Mme G. arrive aux urgences obstétricales pour douleur abdominale intense d’apparition brutale il y a une heure et métrorragies abondantes concomitantes.

Il s’agit d’une patiente âgée de 36 ans, primigeste, sans antécédent notable, enceinte (trente et une semaines d’aménorrhée [SA]).

À l’arrivée, ses constantes sont les suivantes : pression artérielle (PA) = 170/100 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 120 bpm.

Bandelette urinaire (BU) : protéines ++, leucocytes +, nitrites -, sang +++, cétones -.
Question 1 - Quel est le diagnostic que vous évoquez en priorité ?
C’est le diagnostic à avoir en tête en premier par ordre de gravité et de fréquence dans ce tableau clinique.
Les facteurs de risque d’HRP sont d’ordre :
– vasculaire et placentaire : prééclampsie avec notamment HELLP syndrome, hypertension artérielle (chronique et gravidique), tabac, cocaïne.
– mécaniques : rupture prématurée des membranes, primiparité et âge supérieur à 35 ans (tableau ci-dessous).
Tableau 1 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
La sage-femme ne parvient pas à capter le cœur fœtal au monitoring et vous appelle afin de réaliser une échographie. Vous diagnostiquez une mort fœtale in utero avec un hématome rétro-placentaire constitué. Vous décidez de passer la patiente en salle de naissance et de déclencher le travail. À l’examen clinique, Mme G. a un col long, tonique, postérieur, une pulpe à l’orifice externe et le fœtus est en présentation céphalique.
Question 2 - Que prescrivez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
C’est le bilan vasculo-rénal que l’on prescrit en surveillance de toutes les pathologies vasculo-placentaires. On est à la recherche d’un HELLP syndrome, d’une CIVD ou d’une insuffisance rénale aiguë, principales complications de la prééclampsie, de l’hématome rétro-placentaire ou du syndrome en miroir après une mort fœtale in utero.
À l’entrée en salle de naissance, dans l’éventualité de la nécessité d’une transfusion en urgence dans le contexte de majoration des métrorragies, de CIVD ou d’hémorragie du post-partum.
L’hypothèse diagnostique ici n’est pas la pancréatite aiguë.
Le sulfate de magnésium en obstétrique a deux indications :
– à visée de neuroprotection maternelle si éclampsie ou prééclampsie sévère avec signes neurologiques ;
– à visée de neuroprotection fœtale avant 32 SA la plupart du temps si accouchement imminent.
 
Figure 1 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

Cette image échographique d’un hématome rétro-placentaire typique met en évidence :
– une collection hypoéchogène ou anéchogène entre le placenta et l’utérus ;
– un épaississement du myomètre sous-jacent, parfois hyperéchogène si un caillot s’est formé ;
– un décollement placentaire partiel ou total selon la sévérité ;
– une absence ou diminution du flux sanguin au Doppler dans la zone de l’hématome.
Les premiers résultats du bilan biologique prescrit à l’arrivée de Mme G. objectivent : hémoglobine = 11 g/dL ; plaquettes = 100 G/L ; taux de prothrombine (TP) = 92 % ; temps de céphaline activée (TCA) = 1,10 ; fibrinogène = 2 g/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 26 UI/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 24 UI.
La pression artérielle de Mme G. est à 165/95 mmHg et sa fréquence cardiaque à 110 bpm.
Question 3 - Quelle va être la suite de la prise en charge en salle de naissance (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Il y a effectivement une indication à surveiller la tocométrie mais certainement pas le rythme cardiaque fœtal dans un contexte de mort fœtale in utero.
Les cibles tensionnelles recommandées sont : pression artérielle systolique (PAS) 140 mmHg et pression artérielle diastolique (PAD) 90 mmHg.
L’objectif de la recherche de streptocoque B à six mois et de l’antibioprophylaxie pendant le travail est la prévention de l’infection materno-fœtale. Ce n’est pas non plus nécessaire dans un contexte de mort fœtale in utero.
On est à la recherche d’un HELLP syndrome, d’une CIVD ou d’une insuffisance rénale aiguë, principales complications de la prééclampsie, de l’hématome rétro-placentaire ou du syndrome en miroir après une mort fœtale in utero.
Le seuil généralement retenu pour la contre-indication à l’analgésie péridurale est un taux de plaquettes inférieur à 70 G/L.
Six heures après le passage en salle de naissance, Mme G. est toujours hypertendue à 170/110 mmHg, elle est asymptomatique par ailleurs. Le bilan biologique est le suivant : hémoglobine = 9,8 g/dL ; plaquettes = 60 G/L ; TP = 54 % ; TCA = 1,25 ; fibrinogène = 0,8 g/L ; haptoglobine indosable ; ASAT = 26 UI/L ; ALAT = 24 UI/L ; rapport P/C = 50 mg/mmol ; D-dimères = 2 500 µg/L.
Sur le partogramme, Mme G. a un col effacé, ouvert à deux doigts, la poche des eaux a été rompue artificiellement et elle en est à son deuxième comprimé de misoprostol.
Question 4 - Quel est votre diagnostic et votre prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La CIVD se définit par une thrombopénie associée à des troubles de la coagulation (TP bas et TCA allongé) avec des D-dimères augmentés.
L’association prééclampsie et CIVD fait passer le seuil de sévérité.
Le bilan biologique s’est effectivement dégradé mais Mme G. n’est pas à risque immédiat et il est possible de continuer la surveillance du travail. Un accouchement par voie basse notamment dans un contexte de CIVD est préférable. En effet, les troubles de la coagulation rendront difficile l’hémostase peropératoire.
La recommandation commune SFAR-CNGOF (Société française d’anesthésie et de réanimation et Collège national des gynécologues et obstétriciens français) différencie les facteurs de sévérité et les facteurs de gravité dans la prééclampsie (tableau ci-dessous).
Tableau 2 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
On vous appelle dans la salle de travail car Mme G. a saigné brutalement, le saignement persiste à votre arrivée et vous estimez les pertes à plus de 500 mL. Mme G. est tachycarde à 130 bpm et toujours hypertendue. Elle n’a pas de trouble de la conscience ni de signe de mauvaise tolérance hémodynamique.
Question 5 - Quelle est votre attitude (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Dans l’hypothèse d’un passage rapide en césarienne, une sonde à demeure doit être posée afin de vider la vessie qui recouvre le segment inférieur de l’utérus où sera réalisée l’hystérotomie pour extraire le fœtus.
La CIVD est une contre-indication à la pose d’une anesthésie péridurale.
Nous ne sommes pas ici dans la situation de l’hémorragie du post-partum avec la prise en charge très protocolisée de la SFAR.
La patiente est en CIVD et se met à saigner à cause de la mort fœtale in utero. Il faut éliminer le facteur étiologique et donc le fœtus et le placenta qui sécrètent des facteurs perturbant la coagulation.
Il existe en effet un risque d’hystérectomie d’hémostase si l’on ne parvient pas à maîtriser les saignements au cours de la césarienne.
Pour rappel, l’algorithme de la recommandation du CNGOF sur l’hémorragie du post-partum est très bien fait et vraiment important : voir ici p. 608.
Mme G. est finalement césarisée sous anesthésie générale sans complication. Lors de l’hystérotomie, le liquide amniotique est sanglant avec de nombreux caillots. Les pertes sanguines sont estimées à 1 500 mL. L’équipe d’anesthésie a administré en peropératoire un culot de globules rouges et un plasma frais congelé (PFC), ainsi que de l’acide tranexamique. L’utérus est tonique en fin d’intervention.
Au cours de la surveillance en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI), à quatre heures postopératoires, Mme G. a une barre épigastrique résistante aux antalgiques de palier 3. Les constantes sont les suivantes : pression artérielle = 190/110 mmHg ; fréquence cardiaque = 120 bpm ; saturation en oxygène = 99 % en air ambiant. Compte tenu de la tachycardie, vous réalisez une échographie transabdominale dont les images sont les suivantes.
Figure 2a (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 2b (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 2c (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

