Un patient de 46 ans, éthylo-tabagique chronique, consulte au service d’accueil des urgences devant un prurit intense depuis plusieurs jours.
Il travaillait au SAMU social comme bénévole, mais depuis deux mois n’avait plus été vu à son travail. Il vivait à domicile avec sa mère et son beau-père, éthyliques chroniques également.
Il a déjà eu une pancréatite aiguë alcoolique. Il ne prend pas de médicaments au long cours et n’a pas d’allergie connue.
Les constantes initiales sont les suivantes : pouls = 93 bpm ; tension artérielle = 124/65 mmHg ; saturation pulsée en oxygène (SpO2) = 96 % en air ambiant ; température : 37,5 °C.
L’examen clinique initial met en évidence les lésions ci-dessous, prédominant au niveau du tronc, du dos et des épaules
(figures 1 et 2).
Question 1 - À quoi les lésions observées correspondent-elles ?
Lésions aspécifiques de grattage : leucomélanodermie, hyperkératose, ulcérations/excoriations.
Vous retenez des lésions aspécifiques de grattage.
Question 2 - Devant ce prurit nu, vous évoquez :
Un prurit nu est caractérisé par l’absence de lésions élémentaires.
Les principales causes systémiques de prurit nu sont :
– iatrogènes : médicaments ;
– hémopathies malignes : lymphome, maladie de Vaquez ;
– endocriniennes : dysthyroïdie ;
– infectieuses : virus de l’immunodéficience humaine (VIH), parasitoses (ascaridioses, toxocarose, onchocercose, bilharziose...) ;
– carences : martiale, vitaminiques ;
– autres : insuffisance rénale chronique, cholestase, grossesse, cause psychogène.
De manière générale, toujours évoquer une gale devant un prurit collectif (mais lésions évocatrices : vésicule perlée, sillons/nodule/chancre scabieux dont la topographie est interdigitale, péri-aréolaire, inguinale, génitale, axillaire, poignets, respectant le visage et le dos).
Après réalisation d’un examen clinique complet, comportant l’examen des vêtements, vous remarquez dans les plis de tous ses vêtements, notamment du caleçon, les éléments présentés ci-dessous (figure 3).
Question 3 - Vous retenez comme diagnostic(s) :
Mycoses responsables d’intertrigos, d’onyxis, de teignes et de dermatophytose de la peau glabre (érythème vésiculeux prurigineux d’évolution centrifuge)
Contexte : prurit collectif, contage
Lésions évocatrices : vésicule perlée, sillons/nodule/chancre scabieux
Topographie : espaces interdigitaux, péri-aréolaire, inguinale/génitale, axillaire, poignets, respect du visage et du dos
Filariose dermique transmise par la simulie, en Afrique (99 %), avec atteinte cutanée (« peau de lézard » ou « peau léopard ») et oculaire (« cécité des rivières »)
Maladie des bacs à sable, transmise par consommation de sable contaminé par les déjections canines.
Impasse parasitaire responsable de larva migrans viscéral avec hyperéosinophilie (helminthiase)
Les poux de corps sont à rechercher dans les vêtements (coutures, zones humides, près des plis) et sont rarement visibles sur les patients.
Vous suspectez une pédiculose corporelle.
Question 4 - Votre traitement comporte :
60 °C
Survie des lentes : sept jours
Pas de bénéfice démontré des traitements antiparasitaires systémiques (récidives++)
Il est très important de traiter le patient, son entourage si symptomatique et l’environnement.
Les mesures d’hygiène et de lavage sont progressivement efficaces.
Question 5 - Les mesures associées à mettre en œuvre sont :
Pédiculoses corporelles et gale ne font pas partie des 34 maladies à déclaration obligatoire ; néanmoins une déclaration à l’ARS est effectuée en cas de cas groupés dans un foyer, par exemple
Précautions complémentaires contact
Seules les pédiculoses actives se traitent contrairement à la gale (on ne traite pas les cas contacts asymptomatiques)
Le patient initialement hospitalisé (essentiellement pour des motifs sanitaires et sociaux) évolue favorablement.
Le jour de sa sortie il se plaint de lombalgies hautes.
Question 6 - Quel(s) est(sont) l’(les) élément(s) de gravité à rechercher lors de votre interrogatoire et de votre examen clinique ?
Il s’agit d’un drapeau rouge devant faire rechercher une cause secondaire (et donc un bilan paraclinique) mais pas un signe de gravité
Les trois urgences de la lombalgie sont :
– déficit moteur < 4/5 ;
– syndrome de la queue de cheval ;
– hyperalgique.
