Monsieur A., 53 ans, est adressé aux urgences par son médecin traitant pour des douleurs abdominales fébriles. Celles-ci sont localisées en fosse iliaque gauche et hypogastre. Elles évoluent depuis quelques jours mais sont devenues plus intenses depuis vingt-quatre heures.

Le patient n’est pas allé à la selle depuis quarante-huit heures mais il conserve des gaz. Il n’a pas de nausées.

Cliniquement, il a une température à 38,2 °C, l’abdomen n’est pas distendu mais la palpation retrouve une franche douleur en fosse iliaque gauche et en hypogastre sans défense. Il n’y a pas de signe fonctionnel urinaire.

Dans ses antécédents, on retient une appendicectomie dans l’enfance, une hypertension artérielle (HTA) traitée par bisoprolol et un diabète insulino-dépendant nécessitant des injections d’insuline sous-cutanées dans la cuisse.

Voici son bilan biologique : globules blancs (GB) = 15 G/L ; hémoglobine (Hb) = 13,7 g/dL ; plaquettes = 300 G/L ; protéine C réactive (CRP) = 80 mg/L ; sodium (Na) = 140 mmol/L ; potassium (K+) = 4,6 mmol/L ; créatininémie = 101 µmol/L.
Question 1 - Devant ce tableau clinique, quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) diagnostique(s) ?
Le diagnostic est possible, il peut en effet donner des douleurs fébriles en fosse iliaque gauche, d’autant que le patient pratique des injections sous-cutanées d’insuline dans sa cuisse, ce qui peut être une porte d’entrée de l’infection.
Le patient conserve un transit sous forme de gaz, son abdomen n’est pas distendu, il n’a pas de nausée ni de vomissement. Il n’est donc pas en occlusion.
Le diagnostic est tout à fait possible, à évoquer ici en première intention devant l’âge (> 40 ans) et la symptomatologie (douleurs fébriles en fosse iliaque gauche et hypogastre).
La torsion du cordon spermatique donne des douleurs d’apparition brutale et non progressive. Par ailleurs, elle est très rare chez l’adulte. Les deux pics de fréquence sont chez le nourrisson et l’adolescent.
Le patient n’ayant pas de signe fonctionnel urinaire et ayant une douleur en fosse iliaque gauche, cette hypothèse est peu probable.
Le diagnostic de poussée aiguë de diverticulite sigmoïdienne doit être avancé en premier lieu en raison :
– de la localisation de la douleur en fosse iliaque gauche ;
– du syndrome inflammatoire : fièvre à 38,5 °C avec hyperleucocytose à la biologie ;
– de l’argument de fréquence de cette pathologie à cet âge (la prévalence des diverticules sigmoïdiens est de plus en plus importante avec l’âge, après 40 ans).
Vous décidez d’étayer vos hypothèses.
Question 2 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demandez-vous ?
La rectosigmoïdoscopie est formellement contre-indiquée en cas de suspicion de diverticule aiguë sigmoïdienne. L’insufflation sur un côlon inflammatoire entraîne un risque de perforation non négligeable. Surtout pas !
Le scanner abdominopelvien avec injection de produit de contraste est l’examen de première intention devant toute suspicion de diverticule aiguë sigmoïdienne, et d’abcès du psoas.
L’opacification digestive basse consiste en une injection intra-rectale de produit de contraste iodé pour opacifier le tube digestif. Cet examen n’est pas recommandé en première intention devant une suspicion de diverticulite. Il est surtout utilisé dans des contextes de fistule colovésicale.
L’infection urinaire ne fait pas partie de nos premières hypothèses diagnostiques, l’échographie des voies urinaires n’est donc pas indiquée ici.
L’ASP est globalement à proscrire devant toute pathologie digestive. Ici, il n’est pas indiqué car l’on suspecte une diverticulite ou un abcès du psoas, mais il ne serait pas non plus indiqué en cas de syndrome occlusif où un scanner serait aussi l’examen de première intention.
Rappel des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2017 sur la prise en charge de la diverticulite aiguë sigmoïdienne :
« Le scanner abdominopelvien est recommandé en première intention pour le diagnostic et la recherche de complications chez un patient suspect de diverticulite aiguë sigmoïdienne. Une injection de produit de contraste veineux est recommandée de manière systématique en l’absence de contre-indication. L’opacification digestive basse n’est pas recommandée de manière systématique dans la prise en charge initiale d’une diverticulite aiguë sigmoïdienne. »
Vous suspectez entre autres une diverticulite aiguë sigmoïdienne, vous demandez donc un scanner abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste. Voici une coupe de ce scanner.
Figure 1 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Question 3 - Quel(s) élément(s) va/vont faire partie de votre prise en charge ?
