De garde dans un hôpital général, vous examinez M.J., patient de 23 ans, qui consulte avec sa compagne pour une douleur et un gonflement du scrotum droit.

Il n’a aucun antécédent médical, ne prend aucun médicament, n’a aucune allergie. Il fume environ 10 cigarettes par jour et occasionnellement du cannabis. Pas de consommation régulière d’alcool.

M. J. est venu en marchant. Il vous précise que cette douleur est apparue brutalement il y a 2 heures alors qu’il faisait du vélo. Il n’y a pas eu de traumatisme, il n’a pas d’autre plainte fonctionnelle en dehors de quelques nausées.

Concernant sa vie sexuelle, il a des rapports non protégés réguliers avec sa compagne.

Ses paramètres vitaux sont les suivants : tension artérielle (TA) 120/65 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) : 95bpm ; saturation en oxygène (SaO2) : 98% en air ambiant (AA) ; température : 37,5°C ; échelle visuelle analogique (EVA) : 5/10.

L’abdomen est souple et indolore, les bruits hydro-aériques sont conservés.

M. J. n’a pas d’écoulement au niveau de la verge.

Le testicule gauche est atrophique, indolore, le cordon spermatique et l’épididyme sont palpables et sans particularité.

La bourse droite est augmentée de volume, douloureuse, opaque à l’épreuve de transillumination.

Le testicule droit est douloureux, non soulagé par la surélévation. L’épididyme est bien individualisé du testicule, séparé par un sillon.

