Vous recevez aux urgences, à 23 heures, M. G., 38 ans, pour une douleur épigastrique évoluant depuis le matin. La douleur a débuté brutalement et est de plus en plus intense. Elle irradie dans le dos et l’empêche d’inspirer profondément.

Il vous dit qu’il a déjà eu ce genre de douleurs et qu’il est resté deux fois hospitalisé en raison de ses douleurs mais ne se souvient plus du diagnostic précis.

Il est mécanicien. Il ne prend aucun traitement.

Il vous déclare une consommation importante d’alcool avec 4 bières de 33 cL par jour environ et une demi-bouteille de vin.

Ses constantes sont les suivantes : pression artérielle = 147/96 mmHg ; fréquence cardiaque = 110 battements par minute ; saturation en oxygène = 98 % ; température = 37,3 °C.
Question 1 - Afin d’étayer votre diagnostic, vous demandez comme bilan biologique (une ou plusieurs réponses exactes) :
Un électrocardiogramme (ECG) suffit pour éliminer une douleur coronarienne.
Devant une douleur épigastrique, il faut suspecter une pancréatite. Le dosage de la CRP permet d’étayer la gravité de la pancréatite.
Afin de faire le diagnostic de pancréatite aiguë, il faut une lipase > 3 N.
Le bilan hépatique permet de s’orienter sur la cause de la pancréatite.
L’hypercalcémie est une cause de pancréatite aiguë. La calcémie diminue ensuite rapidement, il faut donc la doser dès le diagnostic.
Ici, nous sommes face à une douleur typique de pancréatite aiguë : douleur aiguë intense, à début brutal, irradiant dans le dos et inhibant la respiration. On a également souvent une position antalgique en chien de fusil.
Afin d’affirmer le diagnostic de pancréatite aiguë, il faut une lipase > 3 N et une douleur épigastrique typique. Le seul examen biologique pour affirmer la pancréatite aiguë est donc la lipasémie. La CRP, la créatininémie et la NFS permettent de rechercher des critères de gravité. La calcémie, le dosage des triglycérides et le bilan hépatique font partie du bilan étiologique de la pancréatite aiguë.
Les deux causes les plus fréquentes sont :
– lithiasique ;
– alcoolique.
Les autres causes de pancréatite, plus rares, sont :
– tumorale ;
– hypertriglycéridémie ;
– post-cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) ;
– hypercalcémie ;
– auto-immune : pancréatite à IgG4. On ne les dose pas en première intention ;
– infectieuses : oreillons, parasite ;
– génétique : CFTR (gène de la mucoviscidose) ;
– médicamenteuses : azathioprine.
Vous recevez le bilan biologique qui est le suivant :
– hémoglobine (Hg) = 12,3 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) : 108 fl ; plaquettes = 375 G/L ; leucocytes = 15 G/L dont 13 G/L de polynucléaires neutrophiles ;
– CRP = 194 mg/L ;
– créatininémie = 186 µmol/l ; natrémie (Na) = 143 mmol/L ; kaliémie = 3,6 mmol/L ;
– lipase = 870 UI/L (N : 5-70) ;
– aspartate aminotransférase (ASAT) = 1,5 UI/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = N ;
– bilirubinémie : 5 umol/L ; gamma GT = 300 UI/L ; phosphatases alcalines (PAL) = 120 UI/L ;
– taux de prothrombine (TP) = 85 % ; facteur V normal ; temps de céphaline activée (TCA) normal.
Les triglycérides et la calcémie sont normaux.
Question 2 - Après analyse du bilan biologique, vous pouvez dire que (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’insuffisance hépatique aiguë est une défaillance des fonctions du foie. Elle est caractérisée par un TP bas, associé à un ictère et une augmentation des transaminases. Il existe souvent une encéphalopathie chez les patients.
Lipase > 3 N + douleur épigastrique typique. Le diagnostic est fait.
La migration lithiasique est un calcul qui migre dans les voies biliaires, sans s’enclaver quelque part. Elle peut s’accompagner d’élévation des transaminases et rarement d’une cholestase anictérique. En effet, comme le blocage par le calcul est transitoire, il n’y a pas le temps pour que l’ictère se développe. De plus, la migration lithiasique n’entraîne jamais d’élévation de la lipase. L’augmentation des gamma GT est en lien avec la consommation d’alcool chronique.
