Interne de garde aux urgences d’un centre hospitalier universitaire (CHU), vous voyez une patiente de 72 ans consultant pour des douleurs abdominales. Celles-ci sont localisées en hypochondre droit et durent depuis la veille au coucher, à l’issue d’un repas copieux chez des amis. Ces douleurs s’aggravent progressivement depuis plusieurs heures.

Dans ses antécédents, on note : un surpoids, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) de stade II, une dyslipidémie sous fibrates, un syndrome dépressif, un syndrome du canal carpien opéré.

Aux urgences, les constantes sont les suivantes : fréquence cardiaque (FC) = 80 bpm ; pression artérielle (PA) = 140/87 mmHg ; saturation en oxygène (SpO2) = 90 % ; température (T°) = 38,5 °C.

Vous disposez du bilan biologique suivant : hémoglobine = 13 g/dL ; plaquettes = 277 G/L ; leucocytes = 15 G/L ; protéine C réactive (CRP) = 94 mg/L ; lipase = 90 UI/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 32 UI/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 40 UI/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 30 UI/L ; bilirubinémie = 18 µmol/L ; créatininémie = 67 µmol/L.
Question 1 - À ce stade, quelle(s) est/sont le(s) hypothèse(s) diagnostique(s) envisageable(s) ?
Le syndrome de Mirizzi entraînerait une cholestase par obstruction de la voie biliaire principale. Or le bilan hépatique ici est strictement normal, ce qui élimine cette possibilité.
La cholécystite aiguë lithiasique est envisageable ici. L’anamnèse est évocatrice d’une pathologie biliaire (douleur en hypochondre droit déclenchée après un repas riche), chez une patiente avec des facteurs de risque : surpoids, traitement par fibrates.
L’angiocholite aiguë lithiasique apparaîtrait sous la triade de Charcot : douleur, fièvre, ictère. Ici il n’y a pas de perturbation du bilan hépatique, ce qui permet d’écarter le diagnostic.
Diagnostic tout à fait compatible chez cette patiente non appendicectomisée. Attention aux variations anatomiques de l’appendice pouvant donner des présentations atypiques d’appendicite !
Douleur en hypochondre droit avec syndrome inflammatoire biologique chez une patiente souffrant de BPCO : diagnostic compatible avec une pneumopathie de la base droite.
L’examen clinique retrouve une douleur à la palpation de l’hypochondre droit et de la base thoracique droite. La douleur est augmentée à l’inspiration. À l’auscultation, vous avez un doute sur des crépitants en base pulmonaire droite. Vous décidez d’étayer vos hypothèses.
Question 2 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demandez-vous ?
L’ASP n’a plus sa place en pathologie digestive. Ses indications sont rares : recherche d’un corps étranger, contrôle après administration de Gastrografine pour syndrome occlusif sur bride.
Le scanner, bien que souvent prescrit aux urgences devant un tableau biliaire, n’est pas l’examen de première intention.
En effet, devant toute suspicion de pathologie biliaire, l’échographie abdominale est l’examen de première intention. Elle est plus sensible (95 %) que le scanner (les lithiases sont parfois isodenses) pour la détection des calculs.
Bien que la bili-IRM soit un très bon examen pour la détection de calculs (notamment de la voie biliaire principale), elle n’est pas indiquée en première intention.
Devant des douleurs de l’hypochondre droit chez une patiente au terrain respiratoire (BPCO), la radiographie de thorax permettra d’éliminer une pneumopathie basale droite.
Voici une partie des examens demandés.
Figure 1 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Question 3 - Comment interprétez-vous cet examen (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Attention à ne pas tomber dans le piège ! Les calculs sont hyperéchogènes.
À l’échographie, on parle d’échogénicité.
Au scanner, on parle de densité.
À l’IRM, on parle d’intensité.
En effet, les parois de la vésicule biliaire sont épaissies.
En effet, les parois sont dédoublées. On parle d’aspect « feuilleté » de la vésicule biliaire.
Il s’agit du cône anéchogène (noir) que l’on visualise juste après les calculs hyperéchogènes (blanc).
Aucun abcès n’est visible ici. Il s’agit d’une échographie de cholécystite aiguë lithiasique non compliquée.
Voici l’échographie annotée pour mieux comprendre. Les calculs hyperéchogènes sont entourés en bleu. Les parois épaissies et feuilletées de la vésicule biliaire sont en orange et le cône d’ombre postérieur se situe entre les deux lignes vertes.
Il s’agit d’une image typique de cholécystite aiguë lithiasique sans signe de complication.
Figure 2 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
L’ensemble du tableau clinique, biologique et radiologique est en faveur d’une cholécystite aiguë lithiasique. Vous informez la patiente sur cette pathologie et ses causes.
La patiente est surprise, elle ne comprend pas comment elle a « attrapé ça ». 