Le canal spermatique est libre, le volume testiculaire n’est pas augmenté par les efforts de poussée.
Question n°1. À ce stade de l’examen, vous envisagez comme hypothèse(s) diagnostique(s) :
Diagnostic à évoquer devant toute douleur testiculaire aiguë du fait de la nécessité d’une prise en charge chirurgicale urgente compte tenu du risque de nécrose testiculaire, et aussi du fait de l’argument de fréquence. Enfin, la négativité du test de surélévation testiculaire est un petit argument supplémentaire en faveur de ce diagnostic
Dans le cas de l’hydrocèle vaginale le test de transillumination aurait été positif
La préservation du sillon entre l’épididyme et le testicule (signe de Chevassu) est en faveur d’une atteinte testiculaire isolée
La préservation du sillon entre l’épididyme et le testicule (signe de Chevassu) est en faveur d’une atteinte testiculaire isolée
Éliminée par la normalité de l’examen de l’orifice herniaire
La bandelette urinaire retrouve des traces de leucocytes et de protéines, sans autre anomalie.
Vous palpez un nodule testiculaire douloureux d’environ 25 mm.
M. J. vous précise qu’il palpe ce nodule depuis 2 semaines et qu’il semble grossir rapidement.
Question n°2. A ce stade de l'examen, vous envisagez comme hypothèse diagnostique :
Déjà éliminée précédemment
À ce stade, l’existence d’un syndrome tumoral évolutif (nodule de taille croissante) et palpable rend l’hypothèse d’une tumeur testiculaire la plus probable (par rapport à une torsion du cordon spermatique). Les douleurs testiculaires sont le plus souvent expliquées par une hémorragie intra-tumorale.
Par ailleurs, la palpation d’un testicule controlatéral atrophique augmente la probabilité d’une tumeur germinale chez ce patient.
L’apyrexie du patient, l’absence d’urétrite isolée et la négativité de la bandelette urinaire pour les nitrites et le faible taux de leucocytes, sont peu en faveur d’une orchite éventuellement compliquée d’un abcès, chez un patient par ailleurs peu à risque compte tenu des données de son activité sexuelle.
Vous recevez le bilan suivant :
– sodium : 140 mmol/L ; potassium : 3,9 mmol/L ; chlorure : 105 mmol/L ; bicarbonates : 24 mmol/L ; calcium : 2,3 mmol/L ; phosphore : 1,0 mmol/L ;
– créatinine : 60 mmol/L ; débit de filtration glomérulaire (DFG) : 120 mL/min ;
– leucocytes : 8,0 G/L, dont polynucléaires neutrophiles (PNN) : 6,0 G/L ; lymphocytes 1,8 G/L ; hémoglobine 14,5 g/dL ; plaquettes 280 G/L ;
– taux de prothrombine : 95% ; temps de céphaline activé : ratio 1,0.
Vous disposez d’un plateau technique avec un radiologue de garde sur place et d’un urologue.
Question n°3. Vous réalisez comme exploration(s) en urgence:
Non indiquée
Voir infra
À proscrire dans ce contexte de nodule testiculaire palpable
Non indiqué en urgence et incomplet si prescrit dans l’objectif d’un bilan d’extension
Voir infra
La torsion du cordon spermatique étant cliniquement peu probable, l’exploration chirurgicale n’est pas nécessaire.
Attention ! au moindre doute, elle devra être réalisée, mais avec une voie d’abord inguinale compte tenu de la palpation d’un nodule testiculaire.
Si l’échographie testiculaire est peu rentable pour affirmer ou éliminer le diagnostic de torsion du cordon spermatique, elle apporte le diagnostic positif du nodule palpé (rendant d’autant moins probable la torsion du cordon spermatique) et va permettre de le caractériser morphologiquement.
Question n°4. Vous prescrivez les examens suivants :
Bandelette urinaire négative (seulement quelques traces de leucocytes, pas de nitrites).
LDH, AFP et HCG totale sont les trois marqueurs indispensables à doser face au diagnostic d’une tumeur testiculaire.
L’ECBUu et la sérologie Chlamydia sont futiles en l’absence de contexte infectieux.
Pour mémoire, vous possédez le bilan suivant :
– sodium : 140mmol/L ; potassium : 3,9mmol/L ; chlorure : 105mmol/L ; bicarbonates : 24mmol/L ; calcium : 2,3mmol/L ; phosphore : 1,0mmol/L ;
– créatinine : 60mmol/L, DFG : 120mL/min ;
– leucocytes : 8,0 G/L, dont PNN : 6,0G/L ; lymphocytes 1,8G/L ; hémoglobine 14,5g/dL ; plaquettes 280G/L ;
– taux de prothrombine : 95%, temps de céphaline activé, ratio 1,0.
Vous recevez les éléments suivants :
– LDH : 400UI/L (n < 125UI/L) ; AFP : 30000UI/L (n < 10UI/L) ; HCG totale : 3UI/L (n < 5UI/L) ;
– échographie testiculaire droite : image nodulaire hétérogène du testicule droit avec calcifications mesurant 24mm par 20mm, atrophie testiculaire sous-jacente, testicule controlatéral atrophique.
