[Mis à jour le 08/11/24]

Interne aux urgences, vous recevez un patient de 68 ans pour dyspnée fébrile.

À l’interrogatoire, sa femme qui l’accompagne vous informe qu’il est atteint d’un cancer pulmonaire lobaire supérieur et moyen droit, métastasé au foie et au cerveau. Il a eu plusieurs lignes de chimiothérapie qui, devant la mauvaise tolérance, ont été abandonnées.

Les paramètres vitaux notés par l’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO) sont : saturation en oxygène 85 % (en air ambiant), fréquence respiratoire 35/min, fréquence cardiaque 100 bpm, température 39,0 °C, pression artérielle 80/50 mmHg, Glasgow 14.

Son performance status selon l’OMS est de 3 et il est clairement dénutri.
Question 1 - À ce stade, les 3 diagnostics les plus probables sont :
Possible, mais moins probable.
Ça existe, mais c’est rare.
Dyspnée fébrile, contexte de cancer, désaturation, tachypnée.
Dyspnée, contexte de cancer, désaturation, tachypnée, tachycarde.
Peu probable car fièvre à 39 °C.
La température est un peu trop élevée pour une embolie pulmonaire mais, dans ce contexte de cancer, il faut l’évoquer. On recherchera principalement des signes de phlébite.
De même, l’insuffisance cardiaque avec 39 °C est peu probable. Néanmoins, il ne faut pas l’éliminer car dyspnée brutale, âge et patient probablement tabagique (cancer pulmonaire). Il a le droit d’avoir 2 pathologies aiguës concomitantes.
Il est plus probable que le patient ait une infection pulmonaire communautaire, d’autant plus qu’il est immunodéprimé par son cancer et sa dénutrition.
Cancer pulmonaire métastatique = non opérable.
Le patient est en sepsis car hypotendu.
Définition du sepsis
Dysfonction d’organe secondaire à une réponse inappropriée de l’hôte envers une infection.
En pratique, diagnostic si score SOFA ≥ 2 ou augmentation de ≥ 2 points si dysfonction d’organe présente avant infection :
• Pression artérielle systolique ≤ 100 mm Hg
• Fréquence respiratoire ≥ 22/mn
• Confusion
Définition du choc septique (tous les critères ci-dessous) :
– sepsis ;
– vasopresseurs QSP PAM ≥ 65 mm Hg ;
– lactate > 2 mmol/L (18 mg/dL) ;
– malgré la correction d’une hypovolémie.
Rappel de l’échelle de performance de l’OMS :
0 : asymptomatique (activité normale : aucune restriction à poursuivre les activités précédant l’affection) ;
1 : symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et d’assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage) ;
2 : symptomatique, alité moins de 50 % de la journée (capable de se déplacer seul et de s’occuper de soi-même mais incapable de produire un travail léger) ;
3 : symptomatique, alité plus de 50 % de la journée, sans y être confiné (capable de prendre soin de soi-même de manière limitée, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée) ;
4 : confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même, confiné au lit ou au fauteuil) ;
5 : mort.
Question 2 - Les arguments en faveur d’une embolie pulmonaire sont :
Cancer = risque d’embolie pulmonaire.
L’embolie pulmonaire peut donner un fébricule mais pas 39 °C.
Alitement (> 50 % du temps).
Pourquoi le cancer est-il un risque d’embolie pulmonaire ? Surexpression du facteur tissulaire dans tous les types de cancer.
Ce facteur se lie au facteur VII, initiant ainsi la cascade de coagulation par voie extrinsèque. Le facteur tissulaire est un facteur important mais loin d’être unique.
Question 3 - S’il s’agit d’une embolie pulmonaire, l’hypoxie du patient s’explique par (une ou plusieurs réponses exactes) :
Zones ventilées non perfusées.
Pas d’atteinte de la barrière alvéolo-capillaire.
Zones mal ventilées.
Zones perfusées non ventilées.
Hypoxie dans l’embolie pulmonaire : hypoventilation alvéolaire due à la bronchoconstriction. Il s’agit donc d’un effet shunt. Il y a aussi un shunt vrai par atélectasie et un effet espace mort par amputation du champ vasculaire pulmonaire.
À l’examen physique, vous ne retrouvez pas de turgescence jugulaire ni de reflux hépato-jugulaire, pas d’œdème des membres inférieurs. Les mollets sont souples. La palpation abdominale est indolore mais la femme du patient vous apprend qu’il a eu la diarrhée la veille. À l’auscultation pulmonaire vous percevez des râles crépitants en base gauche.
Question 4 - S’il s’agit d’une pneumopathie infectieuse, l’hypoxie du patient s’explique par (une ou plusieurs réponses exactes) :
A priori pas de zones non perfusées.
N’entraîne pas l’hypoxie en tant que telle.
Zones mal ventilées par comblement alvéolaire.
Zones non ventilées par obstruction bronchique complète (atélectasie).
La vasoconstriction hypoxique est un mécanisme compensateur de l’hypoxie. C’est la conséquence de l’hypoxie dans les zones mal ventilées, cela entraîne une vasoconstriction et une redistribution vasculaire dans les zones mieux ventilées.
