Vous recevez Mme L., 78 ans, adressée par son médecin généraliste pour asthénie.

Elle vit en Seine-Saint-Denis avec sa mère de 98 ans et sa sœur, elle est célibataire sans enfants. Actuellement à la retraite, elle travaillait comme secrétaire. Hormis une migraine avec aura et un trouble panique actuellement bien contrôlé par la psychothérapie seule, elle n’a pas d’antécédent et ne prend aucun médicament, ne voyage pas. Elle ne fume pas, ne boit pas d’alcool et ne prend pas de toxiques. Elle n’a eu aucun suivi gynécologique au cours de sa vie, estimant que, n’ayant jamais été enceinte, elle n’en avait pas besoin.

Elle se plaint depuis environ deux mois d’une fatigue inhabituelle avec amaigrissement, d’une fièvre quasi quotidienne à 38-38,2 °C. Elle a perdu 6 kg et pèse désormais 38 kg. L’anamnèse est plutôt pauvre en dehors des symptômes sus-cités.
Question 1 - Quelles sont vos hypothèses diagnostiques (une ou plusieurs réponses possibles) ?
À évoquer surtout en Île-de-France.
Notamment l’hyperthyroïdie.
À l’examen clinique, l’auscultation cardiopulmonaire est normale, pas d’anomalie cutanée, pas de ganglion palpable ou d’hépatosplénomégalie.
Vous prescrivez un bilan en ville avec numération formule sanguine (NFS), ionogramme, protéine C réactive (CRP), bilan hépatique, créatinine, hémostase.
Question 2 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) biologique(s) rajoutez-vous pour explorer cette fièvre (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Ne sont pas validés en situation diagnostique car non spécifiques. Trouvent leur utilité dans le suivi des cancers. Il existe même des recommandations de la Haute Autorité de santé qui préconisent de ne pas les faire dans le cadre d’une situation diagnostique non encore élucidée.
Il est impératif de rechercher une cause endocrinienne à ce tableau, le cas échéant cela épargnera beaucoup d’explorations et de perte de temps. Une hyperthyroïdie pourrait par exemple rendre compte de l’ensemble du tableau.
Renseignera sur la chronicité du syndrome inflammatoire, une atteinte hépatique éventuelle, un pic monoclonal éventuel, un déficit humoral...
Pas en première intention.
Le bilan biologique vous est faxé la semaine suivante : hémoglobine (Hb) = 10,7 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) =  80 fL ; réticulocytes = 47 G/L ; plaquettes = 378 G/L ; leucocytes = 6,2 G/L ; formule sanguine normale ; sodium = 139 mmol/L ; potassium = 4,0 mmol/L ; urée = 4 mmol/L ; créatinine = 49 µmol/L ; albumine = 30 g/L ; protéine C réactive = 80 mg/L ; électrophorèse en faveur d’un syndrome inflammatoire chronique ; absence de pic monoclonal ; calcium = 2,1 mmol/L ; sérologies des virus de l’immunodéficience humaine (VIH), de l’hépatite B (VHB) et de l’hépatite C (VHC) négatives ; taux de thyréostimuline (TSH) = 0,9 (N) ; bilan hépatique retrouvant une cholestase anictérique sans cytolyse ; taux de prothrombine (TP) = 100 % ; temps de céphaline activée (TCA) = ratio 1.
Treponema pallidum hemagglutinations assay (TPHA), veneral disease research laboratory (VDRL) négatifs.
Ferritine = 453 µg/L.
Hémocultures périphériques négatives en cinq jours (absence d’antibiothérapie dans les trois derniers mois).
Examens demeurant en cours : anticorps anti-nucléaires, anticorps anti-extractable nuclear antigen (anti-ENA), anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA).
La patiente a également fait une radiographie de thorax qui ne montre pas d’anomalie.
Question 3 - Par quel(s) examen(s) complétez-vous le bilan (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Échographie pelvienne non indiquée, mammographie pourquoi pas en cas d’errance diagnostique, mais pas prioritaire. Une palpation mammaire est indiquée.