=> Réaliser une imagerie en urgence = imagerie par résonance magnétique (IRM) rachidienne.
Attention ! une lombalgie haute (> L2-L3) peut être associée à un syndrome de compression médullaire ou du cône terminal. Un certain nombre de spondylodiscites rachidiennes lombaires basses sont associées à un syndrome pyramidal du fait d’une épidurite associée.
Vous retrouvez une lombalgie haute, élective à la percussion des apophyses vertébrales postérieures thoraciques basses et lombaires hautes. Cette douleur prédomine la nuit, et est calmée lors de la mobilisation au cours de la journée. L’examen du jour retrouve une température à 39,5 °C.
Question 7 -En première intention vous proposez :
Une lombalgie inflammatoire doit faire rechercher une spondylodiscite
L’IRM rachidienne est l’examen de référence à réaliser en première intention devant la suspicion de spondylodiscite aiguë, à réaliser dans les 48-72 heures. Dans l’attente de l’IRM on pourra proposer des radiographies face + profil et/ou un scanner rachidien mais dont la négativité n’exclut pas le diagnostic (anomalies mettent 3-4 semaines pour apparaître : discite puis spondylite habituellement)
Examens de deuxième intention
Stratégie des examens paracliniques au cours du diagnostic des spondylodiscites (référence : Société de pathologie infectieuse de langue française [SPILF]. Recommandations pour la pratique clinique. Spondylodiscites infectieuses primitives, et secondaires à un geste intra-discal, sans mise en place de matériel. Med Mal Infect.2007;37(9):554-72. DOI: https://doi.org/10.1016/j.medmal.2007.03.008).
R7. Il est recommandé, en présence de douleurs rachidiennes de rythme inflammatoire, même en l’absence de fièvre, de réaliser un hémogramme et le dosage de la CRP (Accord professionnel).
R8. Il est fortement recommandé de ne pas doser la procalcitonine en présence de douleurs rachidiennes de rythme inflammatoire (E2).
R9. Il est recommandé de réaliser en présence de douleurs rachidiennes de rythme inflammatoire, fébriles ou non, des radiographies standard, face et profil, centrées sur la zone douloureuse et incluant les articulations sacro-iliaques (B2).
R10. Il est fortement recommandé de réaliser une IRM du rachis dorso-lombaire ou cervical, dans un délai de 48-72 heures même si les radiographies sont normales, pour préciser la localisation et l’importance des lésions (A1).
R11. Il est fortement recommandé de réaliser, en IRM, des séquences sagittales en contraste T1, T2 (si possible avec suppression de graisse) et d’associer une injection de gadolinium pour la détection d’abcès et d’une épidurite, et de réaliser une séquence axiale (A1).
R12. Il est recommandé de refaire une IRM 1 à 2 semaines plus tard si la première IRM faite précocement est normale (B2).
R13. Si l’IRM ne permet pas d’affirmer le caractère infectieux d’une anomalie disco-vertébrale, ou si elle est contre-indiquée, il est recommandé de réaliser un scanner et/ou une scintigraphie osseuse avec tomoscintigraphie (B2).
R14. Il est fortement recommandé, devant des signes neurologiques déficitaires de compression radiculaire ou médullaire, d’installation récente, de réaliser une IRM en urgence, dans un délai de moins de 6 heures (A3).
R15. En cas de traitement antibiotique préalable et en l’absence d’éléments de gravité, notamment sepsis sévère ou signes neurologiques, il est fortement recommandé de réaliser les prélèvements à visée microbiologique à distance d’au moins 2 semaines de l’arrêt de toute antibiothérapie (A3).
R16. Il est fortement recommandé de faire 2 ou 3 hémocultures (culture aérobie et anaérobie), même en l’absence de fièvre (A2).
R17. Il est recommandé de refaire 2 ou 3 hémocultures dans les 4 heures qui suivent la réalisation d’une ponction biopsie disco-vertébrale (B2).
R18. Il est fortement recommandé de placer chaque produit de biopsie et d’aspiration, destiné à l’étude microbiologique, dans un flacon stérile distinct, et de les transporter rapidement au laboratoire en s’assurant que les prélèvements seront ensemensés dans l’heure (A2).
R19. Il est fortement recommandé d’associer aux prélèvements à visée microbiologique, des prélèvements à visée histologique, en particulier pour rechercher une spondylodiscite tuberculeuse, aspergillaire ou à Candida, et pour écarter une étiologie non infectieuse (dégénérative, tumorale ou microcristalline) [A2].