Question 4 - Elle vous demande : quel(s) est/sont le(s) facteur(s) de risque de cette affection ?
C’est l’hypertriglycéridémie qui est un facteur de risque de lithiase biliaire.
Le diabète n’est pas un facteur de risque de lithiase biliaire. Il est souvent pris à tort comme tel car associé à d’autres conditions qui, elles, sont des facteurs de risque de lithiase biliaire (hypertriglycéridémie, surpoids…).
En effet, l’amaigrissement rapide et important due à la chirurgie entraîne un risque de lithiase biliaire cholestérolique.
La résection iléale est un facteur de risque mais pas la résection colorectale.
Il y a deux types de calculs : cholestéroliques et pigmentaires. Les différents facteurs de risque sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Tableau (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Il s’agit donc d’une cholécystite aiguë lithiasique non compliquée.
Question 5 - Quelle est votre prise en charge thérapeutique (une ou plusieurs réponses exactes) ?
En effet, le traitement médical repose sur une antibiothérapie qui cible les germes digestifs.
Le traitement de refroidissement afin de différer la cholécystectomie n’est plus recommandé et expose à un taux de récidive d’environ 30 %.
Le traitement chirurgical (cholécystectomie) doit être effectué dans les soixante-douze heures.
Le drainage radiologique est réservé aux formes sévères (grade 3) ou chez les patients fragiles.
Ne jamais oublier l’antalgie.
Le traitement de la cholécystite aiguë lithiasique associe un traitement médical et un traitement chirurgical selon la classification de Tokyo.
Le traitement médical associe des antalgiques adaptés par palier et une antibiothérapie parentérale à large spectre (amoxicilline + acide clavulanique ou C3G + métronidazole) dirigée contre les germes digestifs (Klebsiella pneumoniæ, Escherichia coli, Streptococcus fecalis).
Le traitement chirurgical est adapté selon le stade de sévérité.
Grades 1 et 2 : cholécystectomie cœlioscopique précoce (< 72 heures).
Grade 3 : drainage vésiculaire radiologique +/- cholécystectomie à différer selon les comorbidités.
Vous proposez donc à la patiente un traitement associant antibiothérapie, antalgie et cholécystectomie précoce.
Elle reste cependant perplexe et hésite à se faire prendre en charge.
Question 6 - En l’absence de traitement chirurgical et en cas d’évolution vers une cholécystite chronique, quelle(s) est/sont la /les complication(s) chronique(s) possible(s) ?
La péritonite biliaire constitue une complication de la cholécystite aiguë. Il ne s’agit pas d’une complication chronique.
L’inflammation chronique peut conduire à une fistule bilio-digestive (duodénale en général) et entraîner un iléus biliaire.
La lithiase vésiculaire est un facteur de risque de cancer lorsqu’elle évolue en cholécystite chronique (vésicule scléro-atrophique). La taille du calcul (> 3 cm) est associée au risque de cancer ainsi que les calcifications (vésicule porcelaine).
Il s’agit d’une complication aiguë, liée à la perforation de la vésicule biliaire dans le foie.
Il s’agit d’une occlusion rare, duodénale, par un macro-calcul > 3 cm, par fistulisation cholécysto-duodénale. Le tableau est celui d’une occlusion digestive haute avec intolérance alimentaire et vomissements non bilieux.
Malgré vos explications sur le traitement et les risques encourus en cas d’absence de prise en charge, la patiente refuse de rester hospitalisée.
Elle sort contre avis médical.
Vous la retrouvez six mois plus tard aux urgences, pour des douleurs abdominales similaires, localisées en hypochondre droit et épigastre. Pas de trouble du transit.
Cliniquement, vous retrouvez un ictère cutanéo-muqueux.
Les constantes sont les suivantes : FC = 77 bpm ; TA = 138/77 mmHg ; T° = 38,4°C ; SpO2 = 92 %.
Le bilan biologique est le suivant : hémoglobine = 12,9 g/dL ; leucocytes = 16 G/L ; CRP = 79 mg/L ; créatininémie = 90 µmol/L ; ASAT = 249 UI/L ; ALAT = 334 UI/L ; bilirubinémie totale = 90 µmol/L ; lipasémie = 77 UI/L.
Question 7 - Quel(s) est/sont le(s) diagnostic(s) compatible(s) avec ce bilan clinico-biologique ?
Dans la colique hépatique, il n’y a pas de syndrome inflammatoire biologique, pas de fièvre ni de perturbation du bilan hépatique.
La lipasémie ici est normale. Par ailleurs, la douleur nous oriente plutôt vers un problème biliaire plus que pancréatique.
L’iléus biliaire se traduit cliniquement par des douleurs ainsi qu’un tableau d’occlusion digestive, ce qui n’est pas le cas ici.
Le syndrome de Mirizzi est lié à la présence d’un volumineux calcul dans le canal cystique. L’inflammation liée à sa présence peut entraîner une compression extrinsèque de la voie biliaire principale et mimer un tableau d’angiocholite.
L’angiocholite est caractérisée par la triade de Charcot : douleur, fièvre, ictère. Ici présente, le diagnostic est compatible.

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