Question n°5. Vous évoquez comme diagnostic(s) :
Éliminé par l’élévation de l’AFP, qui traduit la présence de carcinome embryonnaire
Déjà éliminée précédemment
Oui, l’élévation de l’AFP, qui traduit la présence de carcinome embryonnaire et l’aspect hétérogène du nodule à l’échographie confortent ce diagnostic
L’élévation des LDH est aspécifique. Aucun autre élément du syndrome de lyse tumorale n’est présent ici (hypocalcémie, hyperphosphatémie, hyperkaliémie, hyperuricémie)
Éliminé par l’élévation de l’AFP, qui traduit la présence de carcinome embryonnaire
Les tumeurs testiculaires sont divisées en tumeurs germinales (tumeurs originaires des cellules germinales donnant initiant la spermatogénèse) et tumeurs non germinales (tumeurs originaires du parenchyme testiculaire).
Les tumeurs germinales sont les plus fréquentes.
Parmi ces dernières on distingue :
- Les séminomes (prolifération de cellules germinales)
- Les TGNS:
- composées de séminome
- mais aussi de tissus issus d’un développement embryonnaire pathologique :
 - carcinome embryonnaire (sécrétant de l’AFP)
 - tumeur vitelline (sécrétant de l’AFP)
 - choriocarcinome (sécrétant de l’HCG)
 - tératome
NB : la présence d’un seul de ces contingents à l’examen anatomopathologique suffit à classer la tumeur en TGNS.
Ainsi, l’élévation de l’AFP ou des HCG doit faire suspecter une TGNS.
L’élévation des LDH n’est pas spécifique et peut être observée dans les séminomes.
Question n°6. Vous réalisez comme explorations complémentaires :
Le diagnostic de TGNS étant quasi certain il est maintenant nécessaire de réaliser le bilan d’extension de la maladie. Seul le TDM-TAP est requis en première intention.
La biopsie du nodule testiculaire est à proscrire compte tenu du risque de dissémination métastatique.
Le TEP-scan n’est pas indiqué dans le bilan d’extension des TGNS, d’autant plus que les zones de tératome ne fixent pas le 18-FDG.
Vous recevez les images clés du scanner :
Question n°7. Vous identifiez sur ce scanner :
Non, d’autant plus que la fenêtre parenchymateuse n’est pas idéale pour examiner le péricarde
Aspect typique de lâcher de ballons pulmonaire associé à une infiltration des aires ganglionnaires lombo-aortiques.
Une orchidectomie droite a été réalisée. L’examen anatomo-pathologique confirme le diagnostic de TGNS composée de tératome et de carcinome embryonnaire.
L’IRM cérébrale réalisée en complément est normale.
La réunion de concertation pluridisciplinaire propose la réalisation d’une chimiothérapie par bléomycine, étoposide et cisplatine (BEP) dans les plus brefs délais.
Question n°8. Vous faites réaliser rapidement :
En vue du centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS)
À refaire avant la chimiothérapie. Le suivi des marqueurs est indispensable pour suivre la réponse tumorale à chaque cure et évaluer la chimiosensibilité de la maladie. En cas de maladie peu chimiosensible le traitement sera renforcé 
Inutile
Indispensable avant la prescription de la bléomycine dont le risque majeur est la pneumonite médicamenteuse (10% des cas), parfois fatale (10% des cas de pneumonite). Le suivi des EFR permet d’en faire le diagnostic précoce et d’interrompre l’administration de la bléomycine 
Indispensable à la prise en charge de ce patient qui a plus de 50% de chances d’être guéri 
Vous recevez les résultats suivants :
Question n°9. Vous diagnostiquez :
Question n°10. Avant de débuter le traitement (polychimiothérapie associant bléomycine, étoposide et cisplatine), vous expliquez à M.F. les points suivants :
Ici le patient est dans le pic d’incidence des TGNS. Aucun syndrome de prédisposition familiale aux TGNS n’a été décrit 
Oui, ototoxicité du cisplatine
Oui, néphrotoxicité du cisplatine
Pour en finir avec les toxicités du BEP, il existe une neuropathie liée au cisplatine, ainsi qu’un risque accru de leucémie et de syndrome myélodysplasique lié à l’utilisation de l’étoposide.
Question n°11. En prophylaxie primaire des nausées et vomissements aigus chimio-induits vous prescrivez :
Non, les benzodiazépines sont indiquées dans le traitement des vomissements anticipatoires
Non, il est utilisé en traitement des nausées/vomissements, pas en prophylaxie
L’association contient du cisplatine, drogue hautement émétisante.