Les stigmates biologiques de la cirrhose sont la thrombopénie, l’ictère et le TP avec facteur V bas. Ici ce n’est pas le cas. En cas de cirrhose décompensée on peut aussi avoir une élévation des transaminases.
Il n’est pas possible de le dire sur cette biologie : il faut compléter par un ionogramme urinaire pour avoir le rapport Na/K, une imagerie rénale pour savoir si l’insuffisance rénale aiguë est fonctionnelle ou organique.
Question 3 - Votre externe vous questionne sur l’utilité d’un examen d’imagerie à ce stade de la prise en charge (une ou plusieurs réponses) :
L’IRM pancréatique est réalisée à distance en cas de bilan étiologique négatif. Il est également utile dans le suivi de la pancréatite chronique calcifiante.
Pour éliminer une étiologie biliaire, il faut systématiquement réaliser une échographie abdominale dans les 48 heures du début de la douleur à la recherche d’une dilatation des voies biliaires, de calculs dans la vésicule, de sludge vésiculaire.
Le scanner abdomino-pelvien est à réaliser à 72 heures du début des douleurs pour stadifier la gravité de la pancréatite avec le score CTSI (computed tomography severity index). Si on le fait trop tôt, le risque est de sous-estimer la gravité. Ici, le patient a mal depuis moins de vingt-quatre heures, donc c’est trop tôt.
Si, il faut faire l’échographie abdominale.
Pas un examen de l’urgence. Et pas d’indication dans la pancréatite aiguë.
Lors du diagnostic de pancréatite aiguë, deux examens d’imagerie ont leur place :
– le scanner abdominopelvien, à réaliser à 72 heures du début des douleurs pour stadifier la gravité de la pancréatite avec le score CTSI ;
– l’échographie abdominale, à faire dès que possible pour éliminer/affirmer une étiologie lithiasique.
Vous faites donc le diagnostic de pancréatite aiguë d’origine éthylique.
Question 4 - Vous identifiez comme facteur de gravité (une ou plusieurs réponses exactes) :
La valeur de la lipase ne préjuge jamais de la gravité de la pancréatite aiguë. Elle n’est d’ailleurs pas à redoser pour suivre l’évolution de la pancréatite. On la dose une seule fois au diagnostic.
Non, ce n’est pas un critère de gravité.
Les critères de gravité de la pancréatite aiguë sont :
– cliniques : présence d’une ou plusieurs défaillances d’organes, la présence d’un SIRS (syndrome de réponse inflammatoire systémique) ;
– biologiques : avec une CRP > 150 mg/L à 48 heures ;
– radiologiques : CTSI supérieur ou égal à 4 à partir de 72 heures.
Les critères de SIRS (systemic inflammatory response syndrome) sont (au moins deux des critères suivants) :
– température < 36 °C ou > 38 °C ;
– fréquence cardiaque > 90/min ;
– fréquence respiratoire > 20/min ou pression partielle en dioxyde de carbone (PaCO2) < 32 mmHg ;
– leucocytose > 12 000/mm3, < 4 000/mm3.
L’échographie abdominale est normale. M. G. vous rapporte avoir augmenté sa consommation d’alcool ces derniers jours.
Vous faites donc le diagnostic de pancréatite aiguë d’origine éthylique grave devant l’insuffisance rénale aiguë et la présence d’un SIRS initial.
Question 5 - Vous initiez comme prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le patient a des critères de gravité (tachycardie, insuffisance rénale aiguë), il doit donc être hospitalisé en unité de soins intensifs ou en réanimation.
Prise en charge initiale de la pancréatite aiguë grave :
– hyperhydratation par Ringer Lactate ou sérum salé isotonique ;
– prise en charge de la douleur ;
– mise à jeun initial puis introduction d’une nutrition entérale pour prévenir le risque de translocation bactérienne initiale ;
– anticoagulation préventive car les patients sont très inflammatoires et à haut risque de thrombose.
Il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie dans la prise en charge initiale de la pancréatite aiguë, sauf en cas d’angiocholite associée (ce qui n’est pas le cas ici).