R20. En l’absence d’autre étiologie, il est recommandé d’effectuer la recherche d’anticorps spécifiques pour Brucella sp, Coxiella burnetii, et Bartonella henselae (B3).
R21. Il est fortement recommandé de recourir à la ponction-biopsie disco-vertébrale (PBDV) lorsque les hémocultures ne permettent pas l’identification formelle du micro-organisme responsable (A2).
R22. Il est fortement recommandé de recourir à la PBDV devant toute suspicion de spondylodiscite après chirurgie intradiscale, les hémocultures étant presque toujours négatives (A2).
R23. Il est fortement recommandé de recourir à la PBDV quand, malgré une documentation microbiologique initiale par hémocultures ou ponction d’abcès, et un traitement anti-infectieux adapté, l’évolution n’est pas favorable (B3).
R24. Il est fortement recommandé de réaliser la PBDV dans des conditions chirurgicales, notamment en respectant les mesures de préparation cutanée de l’opéré (A2).
R25. Il est fortement recommandé de réaliser la PBDV à l’aide d’un trocart > 18 Gauge, sous contrôle fluoroscopique ou scanner (Accord professionnel).
R26. Il est fortement recommandé, sauf impossibilité technique, lors de la réalisation d’une PBDV, d’effectuer 6 prélèvements dont au moins 3 prélèvements osseux (plateau vertébral supérieur et plateau vertébral inférieur) et 3 prélèvements de disque, le dernier geste de la PBDV consistant en un rinçage de l’espace discal à l’aide de sérum physiologique, réaspiré pour analyse bactériologique (Accord professionnel).
R27. Il est fortement recommandé d’adresser les prélèvements de PBDV pour analyse microbiologique (1 prélèvement du plateau vertébral supérieur, du plateau vertébral inférieur et un prélèvement du disque), 1 prélèvement pour congélation à -20 °C et réalisation ultérieure éventuelle d’une PCR, et pour analyse anatomo-pathologique (1 prélèvement osseux et 1 prélèvement du disque) [A3].
R28. En présence de signes neurologiques ou d’un abcès épidural compressif, il est fortement recommandé, devant une forte suspicion de spondylodiscite, d’avoir recours à la biopsie chirurgicale, en première intention (A2).
Question 8 - Devant cette lombalgie aiguë fébrile, vous évoquez :
Ne donne pas de fièvre
Douleurs osseuses, déformation hypertrophique, hyperhémie cutanée en regard des lésions osseuses, état général toujours conservé. Absence d’hyperthermie
L’ostéoporose n’est douloureuse que lorsque surviennent des fractures, spontanées ou lors de traumatismes minimes
PPRST : Poumon, Prostate, Rein, Sein, Thyroïde. À évoquer de manière générale devant des lombalgies inflammatoires, avec altération de l’état général. Justifie l’envoi de la biopsie en anatomopathologie en cas de biopsie disco-vertébrale. Dans le contexte l’hypothèse infectieuse reste la première
Vous réalisez des hémocultures. Le bilan inflammatoire retrouve une CRP à 234 mg/L, associée à une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (PNN) [GB : 21 000/mm3, PNN : 15 000/mm3].
Une imagerie est réalisée, présentée ci-dessous (figure 4) :
Question 9. Il s’agit de :
La séquence injectée s’observe en T1
Séquence T2 (LCR en hypersignal) avec effacement de l’hypersignal des graisses
Liquide céphalo-rachidien (LCR) en hyposignal en T1
Séquence T2 avec inversion du signal du LCR qui apparaît en hyposignal (versus hypersignal en T2 standard)
Voici une séquence d’IRM séquence T2 STIR, puis T1 avec injection de gadolinium (figures 4 et 5).
Question 10 - Sur l’IRM précédente vous retrouvez:
L’IRM réalisée retrouve :
– épaississement des parties molles prérachidiennes en regard de T12/L1 ;
– présence d’un hypersignal STIR, hyposignal T1, se rehaussant après injection du plateau supérieur de L1 et du plateau inférieur de T12, en miroir associé à un abcès du muscle psoas gauche mesurant 10 x 11 mm dans un plan axial et près de 3 cm de hauteur ;
– présence d’une épidurite infectieuse millimétrique prédominant en région paramédiane et foraminale gauche venant au contact du sac dural et probable retentissement sur la racine T12 gauche dans sa portion foraminale ;
– absence d’anomalie formelle de signal du disque T12-L1 ;
– pas d’anomalie de signal visible du cône terminal et des racines de la queue de cheval ;
– deuxième foyer de spondylodiscite débutante sur le versant postérieur en T10/T11 avec rehaussement disco-vertébral, ainsi que spondylite très localisée du plateau inférieur de L3 ;
– pas de sténose foraminale ou anomalie discale significative visible aux étages sous-jacents (déformation sinueuse de l’espace intersomatique L2-L3 d’allure ancienne).
