Les épices peuvent-elles interagir avec les médicaments ?
Certaines épices contiennent des substances susceptibles d’interagir avec les médicaments, pouvant inhiber l’action ou au contraire agir en synergie d’un traitement. Plusieurs épices ont fait l’objet d’études montrant des interactions médicamenteuses in vitro ou chez l’animal, mais à des fortes doses, dans des conditions qui ne permettent pas d’extrapoler ces résultats à une utilisation culinaire.
Ainsi, le curcuma pourrait théoriquement réduire l’efficacité de médicaments anticancéreux : tamoxifène, cyclophosphamide, camptothécine. De même, le gingembre peut modifier la concentration sanguine de certains immunosuppresseurs (tacrolimus, cyclosporine). Pour autant, l’éviction des épices en raison de ces interactions potentielles n’est pas indiquée dans les recommandations nutritionnelles pour les patients atteints de cancer. Et, même avec certains de ces médicaments, d’importantes consommations alimentaires de gingembre et de curcuma peuvent être maintenues au cas par cas après évaluation.
Si les recommandations conseillent d’éviter la cuisine épicée en cours ou après une radiothérapie, c’est pour des raisons de confort, notamment en cas de mucite, et cela concerne surtout la nourriture fortement épicée. Pour le reste, les recos alimentaires en cas de cancer vont dans le sens de cuisiner avec des épices (en quantité modérée) pour se faire plaisir en ajoutant de la saveur aux plats.
Au-delà des cancers, plusieurs épices (gingembre, curcuma, fenugrec, cannelle, clou de girofle) pourraient interagir avec des anticoagulants. Des interactions sont également possibles avec des antidiabétiques (fenugrec, gingembre, cumin), mais aussi des antihypertenseurs, des antibiotiques, des benzodiazépines… Le site drugs.com permet de rechercher les potentielles interactions entre épices et médicaments, ainsi que leur intensité supposée. Mais, là encore, ces possibles interactions se fondent sur des données in vitro ou animales et ne sont pas observées lorsque ces épices sont utilisées comme condiments.
Attention cependant : en phytothérapie, l’emploi de certaines épices à haute dose comme compléments alimentaires peut causer des interactions médicamenteuses potentielles mortelles. La consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma a par exemple donné lieu à de nombreux cas d’hépatites, et l’Anses la déconseille aux personnes atteintes de maladie des voies biliaires, comme le rapporte un récent article des Cahiers de nutrition et de diététique. La cannelle aussi peut être associée à des effets indésirables significatifs en cas d’usage médicinal à haute dose ou de longue durée, d’après une revue systématique qui appelle à un suivi clinique de cette complémentation – il faut pour cela que les patients en informent leur médecin. Cela reste rare : en effet, selon l'article précédemment cité, jusqu’à 77 % des patients ne révèlent pas le recours aux médecines complémentaires ou alternatives à leur médecin généraliste, en partie par peur de leur réaction.
En conclusion : pas de crainte lorsque les épices sont utilisées comme assaisonnement dans un cadre alimentaire classique – mais il convient d’être prudent face à une utilisation à forte dose, notamment comme compléments alimentaires en phytothérapie.
 
Références :
Halil I. Why eating too much ginger, turmeric or cinnamon could interfere with your prescription medicationThe Conversation 9 mai 2025.
Pour en savoir plus :
Boissiere C, Francois E, Vabret E, et al. Spice-drug interactions: a case report on the use of turmeric, curry and ginger in a renal transplant patient on tacrolimusEur J Hosp Pharm 2023;16;31(1):68-9.
Hajimonfarednejad M, Ostovar M, Raee MJ, et al. Cinnamon: A systematic review of adverse events. Clin Nutr 2019;38(2):594-602.

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