Après trois semaines de nutrition entérale et de surveillance en soins intensifs, M. G. se stabilise, son syndrome inflammatoire biologique diminue, il n’a plus de douleur. Il est donc transféré en salle de gastro-entérologie.
À 48 heures de son arrivée en salle, il y a une recrudescence des douleurs avec de la fièvre. Cliniquement son abdomen est souple mais douloureux, les bruits hydro-aériques sont conservés.
Le bilan biologique est le suivant :
– Hg = 12,2 g/dL ; VGM = 106 fl ; leucocytes = 25 G/L dont 20 G/L de polynucléaires neutrophiles ; CRP = 240 mg/L ;
– créatininémie : 85 µmol/l ; Na = 143 mmol/L ; kaliémie = 3,6 mmol/L ;
– ASAT = N ; ALAT = N ;
– bilirubinémie = 5 µmol/L ; gamma GT = 210 UI/L ; PAL : 150 UI/L.
Ses constantes sont les suivantes : fréquence cardiaque = 80 bpm ; saturation en oxygène = 98 % en air ambiant ; pression artérielle = 147/96 mmHg ; température = 38,6 °C.
Question 6 - Devant ce tableau, vous évoquez comme diagnostic (une ou plusieurs réponses exactes) :
Dans les coulées de nécrose, on peut avoir une érosion des vaisseaux qui peut entraîner une rupture de vaisseaux et donc une hémorragie. Mais, ici, il n’y a pas de déglobulisation. Et la fièvre n’est pas en faveur de l’hémorragie digestive.
L’iléus réflexe est une occlusion fonctionnelle réactionnelle à l’inflammation abdominale. Ici, les bruits hydro-aériques sont conservés, donc ce n’est pas en faveur.
Oui, à évoquer en première intention devant une fièvre avec augmentation des douleurs.
L’abdomen est très inflammatoire dans les pancréatites aiguës graves : on peut avoir une thrombose de la veine porte, des veines mésentériques ou spléniques. La thrombose peut donner des douleurs avec fièvre.
La perforation n’est pas une complication de la pancréatite aiguë. Ici les bruits hydro-aériques sont conservés et l’abdomen est souple, ce n’est pas en faveur de la perforation.
Les deux complications tardives de la pancréatite aiguë sont :
– l’organisation des coulées de nécrose avec risque d’infection, qui naissent de l’organisation et de la liquéfaction des foyers de nécrose ;
– l’apparition de pseudokystes, qui sont des collections de liquide pancréatique alimentées par une fistule pancréatique.
La fièvre et la recrudescence des douleurs doivent faire évoquer en premier lieu une infection des coulées de nécrose.
Vous demandez un nouveau scanner abdomino-pelvien avec injection au temps artériel et portal. 
Figure 1 (Élisabeth Capelle, La Revue du Praticien)
Question 7 - Devant ce tableau clinico-radiologique, vous prenez les mesures suivantes (une ou plusieurs réponses exactes) :
La nutrition entérale va plutôt diminuer le risque infectieux en limitant la translocation bactérienne.
Il faut drainer dès que possible, il n’y a pas d’indication à surveiller l’évolution par imagerie.
Le diagnostic d’infection des coulées de nécrose se fait sur la clinique (fièvre, douleurs) et la biologie (syndrome inflammatoire biologique) avec confirmation scanographique (bulles d’air dans la nécrose qui traduisent la présence de bactéries).
Quand il y a une infection des coulées de nécrose, il faut :
– ne pas introduire d’antibiothérapie probabiliste en l’absence d’instabilité hémodynamique. On essaie d’obtenir en premier le drainage de la nécrose avec envoi en bactériologie pour mettre une antibiothérapie adaptée ;
– drainer la nécrose, soit par voie radiologique avec un drain externe, soit par voie endoscopique en posant une prothèse, le plus souvent entre l’estomac et la coulée de nécrose pour que celle-ci se draine en se déversant dans l’estomac. On privilégie plutôt le drainage endoscopique chez les patients stables mais cela dépend aussi de l’accessibilité à l’endoscopie et à la radiologie interventionnelle.
Figure 2 (Élisabeth Capelle, La Revue du Praticien)

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