Une patiente de 65 ans, obèse et diabétique type 2 sous insulinothérapie (mais mal suivie), arrive aux urgences pour une douleur à la face interne de la cuisse. Elle est consciente. L’examen clinique met en évidence une tachycardie, de la fièvre (39 °C), des plaques ecchymotiques douloureuses associées à une chaleur locale et un œdème de la cuisse. Lors d’un interrogatoire approfondi, la patiente précise que, malgré la prise d’antalgiques (méloxicam 15 mg, 2 fois par jour, depuis 3 jours), la douleur s’est aggravée au lieu de s’atténuer. Le bilan biologique révèle une hyperglycémie à 2 g/dL, ainsi qu’un syndrome inflammatoire marqué par une hyperleucocytose à 13 000/mm³, majoritairement composée de polynucléaires neutrophiles, et une CRP élevée à 120 mg/L.
Quel est votre diagnostic ?
Le zona est caractérisé par des lésions vésiculaires groupées, qui suivent la distribution d’un dermatome, le plus souvent unilatéral, et accompagnées de douleur. Les lésions sont, en général, précédées de 48 à 72 heures de douleur au site du dermatome atteint.
Il s’agit d’une fasciite nécrosante. Voir explications ci-dessous.
L’érythème noueux est la cause la plus classique de panniculite (inflammation de la couche graisseuse sous-cutanée). Il se caractérise par des nodules sous-cutanés érythémateux, chauds, douloureux, atteignant de façon bilatérale les deux membres inférieurs, en particulier au niveau prétibial. Les lésions cutanées évoluent favorablement de façon spontanée en une à six semaines, passant du rouge vermillon au jaune.
Les lésions provoquées par l’eczéma de contact apparaissent d’abord au niveau de la peau entrée en contact avec l’allergène (bracelet, bouton de pantalon, chaussures, vêtement, teinture...), puis diffusent à partir du point de contact, pouvant parfois s’étendre sur tout le corps. À la phase aiguë, il se manifeste par des lésions érythémateuses et prurigineuses, puis apparaissent les vésicules qui vont se rompre et suinter, pour laisser place à des croûtes.
La gale est une infestation de la peau par un acarien, Sarcoptes scabiei. Elle entraîne des lésions prurigineuses intenses +++ avec des vésicules perlées, des sillons et des nodules scabieux sur les espaces interdigitaux, les poignets et les organes génitaux. Il faut toujours l’évoquer devant un prurit familial, à recrudescence nocturne.
La fasciite nécrosante (FN) est une infection rare des tissus sous-cutanés profonds, se propageant le long des fascias et du tissu adipeux, et pouvant toucher secondairement la peau sus-jacente. Les définitions récentes parlent de dermohypodermite bactérienne nécrosante profonde.1 Cette infection sévère et rapidement évolutive – liée à une thrombose des vaisseaux des fascias2 – peut survenir sur n’importe quelle région du corps, avec une prédilection pour les membres supérieurs et inférieurs.
Chez cette patiente, un érysipèle a évolué en fasciite nécrosante après l’administration des AINS.
Les agents pathogènes impliqués sont nombreux, avec une prédominance des streptocoques. Dans plus de la moitié des cas, une flore plurimicrobienne est présente. La gangrène de Fournier, qui touche la région scrotale chez les jeunes hommes, est associée à une flore mixte anaérobie, tandis que Clostridium est souvent responsable de la gangrène gazeuse compliquant des contusions musculaires mal traitées.3
Le diagnostic de la FN repose sur plusieurs critères :2
– l’histopathologie, difficile à obtenir en raison de l’urgence des interventions chirurgicales ;
– la chirurgie révélant des fascias grisâtres, mous et facilement dissociables avec un instrument non tranchant, permettant l’analyse cytobactériologique en peropératoire ;
– une absence de réponse à l’antibiothérapie, caractéristique de l’évolution clinique.
La prise en charge médico-chirurgicale, urgente, repose sur :
– la correction des déséquilibres hydroélectrolytiques, de l’insuffisance rénale, ainsi que des troubles hémodynamiques ;
– une antibiothérapie initialement probabiliste, puis ajustée en fonction des résultats des cultures bactériennes : amoxicilline-acide clavulanique, associée à un aminoside et au métronidazole, pendant 10 à 15 jours ;
– une intervention chirurgicale : excision des tissus nécrosés et drainage des éventuelles collections.
La gravité et l’évolution rapide de cette maladie peuvent compromettre le pronostic fonctionnel, allant jusqu’à l’amputation, et le pronostic vital en l’absence de traitement adapté, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 15 à 30 %.4,5
 
Bon réflexe : jamais d’AINS en cas d’érysipèle !
 
Pour en savoir plus :
1. Peyramond D, Chidiac C, Lucht E, et al. Erysipèle et fasciites nécrosantes : prise en charge. Conférence de consensus.  Med Mal Infect 2000;30(Suppl 4):252-72.
2. Malghem J, Lecouvet FE, Omoumi P, et al. Necrotizing Fasciitis: Contribution and limitations of diagnostic imaging.  Joint Bone Spine 2013;80(2);146-54.
3. Gauzit R. Infections cutanées graves : définitions, caractéristiques cliniques et microbiologiques.  Ann Fr Anesth Reanim 2006;25(9):967-70.
4. Schmid MR, Kossmann T, Duewell S. Differentiation of necrotizing fasciitis and cellulitis using MR imaging.  AJR Am J Roentgenol 1998;170(3):615-20.
5. Levenson RB, Singh AK, Novelline RA. Fournier gangrene: Role of imaging Radiographics.  Radiographics 2008;28(2):519-28.
 
Par le Dr Fatima Oulhouss, médecine interne, CHP Inezgane, Maroc.

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