En l’absence de comorbidité et de contexte social défavorable, une crise de diverticulite non compliquée se traite en ambulatoire. Ici le diabète n’est pas à considérer comme une immunodépression.
Une crise non compliquée se traite de manière symptomatique : paracétamol, Spasfon, Débridat… L’antibiothérapie orale se discute après 48 heures de traitement symptomatique d’évolution défavorable.
En effet, les régimes alimentaires « sans résidus » autrefois recommandés ne sont plus d’actualité. Le patient peut manger ce qu’il veut s’il le tolère.
Surtout, jamais d’anti-inflammatoire sur une infection ! Cela pourrait faire évoluer le patient vers un choc septique.
En effet, le traitement symptomatique doit être réévalué à 48 heures.
Nous sommes ici dans le cadre d’une diverticulite non compliquée, chez un patient sans comorbidité et sans contexte social défavorable. Les dernières recommandations, dans ce contexte, recommandent un traitement symptomatique en ambulatoire.
Ce dernier peut être mis en place en cas de diverticulite non compliquée en l’absence :
– de signes de gravité notamment : pression artérielle systolique ≤ 100 mmHg, fréquence respiratoire ≥ 22/min ou confusion (ceux sont les critères du qSOFA) ;
– d’immunodépression (immunodépression congénitale ou acquise, traitement immunosuppresseur ou immunomodulateur, corticothérapie systémique, cancer évolutif, insuffisance rénale terminale) ;
– de score ASA > 3 (affection invalidante mettant en danger la vie du patient, ou patient moribond) ;
– de grossesse.
En cas de non-réponse à ce traitement, une antibiothérapie par voie orale est recommandée ne dépassant pas sept jours, par amoxicilline-acide clavulanique, ou, en cas d’allergie prouvée aux bêtalactamines, une association fluoroquinolone (lévofloxacine ou ciprofloxacine) et métronidazole.
En cas de signes de gravité, grossesse, score ASA > 3 ou immunodépression, une antibiothérapie par voie intraveineuse, identique à celle proposée dans la diverticulite compliquée, est recommandée.
Une alimentation non restrictive est recommandée au cours du traitement de la diverticulite non perforée si elle est tolérée.
Ci-dessous l’analyse de la coupe scanographique à votre disposition.
La flèche bleue montre l’infiltration de la graisse péricolique. La flèche verte montre les diverticules.
Figure 2 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Vous avez traité avec succès la crise de diverticulite non compliquée de votre patient. Dans les mois qui ont suivi, il a récidivé plusieurs épisodes. Il revient vous voir en consultation un jour, dit être gêné quasi quotidiennement, ne plus pouvoir s’alimenter normalement. Il vous questionne sur la chirurgie prophylactique en cas de maladie diverticulaire.
Question 4 - Que lui répondez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Le traitement chirurgical électif (« à froid ») est à discuter en cas de :
– symptômes persistants après une poussée ou de récidives fréquentes impactant la qualité de vie ;
– au décours d’une diverticulite aiguë compliquée, particulièrement en cas d’abcès/fistule ;
– sténose symptomatique ;
– chez le patient immunodéprimé ou insuffisant rénal chronique.
L’indication chirurgicale ne dépend pas du nombre de poussées mais plutôt du retentissement sur la qualité de vie du patient.
L’âge n’est pas un critère pour décider de la chirurgie.
La voie d’abord de référence est mini-invasive : laparoscopie (= cœlioscopie).
En effet, une prise en charge chirurgicale peut être discutée au décours d’une diverticulite aiguë compliquée, particulièrement en cas d’abcès/fistule.
Le patient décide finalement de ne pas se faire opérer, angoissé à l’idée d’une chirurgie.
Un soir, alors que vous êtes de garde, il revient aux urgences pour de violentes douleurs abdominales diffuses mais prédominant en fosse iliaque gauche. L’examen clinique retrouve une contracture abdominale généralisée. La température est à 39 °C, la fréquence cardiaque à 129 bpm, la tension artérielle à 90/63 mmHg après 500 mL de remplissage par cristalloïdes. Voici les clichés du scanner réalisé.
Figure 3 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Figure 4 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)
Question 5 - Comment interprétez-vous les images (une ou plusieurs réponses exactes) ?
En effet, c’est le croissant gazeux pré-hépatique.
Cf. l’image annotée ci-dessous (figure 5).
Cf. l’image annotée ci-dessous (figure 6).
Cf. l’image annotée ci-dessous (figure 5).
Ce sont des coupes axiales (= transversales).
 