On utilisera donc l’association corticoïdes, sétron et anti-NK1 (aprépitant, par exemple).
Vous réalisez la chimiothérapie sur un cathéter central sous-clavier gauche qui restera en place pour l’ensemble des cures (4 à 5 selon la réponse tumorale).
M.F.retourne chez lui après réalisation de sa première cure de chimiothérapie. Les premiers jours sont marqués par quelques vomissements.
Dix jours après le début de la cure, M.F.consulte en urgence car il présente un gonflement du bras gauche, blanc, mais douloureux.
Il n’y a pas d’autre signe fonctionnel, en particulier pas de frissons.
Le point de ponction cutané du cathéter central est fibrineux, inflammatoire, sans écoulement, indolore.
Le reste de l’examen clinique est sans particularité.
Les paramètres vitaux sont les suivants : TA : 140/95 mmHg ; FC : 95 bpm ; température : 37,7°C, SaO2 : 98% en AA ; fréquence respiratoire (FR) : 16 cpm.
Poids : 70 kg pour 1,85m.
Son bilan de surveillance datant de 48 heures montre : leucocytes : 0,8 G/L dont PNN 0,3G/L ; hémoglobine : 10g/dL ; plaquettes :100G/L.
Créatinine sanguine : 60 mmol/L
Question n°12. Vous complétez votre examen par :
Pas d’argument pour une embolie pulmonaire associée (pas de dyspnée ni de douleur thoracique)
Pour affirmer la thrombose du cathéter et en mesurer l’étendue
Plus de 50% des thromboses de voies veineuses centrales sont associées à une infection du cathéter central.
Les hémocultures ont donc leur place ici, d’autant plus que le patient est neutropénique.
L’échographie Doppler confirme rapidement le diagnostic de thrombose du cathéter central étendu à la veine axillaire, à la veine brachiale et à la veine basilique sur 3 cm.
Question n°13. Vous prescrivez en urgence :
Le patient présente une thrombose du cathéter central, l’anticoagulation efficace est requise. La fonction rénale permet l’utilisation d’une héparine de bas poids moléculaire (HBPM).
Les antibiotiques ne sont pas indiqués ici. Le patient est neutropénique (PNN<500/mm3), mais pas fébrile.
Définition de la neutropénie fébrile = fièvre> 38,2°C 1 fois ou > ou = 38°C à deux reprises (au moins 1 heure d’intervalle).
Pas d’argument pour une thrombophlébite suppurée ou une infection du cathéter imposant le retrait en urgence. L’aspect fibrineux et inflammatoire du point de ponction cutané du cathéter n’est pas spécifique.
48 heures plus tard vous recevez un appel de la bactériologie. Un flacon d’hémoculture prélevé en périphérie est positif en 22 heures à cocci à Gram + en amas non encore spécifié.
M.F. est apyrétique, le diamètre de son bras a diminué mais reste encore augmenté par rapport au bras controlatéral.
Sa dernière numération-formule sanguine (NFS) retrouve : leucocytes : 1,4G/L dont PNN 0,6 G/L ; monocytes : 0,4 G/L ; Hb : 10 g/dL ; plaquettes : 120 G/L.
Question n°14. Votre prescription du jour comporte :
L’hémoculture positive est très probablement une contamination car :
– un seul flacon est positif ;
– le temps de pousse est élevé (± 20heures) ;
– l’examen direct est compatible avec un staphylocoque, germe cutané.
De plus, le patient va mieux sous traitement médical de la thrombose.
Pas d’indication, cette fois non plus, aux antibiotiques.
Pas d’argument pour une thrombophlébite suppurée ou une infection du cathéter imposant le retrait en urgence.
Les anticoagulants sont à poursuivre au moins trois mois, davantage si lea cathéter reste en place.
Vous recevez M.F. six mois plus tard. Il a reçu au total 4cures de chimiothérapie de type BEP et a eu une chirurgie des masses résiduelles : résection wedge de 3nodules pulmonaires et curage lombo-aortique étendu.
L’examen anatomopathologique des pièces opératoires ne retrouvait que de la nécrose tumorale.
Question n°15. Vous annoncez à M. F.:
M.F. est en rémission, on ne parlera de guérison qu’après 5 ans de surveillance sans rechute. Les rechutes sont fréquentes dans les TGNS et surviennent principalement dans les 18 premiers mois.
M.F. est en rémission, on ne parlera de guérison qu’après 5 ans de surveillance sans rechute. Les rechutes sont fréquentes dans les TGNS et surviennent principalement dans les 18 premiers mois.
Du fait de la polychimiothérapie, le risque de second cancer est augmenté chez ce patient. 
Du fait de la polychimiothérapie, le risque de second cancer est augmenté chez ce patient. Le sevrage tabagique est donc important chez ce patient

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