Vous décidez d’avancer le prochain bilan biologique et récupérez les résultats suivants : hémoglobine = 8,7 g/dL ; plaquettes = 40 G/L ; TP = 65 % ; TCA = 1,02 ; fibrinogène = 2 g/L ; haptoglobine indosable ; ASAT = 260 UI/L ; ALAT = 240 UI/L.
Question 6 - Quelles sont les propositions vraies ?
La définition de l’hémorragie de la délivrance est un saignement supérieur à 500 mL dans le péri-partum et jusqu’à vingt-quatre heures de l’accouchement quel que soit le mode d’accouchement.
Toute douleur épigastrique chez une femme enceinte doit faire évoquer un HELLP syndrome avec ou sans hématome sous-capsulaire du foie ou une stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG).
Pas d’hémopéritoine.
Le diagnostic de HELLP syndrome secondaire indique une surveillance rapprochée en réanimation compte tenu de l’évolution pouvant être rapidement défavorable.
Concernant l’hématome sous-capsulaire du foie :
Tableau 3 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

Concernant l’échographie transabdominale à la recherche d’un hémopéritoine : on regarde deux espaces, le cul-de-sac de Douglas entre l’utérus et le rectum, et l’espace de Morrison entre le foie et le rein.
Figure 3a (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 3b (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 3c (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

Pour rappel, concernant l’échographie en gynécologie :
Figure 4a (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4b (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4c (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4d (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4e (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4f (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4g (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4h (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4i (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Mme G. sort finalement de réanimation au bout de vingt-quatre heures et peut remonter en suites de naissance. Son bilan biologique se corrige petit à petit et elle rentre au domicile à J8 sous labétalol avec une automesure tensionnelle.
Lors de la consultation post-natale, Mme G. a de nombreuses questions concernant la prochaine grossesse.
Question 7 - Comment l’informez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
L’Aspégic est recommandé en prévention secondaire d’une prééclampsie en cas d’antécédent de prééclampsie ou de retard de croissance intra-utérin (RCIU) sévère ou vasculaire.
Il est recommandé en cas de grossesse marquée par une prééclampsie, même en cas de fonction rénale normale, de débuter un suivi néphrologique en post-partum.
RCIU et prééclampsie indiquent sa réalisation avec notamment recherche de syndrome des antiphospholipides (SAPL).
Il n’y a aucune indication à un traitement antihypertenseur d’emblée qui est d’autant plus dangereux qu’une hypotension entraînerait une hypoperfusion placentaire délétère pour le développement du fœtus.
Dans le contexte d’utérus cicatriciel, pour diminuer le risque de rupture utérine, une grossesse doit être proscrite dans les douze mois postopératoires.

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