La radiographie thoracique confirme une pneumopathie de la base gauche. Le patient est déjà sous oxygénothérapie. Vous débutez une antibiothérapie probabiliste et vous décidez, après discussion avec votre senior, de débuter un remplissage vasculaire prudent afin d’améliorer la pression artérielle. Votre externe vous demande quels solutés sont indiqués en première intention dans le traitement d’une hypotension artérielle par hypovolémie dans un sepsis.
Question 5 - Vous lui répondez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Surviving sepsis campaign 2012 : cristalloïdes en première intention (= chlorure de sodium 0,9 % ou Ringer lactate).
Pas de colloïdes (hydroxyéthylamidon et gélatines).
Devant l’absence d’amélioration hémodynamique, vous demandez l’avis du réanimateur de garde.
Question 6 - Si vous étiez à la place du réanimateur (une ou plusieurs réponses exactes) :
Non, l’âge seul n’est pas un critère de limitation thérapeutique.
Non, au vu des antécédents, cela ne semble pas raisonnable.
Elle est licite, pour essayer de passer le cap.
On est encore à la phase aiguë.
Plusieurs critères sont évalués afin de décider de débuter des soins « agressifs » ou de limiter les soins chez un patient :
– antécédents ;
– âge ;
– autonomie.
Ici, le patient a un cancer broncho-pulmonaire métastasé donc < 2 % de survie à 5 ans si cancer non à petites cellules. Si cancer à petites cellules, < 5 % (médiane de survie 9 mois…). Il faut avoir une idée du pronostic des principaux cancers !
De plus (du domaine de la spécialité), intuber un patient dénutri = échec de l’extubation assuré...
Trois indications de la ventilation non invasive qui pourrait se discuter dans cette situation :
– œdème aigu du poumon ;
– décompensation de BPCO ;
– pneumopathie infectieuse chez l’immunodéprimé (c’est le cas du patient car cancer et dénutri).
Il est décidé avec le réanimateur de débuter une ventilation non invasive, l’intubation semblant déraisonnable. Vous expliquez au patient et à sa femme les possibilités thérapeutiques et votre décision de ne pas entreprendre de soins agressifs. Sa femme vous répond qu’il est conscient de la gravité de son cancer et qu’il ne souhaite pas d’acharnement thérapeutique. Il intervient pour signaler son refus de la ventilation non invasive.
Question 7 - D’après la loi Leonetti (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le patient est capable d’exprimer sa volonté (discutable dans ce contexte d’acidose et de sepsis).
En situation d’urgence on peut toujours faire et revoir, ce sont les termes de la loi, mais il est conseillé de les suivre…
Contexte palliatif, inutile d’insister.
Si le patient est considéré comme capable d’exprimer sa volonté :
– il peut refuser tout traitement ;
– ce refus doit être réitéré dans un délai raisonnable ;
– en dehors des situations d’urgences non anticipées, le médecin a l’obligation de respecter ce refus ;
– la décision motivée doit être inscrite dans le dossier.
Le patient réitère son refus de la ventilation non invasive. Il vous dit avoir des difficultés à respirer, la PA est à 121/75 mmHg, la FR est à 25/min et la SpO2 à 97 % sous 5 L/m d’O2.
Question 8 - Afin d’accompagner le patient et de le soulager dans sa dyspnée (une ou plusieurs réponses exactes) :
À visée eupnéisante.
À adapter à la saturation en oxygène.
Oui, si le patient est anxieux, agité.
Non, des anticholinergiques !
Le patient refuse la ventilation non invasive, mais vous devez continuer à le soigner, il peut très bien passer le cap de la pneumopathie avec les antibiotiques. Mais il faut aussi qu’il soit confortable.
Son confort s’améliore sous morphine 10 mg/4 h SC. La fièvre cède après 48 heures, mais il a perdu toute autonomie. Il est finalement transféré en unité de soins palliatifs. Vous êtes le médecin de l’USP. Après 24 heures d’hospitalisation, il vous demande « d’accélérer les choses »…
Question 9 - Votre réaction est (une ou plusieurs réponses exactes) :
Différence entre demande d’euthanasie et souhait de mourir.
Il faut parler/écouter/analyser/comprendre sa demande. Il y a des motifs de demande d’euthanasie comme la douleur que l’on peut traiter !
Ne pas hésiter à être direct avec le patient : « Pourquoi souhaitez-vous mourir ? »
Après avoir discuté avec le patient, vous mettez en évidence une douleur costale d’intensité variable qui n’est pas soulagé par les 10 mg/4 h de morphine SC.
Vous tentez d’en savoir plus sur cette douleur. Il vous décrit une douleur qui ne s’intensifie pas forcément à la mobilisation. De la main, il vous montre un territoire costal droit entre la 5e et la 7e côte. Quand vous touchez cette zone, il vous dit avoir une sensation bizarre.
Question 10 - Les éléments à l’interrogatoire et à l’examen clinique en faveur d’une douleur neuropathique sont :
Avant de traiter une douleur, comprendre le mécanisme ! On ne traite pas de la même façon une douleur nociceptive et une douleur neuropathique.
Douleur neuropathique :
