quel(s) examen(s) conseillez-vous à votre confrère de compléter le bilan ?
Pas systématique devant une anémie non régénérative et en l’absence de saignement extériorisé.
L’association hyponatrémie, hyperkaliémie, anémie centrale, et défaillance hémodynamique fait suspecter une insuffisance surrénalienne aiguë subchronique. Un dosage de cortisol à huit heures permettra d’affiner le diagnostic.
L’échographie cardiaque permet d’évaluer la volémie et d’éliminer une part cardiaque à la défaillance circulatoire, elle fait partie du bilan un peu « systématique » en réanimation.
Le cortisol libre urinaire fait partie des examens permettant de dépister un hypercorticisme et non pas une insuffisance surrénalienne.
Vous évaluez cliniquement la patiente en fin d’après-midi.
Elle vous raconte que, depuis plusieurs mois voire un an, elle manque d’entrain sans pouvoir se l’expliquer. Elle a perdu 2 kg très progressivement. Elle n’a pas noté de franche modification de son appétit. Elle ne se plaint pas de grand-chose d’autre que de ce « manque d’énergie » qu’elle met sur le compte de conflits familiaux.
Vous constatez l’aspect suivant.
Figure (Jeanne de La Rochefoucauld, AP-HP, La Revue du Praticien)
Question 3 - Comment interprétez-vous l’aspect de sa peau (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Il y a un aspect de « bronzage sale » qui ne correspond pas à un bronzage normal mais plutôt à une mélanodermie (surtout chez cette patiente d’origine nordique).
Vous suspectez une insuffisance surrénalienne.
Question 4 - Quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) concernant votre prise en charge immédiate ?
La substitution à la phase aiguë dans un contexte de décompensation est une urgence vitale. Il faut donc injecter de l’hydrocortisone en cas de suspicion (tableau évocateur ou maladie connue) associée à la fludrocortisone, puis relais per os une fois la décompensation stabilisée. La confirmation biologique est indispensable mais ne doit pas retarder le traitement en cas de décompensation : le prélèvement sera donc réalisé immédiatement quelle que soit l’heure (et sera anormal dans le contexte de décompensation) et le traitement débuté sans en attendre les résultats. Le patient doit être porteur d’une carte d’insuffisant surrénalien et être éduqué à l’augmentation des posologies en cas de stress (chirurgie, infection, choc émotionnel), voire au passage à l’hydrocortisone parentérale en cas de voie orale impossible (en cas de vomissements, par exemple).
Le cortisol est très en dessous de la normale, confirmant le diagnostic d’insuffisance surrénalienne. Le dosage d’ACTH est toujours en cours.
Question 5 - Quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) étiologique(s) à ce stade ?
Tumeur de la médullaire surrénalienne qui produit un excès d’adrénaline.
Cause d’insuffisance corticotrope (= centrale).
Peut compliquer l’évolution d’un adénome hypophysaire, par exemple.
Cause fréquente d’insuffisance surrénalienne périphérique.
Cause fréquente d’insuffisance surrénalienne périphérique.
Maladie thyroïdienne, pas de lien avec les surrénales ou l’hypophyse.
À ce stade, la mélanodermie permet d’affirmer qu’il s’agit d’une insuffisance surrénalienne périphérique.
Question 6 - Par quel(s) dosage(s) complétez-vous le bilan étiologique ?
Oui, car hypoglycémie fréquentes en cas de décompensation.
Il s’agit des auto-anticorps anti-21-hydroxylase.
Il s’agit d’une hormone hypothalamique responsable de la sécrétion hypophysaire d’ACTH. Pas besoin de la doser ici, l’ACTH suffit à ce stade.
Ce dosage n’a pas d’intérêt en routine. Il s’agit d’un précurseur protéique de très nombreuses hormones polypeptidiques, dont la production va augmenter en l’absence de rétrocontrôle négatif effectué par le cortisol. Cela va augmenter indirectement la production de mélanine (c’est le même précurseur) et causer la mélanodermie de l’insuffisance surrénalienne chronique périphérique.
Dépistage d’une dysthyroïdie associée (Schmidt).
L’ACTH est augmentée signant l’origine périphérique. Les anticorps anti-21-hydroxylase sont fortement positifs, il s’agit donc d’une maladie d’Addison.
Vous récupérez les dosages d’histamine et tryptase prélevés après le choc survenu en peropératoire, les dosages sont normaux.
Question 7 - Que pensez-vous rétrospectivement de la suspicion de choc anaphylactique (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La nécrose hémorragique est une manifestation qu’on retrouve typiquement dans le syndrome des antiphospholipides (SAPL) ou le purpura fulminans.
Aucun lien.
C’est justement pour éviter ce genre de complication qu’on supplémente les insuffisants surrénaliens et qu’on leur dit d’augmenter les doses en cas de stress.

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