Peut être remplacé par radio de thorax + échographie abdominale, en pratique le scanner est plus couramment utilisé dans cette situation.
Pas de symptôme neurovasculaire ici.
Une bili-IRM pourrait se discuter dans un second temps vu la cholestase, mais qui ici semble plutôt secondaire au syndrome inflammatoire biologique.
Pas de plainte concernant les petites articulations.
La patiente vous apporte quatre jours plus tard le résultat du scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection qu’elle a effectué en ville : absence d’anomalie décelée aux étages cervical, thoracique, abdomino-pelvien. Vous reprenez l’interrogatoire et la patiente vous mentionne la survenue de céphalées non pulsatiles différentes de ses migraines habituelles, et partiellement reproduites à la palpation. Elle n’a pas d’autre plainte douloureuse.
Question 4 - Que proposez-vous pour compléter votre prise en charge diagnostique (une ou plusieurs réponses possibles) ? 
Notamment les pouls temporaux car ici on suspecte une artérite à cellules géantes (ACG).
On suspecte une ACG qui peut toucher les troncs supra-aortiques.
Le lymphome reste une hypothèse possible mais la NFS retrouve plutôt une anémie inflammatoire, le scanner thoraco-abdomino-pelvien n’est pas en faveur, et une ACG semble plus probable.
Pas de signes digestifs ou de carence martiale évidente, à réserver dans un second temps en l’absence d’explication pour le syndrome inflammatoire.
Recherche d’aortite ou d’autre hypermétabolisme orientant la prise en charge.
Vous prescrivez un TEP-scan au 18FDG dont la coupe ci-dessous.
Figure (Étienne Crickx, La Revue du Praticien)
Question 5 - Vous constatez (une ou plusieurs réponses possibles) :
L’aspect est celui d’une aortite avec hypermétabolisme des parois de l’aorte ascendante et descendante. 
Devant l’âge de la patiente, les céphalées, le syndrome inflammatoire biologique, et l’aspect de vascularite des gros vaisseaux, vous portez un diagnostic d’ACG. La patiente n’a pas de signes visuels.
Question 6 - Quelle est votre attitude immédiate (une ou plusieurs réponses possibles) ?
La BAT ne doit pas retarder la mise en route de la corticothérapie, d’autant que le diagnostic est déjà posé ici.
Inutile en dehors des cas sévères notamment avec atteinte visuelle.
Généralement recommandés en prévention primaire durant le traitement de la vascularite.
Pour prévention de l’ostéoporose cortico-induite étant donné une durée supérieure à trois mois prévue (après recherche de contre-indication stomatologique et associés à une supplémentation vitamino-calcique).
Références à consulter :
– Haute Autorité de santé. Protocole national de diagnostic et de soins. Artérite à cellules géantes (Horton). 28 mars 2024.
– Briot K, Cortet B, Roux C, et al. Actualisation 2014 des recommandations sur la prévention et le traitement de l’ostéoporose cortico-induite.Rev Rhum 31 juillet 2014.
Vous entamez un suivi en consultation. Après deux mois, la patiente est désormais à 20 mg/j et le syndrome inflammatoire a disparu, mais la tolérance psychiatrique est très mauvaise avec des manifestations anxieuses très invalidantes intriquées avec un syndrome dépressif, la patiente est agitée et menace d’arrêter les corticoïdes. Vous décidez d’adjoindre dès maintenant un traitement d’épargne cortisonique.
Question 7 - Quelle(s) option(s) thérapeutique(s) s’offre(nt) à vous (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Les deux thérapeutiques validées en épargne cortisonique dans l’ACG sont le méthotrexate et le tocilizumab. Ils sont recommandés en cas de rechute à la décroissance de la corticothérapie si les doses sont encore élevées ou bien en cas de mauvaise tolérance ou contre-indication pour faciliter le sevrage. D’autres traitements sont en cours d’évaluation.

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