Mme T., 34 ans, vous consulte en cabinet de médecine générale pour une douleur du membre inférieur gauche.

Elle travaille comme infirmière diplômée d’État à domicile. Elle a deux enfants de 4 et 6 ans.

Elle n’a pas d’antécédent particulier, et prend comme seul traitement une pilule œstroprogestative.

Elle vous explique que la douleur est apparue subitement il y a deux semaines alors qu’elle faisait la toilette de l’un de ses patients. La douleur se localise dans le bas du dos, avec une irradiation le long de la face latérale du membre inférieur gauche, jusqu’à l’hallux gauche. Elle se plaint de sensations de décharges électriques et de paresthésies.

Par argument de fréquence, vous suspectez une lombosciatique L5 gauche non compliquée sur hernie discale.
Question 1 - Quel(s) élément(s) vous orienterai(en)t vers ce diagnostic ?
La présence d’une éruption cutanée sur le trajet douloureux orienterait plutôt vers un zona, qui est une cause de radiculalgie secondaire.
L’antécédent récent de traumatisme violent doit faire rechercher une fracture, qui est une cause de lombalgie et/ou de radiculalgie secondaire.
Le signe du Caddie, qui correspond à l’amélioration des douleurs en antéflexion, est plutôt retrouvé dans les lomboradiculalgies sur arthrose articulaire postérieure.
Le trajet latéral oriente plutôt vers une atteinte radiculaire L5. Le réflexe achilléen est assuré via la racine S1.
La lombosciatique se caractérise par une douleur lombaire irradiant dans un membre inférieur, selon un trajet métamérique. Un trajet le long de la face postérieure du membre inférieur avec atteinte de la plante du pied oriente plutôt vers une atteinte radiculaire S1, tandis qu’un trajet latéral de cuisse et de jambe avec atteinte de l’hallux implique plutôt la racine L5.
Certains arguments peuvent orienter sur l’origine de la radiculalgie :
– un âge avancé, un signe du Caddie et une douleur majorée en hyperextension sont plutôt retrouvés en cas d’arthrose articulaire postérieure ;
– un âge plus jeune, l’impulsivité à la toux sont plutôt présents en cas d’hernie discale.
Vous complétez l’examen et mettez en évidence un syndrome rachidien avec une contracture paravertébrale, un trajet douloureux d’allure neuropathique sur le trajet L5 gauche.
Il y a une hypoesthésie et une allodynie le long du trajet nerveux, pas de déficit moteur ni de trouble vésico-sphinctérien.
La peau est saine.
Il n’y pas d’antécédent traumatique violent.
Elle vous explique que la douleur évolue depuis deux semaines mais elle n’a pas osé prendre de médicament avant de vous voir. Elle est très limitée dans son travail et à la maison pour les tâches de la vie quotidienne mais est aidée par son mari pour ces dernières.
Elle dort bien la nuit mais est gênée lors des mouvements. Elle estime sa douleur à 6/10 lors des mobilisations.
Question 2 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
On ne retrouve pas de signe de gravité qui nécessiterait une prise en charge aux urgences.
Il n’y a pas d’indication à une hospitalisation : la patiente n’est pas isolée, peut se faire aider pour les actes de la vie quotidienne. Elle n’a pas encore bénéficié d’une prise en charge antalgique optimale.
La douleur évolue depuis moins de six semaines et n’a aucun drapeau rouge, il n’y a pas d’indication à une imagerie.
Il s’agit d’un traitement de seconde intention, qui peut se réaliser à l’hôpital ou en ville, en cas d’échec d’un traitement symptomatique bien mené.
La réalisation d’une imagerie dépend de la durée d’évolution des symptômes et de la présence de signe de gravité ou de drapeaux rouges.
On considère qu’il y a une indication à réaliser une imagerie devant une lomboradiculalgie qui évolue non favorablement après prise en charge symptomatique et qui persiste dans le temps (au moins six à huit semaines).
Les signes de gravité, qui nécessitent une prise en charge chirurgicale en urgence, sont la présence d’un déficit moteur inférieur ou égal à 3/5, une hyperalgie persistante malgré un traitement par opioïdes forts bien conduit et/ou des troubles génito-sphinctériens qui évoquent un syndrome de la queue de cheval.
Les drapeaux rouges sont les signes qui doivent faire rechercher une cause secondaire devant une lomboradiculalgie : une altération de l’état général, de la fièvre, des douleurs inflammatoires, un âge > 55 ans ou < 20 ans, une immunosuppression doivent faire rechercher une néoplasie, une infection ou une pathologie systémique. C’est également le cas d’un antécédent traumatique violent pour rechercher une fracture.
La patiente ne correspond à aucune de ces descriptions, il n’y a donc pas d’indication à une imagerie ou à un transfert dans un service d’hospitalisation.
Vous avez prescrit des antalgiques de paliers 1 et 2, une cure courte de corticoïdes et avez convenu d’un nouveau rendez-vous avec Mme T.
Vous n’avez pas prescrit d’imagerie ni de bilan biologique.
Elle revient vous voir une semaine après pour douleur accrue et se plaint d’un manque de force dans la jambe.
Question 3 - Quel(s) est/sont le(s) signe(s) qui doi(ven)t vous alerter ?
La présence de troubles génito-sphinctériens doit vous faire suspecter un syndrome de la queue de cheval qui est une urgence diagnostique et thérapeutique.
Il est positif lorsque la douleur radiculaire est reproduite par l’élévation passive du membre inférieur et constitue un argument diagnostique mais n’est pas un signe de gravité.
Un déficit moteur ≤ 3/5 est un signe de gravité, qu’il soit proximal ou distal.