Les hémocultures reviennent positives. Deux paires d’hémocultures retrouvent des cocci à Gram positif en amas.
Question 11 - Vous suspectez une :
Cocci à Gram positif en amas
Cocci à Gram positif en amas
Cocci à Gram positif en chaînette
Cocci à Gram positif, plutôt en diplocoque ou chaînette courte au direct
Dans ce contexte de spondylodiscite on ne peut suspecter une contamination des prélèvements en premier lieu. L’hypothèse la plus probante reste le Staphylococcus aureus du fait de sa pathogénicité.
Concernant les hémocultures, une hémoculture à bactérie pathogène stricte suffit (Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitis, entérocoques, bacilles à Gram négatif, levures...) et nécessite une antibiothérapie rapide. Pour les bactéries commensales de la flore cutanée peu pathogènes (Staphylococci spp. coagulase négatifs, par exemple) il en faudra au moins deux.
L’identification du micro-organisme retrouve un Staphylococcus aureus sensible à la méticilline.
Question 12 - Vous complétez les explorations par :
Biopsie osseuse : en cas de non-documentation bactérienne (geste invasif) – à programmer à l’admission dans l’attente des résultats des hémocultures pour ne pas perdre de temps
En cas de suspicion d’endocardite l’ETO est nécessaire (y compris en cas d’anomalie à l’ETT) sauf en cas de :
– faible probabilité diagnostique et ETT normale ;
– endocardite du cœur droit objectivée à l’ETT avec très bonne visualisation des valves.
En cas de négativité ETT/ETO et de suspicion d’endocardite, elles seront répétées à J5-J7 de la première exploration
Nécessité de rechercher des foyers infectieux secondaires. À compléter par une IRM cérébrale dans le cadre du bilan d’endocardite : recherche d’abcès et d’anévrysmes mycotiques
Le TEP-scan ne fait pas partie du bilan de spondylodiscite ni d’endocardite.
Exception : endocardite sur valve prothétique ou sonde de pacemaker (mauvaise sensibilité de l’échographie cardiaque, examen validé dans les recommandations ESC 2015 des endocardites)
Elle permet de contrôler la bonne réponse à l’antibiothérapie
Bilan d’une spondylodiscite = rechercher l’endocardite infectieuse et les localisations septiques secondaires (contamination hématogène, foyers autres probables) + la porte d’entrée.
Question 13 - Dans cette situation vous décidez de débuter un traitement par :
Indication à débuter une antibiothérapie (en urgence) au cours des infections ostéo-articulaires :
– sepsis/choc septique ;
– bactériémie associée ;
– arthrite septique aiguë (pronostic fonctionnel).
Le traitement probabiliste lorsqu’il est indiqué pour les infections osseuses communautaires cible Staphylococcus aureus sensible à la méticilline : oxacilline (pénicilline M) + aminoside (gentamicine). Il sera initialement débuté par voie intraveineuse.
Lorsqu’il s’agit d’une infection sur matériel d’ostéosynthèse, une bithérapie couvre les cocci à Gram positif dont le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) et les entérobactéries : vancomycine + C3G ou vancomycine + pipéracilline/tazobactam.
Question 14 - La (les) mesure(s) associée(s) à cette antibiothérapie est (sont) :
Impératif dans l’attente du corset et de l’évaluation neurochirurgicale (stabilité ? risque de compression ?)
La kinésithérapie sera fonction de la hauteur vertébrale d’atteinte, initialement avec corset
Question 15 - Le(s) antibiotique(s) de relais adaptée(s) du fait de leur excellente ou bonne diffusion osseuse, sous réserve de la sensibilité du Staphylococcus aureus pourrai(en)t être :
Antibiothérapies à bonne diffusion osseuse : clindamycine, cyclines, acide fusidique, rifampicine, fluoroquinolones.
L’antibiothérapie de référence des infections osseuses à Staphylococcus aureus est l’association fluoroquinolone + rifampicine lorsqu’il est sensible à ces molécules (hors programme).
Antibiothérapie ayant une excellente biodisponibilité (pas d’intérêt de la voie intraveineuse versus per os hors iléus/malabsorption) : fluoroquinolone, cotrimoxazole, sulfamides, métronidazole, cyclines.