– sémiologie : composante continue ou paroxystique, composante spontanée ou évoquée, descripteurs particuliers (brûlure, décharges électriques…), dyesthésies, paresthésies (picotements, fourmillements, engourdissement, démangeaisons) ;
– examen clinique : signes négatifs ou déficitaires (hypoesthésie, anesthésie, hypoalgésie). Signes positifs ou douleurs provoquées (allodynie notamment au frottement ; hyperalgésie notamment au froid, à la piqûre).
Question 11 - Pour traiter une douleur neuropathique, vous introduisez comme médicament en première intention (une ou plusieurs réponses exactes) :
En première intention :
– antidépresseurs tricycliques ;
– antiépileptiques de la classe des gabapentinoïdes ;
– antidépresseurs mixtes (IRSNA) ;
– emplâtres de lidocaïne ;
– stimulation électrique transcutanée.
En deuxième intention :
– association des traitements de première intention ;
– patches de capsaïcine à haute concentration ;
– tramadol.
En dernière intention :
– morphiniques forts ;
– stimulation centrale (notamment médullaire) ;
– drezotomie dans des situations cliniques particulières.
La douleur s’avère être mixte : neuropathique et par excès de nociception probablement par envahissement costal de la tumeur.
Question 12 - Pour soulager la douleur du patient, vous proposez de (une ou plusieurs réponses exactes) :
Effet synergique avec la morphine.
Effet anti-inflammatoire intéressant sur un envahissement costal.
Déjà sous morphine.
Les connaissances sur les antalgiques doivent être solides. La prise en charge de la douleur est primordiale dans n’importe quelle situation.
Ayez la PCA morphine large, car gérée par le patient, moins de surdosage puisque dose limitée, sauf en cas d’insuffisance rénale.
Malgré vos efforts, la douleur du patient est insupportable et il réitère son souhait de mourir. Après concertation pluridisciplinaire, évaluation psychologique et discussion avec le patient et sa femme, vous lui proposez de débuter une sédation à visée anxiolytique et antalgique. Sa femme, qu’il a désignée comme personne de confiance, vous apprend qu’il avait rédigé des directives anticipées.
Question 13 - À propos de la sédation pour symptôme réfractaire pour ce patient (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il ne faut pas arrêter les antalgiques, car les benzodiazépines n’ont pas d’action antalgique.
L’objectif est de soulager le patient.
Échelle de Rudkin :
– patient complètement éveillé et orienté ;
– patient somnolent ;
– patient avec les yeux fermés, mais répondant à l’appel ;
– patient avec les yeux fermés, mais répondant à une stimulation tactile légère (traction sur le lobe de l’oreille) ;
– patient avec les yeux fermés et ne répondant pas à une stimulation tactile légère.
Finalement, une sédation transitoire est débutée. La sédation est levée après 3 jours, le patient est plus confortable sur le plan de la douleur, mais il reste très polypnéique et sa saturation en oxygène est à 80 % malgré une oxygénothérapie à 12 L/m au masque. Vous revenez le voir en fin de journée et vous le retrouvez en train de gasper, il est Glasgow 3.
Question 14 - Vous décidez de (une ou plusieurs réponses exactes) :
Non, le patient est en soins palliatifs !
Patient en agonie, mort imminente donc oui, il faut prévenir la famille.
Non, pas encore.
Le décès est imminent, les traitements sont inutiles.
Le décès est imminent, les traitements sont inutiles.
Glasgow 3 + gasps = phase agonique.
Phase agonique = apparition des signes de décérébration, processus irréversible, schématiquement l’oxygénation cérébrale diminue progressivement en commençant par la périphérie vers le centre. À la fin il reste le tronc, les gasps sont un réflexe du tronc.
Les traitements dont l’oxygène ne servent donc strictement à rien sinon prolonger son état agonique.
Sa famille vous apprend que M. P. aurait souhaité donner ses organes.
Question 15 - Vous décidez donc de (une ou plusieurs réponses exactes) :
C’est vrai pour tout sauf les cornées.
C’est vrai pour tout sauf les cornées.
Y penser +++.
Contre-indications au don de tissus et de cellules à des fins allogéniques (Légifrance. Article Annexe II – Arrêté du 4 novembre 2014 fixant les modalités de sélection clinique des donneurs d'organes, de tissus et de cellules. 15 novembre 2014)
Notamment :
– les donneurs porteurs de maladies malignes peuvent faire l’objet d’une évaluation et être retenus pour un don de cornée, à l’exception de ceux atteints d’un cancer atteignant l’œil, ou d’une hémopathie maligne ;
– une infection systémique qui n’est pas contrôlée au moment du don, y compris les maladies bactériennes, les infections virales, fongiques ou parasitaires généralisées, ou une infection locale significative des tissus et des cellules à donner. Dans cette situation, le sepsis est contrôlé.
Dans le doute, toujours appeler le coordinateur de prélèvements.

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