Figure 5 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)

Flèche bleue :  épanchement liquidien péri-hépatique ; flèche rouge : estomac en réplétion ; flèche verte : pneumopéritoine.
Figure 6 (Jean Mathieu Perrin, La Revue du Praticien)

Flèche orange : épanchement péritonéal ; flèches violettes : diverticules coliques.
Le radiologue confirme la présence d’une péritonite aiguë purulente d’origine diverticulaire.
Question 6 - Quelle(s) mesure(s) fait/font partie de la prise en charge de ce patient ?
Ici le patient est en choc septique (hypotension artérielle ne répondant pas au remplissage) sur sa péritonite. Il faut mettre une tri-antibiothérapie comportant des aminosides.
En urgence, en cas d’instabilité hémodynamique, la sigmoïdectomie sans rétablissement de continuité digestive (intervention de Hartmann) est le traitement à effectuer. La résection-anastomose protégée ne peut s’envisager que chez un patient stable sans comorbidités (immunodépression, insuffisance rénale chronique…).
Parce que d’une part l’estomac est plein au scanner, d’autre part le patient va être opéré, donc le risque d’inhalation sera majeur lors de l’anesthésie générale.
Le patient a une fièvre > 38,5 °C, il faut lui prélever des hémocultures, si possible avant mise en route de l’antibiothérapie probabiliste.
Une péritonite secondaire à une perforation doit absolument être opérée !
Le patient a été pris en charge chirurgicalement pour sa péritonite diverticulaire. Il a bénéficié d’une résection sigmoïdienne avec mise en colostomie terminale (intervention de Hartmann). L’évolution postopératoire a été favorable, et la fermeture de la stomie a été réalisée trois mois plus tard sans complication.
Six mois après son intervention, il vous consulte pour une tuméfaction pariétale indolore en regard de la cicatrice médiane.
L’examen clinique retrouve une voussure expansive à la toux, de taille modérée.
Question 7 - Quelle(s) affirmation(s) pouvez-vous donner au patient ?
Une éviscération correspond à une désunion complète de la paroi abdominale avec extériorisation des viscères à travers la peau. Ici, il s’agit d’une éventration, définie comme une hernie postopératoire avec un défect aponévrotique mais sans extériorisation directe des organes.
La chirurgie est indiquée en cas de symptômes gênants (douleurs, gêne fonctionnelle, impact sur la qualité de vie). En cas d’éventration asymptomatique, l’abstention thérapeutique est la règle.
Le port d’une ceinture de maintien abdominal ne prévient pas des complications de l’éventration. Il n’est pas recommandé.
L’éventration expose à un risque d’étranglement herniaire, avec compression du contenu intestinal, ischémie et risque d’occlusion intestinale. C’est la principale complication grave nécessitant une prise en charge chirurgicale en urgence.
Des nausées et vomissements, surtout s’ils s’associent à une douleur brutale, une irréductibilité ou un syndrome occlusif (arrêt des gaz et des selles), doivent faire redouter un étranglement herniaire, complication nécessitant une évaluation en urgence.

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