Un déficit moteur ≤ 3/5 est un signe de gravité, qu’il soit proximal ou distal.
On considère que la douleur est un signe de gravité lorsqu’elle est résistante aux antalgiques de palier 3 (opioïdes forts), ce n’est pas le cas ici.
Les signes de gravité ont été rappelés à la question 2 et sont une indication à une prise en charge chirurgicale en urgence.
À l’examen clinique, il y a un déficit moteur distal du membre inférieur gauche à 3/5 et Mme T. vous explique qu’elle rencontre des difficultés à uriner (sensation de devoir pousser pour déclencher la miction).
Vous décidez de l’adresser aux urgences du secteur.
Question 4 - Quelle va être la prise en charge aux urgences (une ou plusieurs réponses exactes) ?
  Pas de chirurgie sans imagerie concordante avec les symptômes.
Devant la suspicion de syndrome de la queue de cheval, une imagerie du rachis est indiquée en urgences, préférentiellement une imagerie par résonance magnétique (IRM).
Ce n’est pas un élément de la prise en charge.
La présence d’au moins un des signes de gravité parmi hyperalgie, déficit moteur ≤ 3/5 et trouble génito-sphinctérien justifie d’une prise en charge urgente.
La présence d’un déficit moteur ≤ 3/5, même distal, constitue une urgence chirurgicale.
La patiente décrit ici une dysurie, qui fait suspecter un syndrome de la queue de cheval. Ce syndrome correspond à la compression des dernières racines nerveuses (qui constituent la « queue de cheval ») et se manifeste, lorsqu’il est complet, par une paraplégie, une aréflexie ostéotendineuse et périnéale, une anesthésie à partir du niveau lésionnel et des troubles génito-sphinctériens avec une anesthésie en selle. En cas de hernie discale, une prise en charge chirurgicale en urgence est indiquée pour éviter un déficit moteur définitif et/ou une incontinence. Pour certaines étiologies, un traitement médical doit être associé (antibiothérapie, chimiothérapie). Avant toute prise en charge chirurgicale, il faut confirmer le diagnostic par une IRM rachidienne qui est l’examen de référence.
Aux urgences, Mme T. réalise une imagerie dont voici une coupe axiale en L4-L5.
Figure 1 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Question 5 - Que pouvez-vous dire de cette imagerie (une ou plusieurs réponses exactes) ?
L’absence d’imagerie antérieure ne change rien au tableau clinique actuel.
On vérifie la concordance radioclinique (tableau clinique compatible avec l’imagerie) mais la taille de la hernie ne préjuge pas de l’intensité des symptômes et ne constitue pas une indication chirurgicale.
On observe une hernie discale paramédiane gauche en L4-L5, ce qui concorde avec une atteinte de la racine L5 gauche.
On observe une hernie discale paramédiane gauche en L4-L5, ce qui concorde avec une atteinte de la racine L5 gauche.
On observe une hernie paramédiane gauche.
Il s’agit d’une IRM en coupe axiale sur L4-L5, en séquence T2.
On visualise une protrusion discale paramédiane gauche, qui explique le tableau radiculaire (atteinte L5 gauche) et le syndrome de la queue de cheval devant la sténose canalaire serrée (on ne voit plus les racines nerveuses dans le canal). On observe également une arthrose articulaire postérieure congestive bilatérale.
Figure 2 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Mme T. a été prise en charge en chirurgie orthopédique, avec réalisation d’une arthrodèse L4-L5.
Elle n’a plus de difficulté pour uriner et garde un déficit moteur du membre inférieur gauche à 4/5, qu’elle doit travailler en rééducation.
Elle sort du service après quarante-huit heures.
Question 6 - Que doit-elle surveiller au domicile (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Toute chirurgie comporte un risque non nul de complication au décours, notamment infectieuses. Une infection du site opératoire peut se manifester par de la fièvre, un écoulement de pus, un aspect cutané et/ou une douleur inflammatoire. La constitution d’un hématome au niveau du site opératoire peut aggraver le déficit moteur ou l’étendre.
Quelques mois plus tard, Mme T. va mieux.
Après un suivi en rééducation, elle n’a plus de déficit moteur et a pu reprendre son travail et ses activités quotidiennes.
Mme T. avait envoyé à son employeur une déclaration d’accident du travail.
Question 7 - Quelle(s) est/sont la/les prochaine(s) démarche(s) ?
Après un accident du travail, il faut clôturer le dossier par un certificat médical final, qui informe de la guérison, la guérison avec séquelles ou de la consolidation.
Ce n’est pas le médecin traitant qui confirme ou non la présence d’un accident du travail. Il peut uniquement réaliser un certificat médical initial avec description des lésions observées.
La décision reviendra au médecin conseil de la Sécurité sociale.
En dehors de faute propre de l’employeur, il n’encourt pas de démarches judiciaires lors d’un accident du travail.
Les accidents qui ont lieu sur le lieu de travail (même si celui-ci est chez un particulier) constituent des accidents de travail. Les trajets du travail au domicile ou au lieu de restauration ainsi que les déplacements professionnels sont également pris en compte.
En cas de reconnaissance de l’accident du travail par la Caisse primaire d’assurance maladie, c’est l’assurance maladie qui verse les indemnités journalières. L’employeur peut être sommé de rembourser les indemnités versées s’il n’a pas déclaré l’accident de travail, ou s’il en est tenu responsable.

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