Une patiente de 24 ans, secrétaire médicale, se présente pour l’apparition d’une gêne visuelle de l’œil gauche qui évolue depuis quelques heures. Elle a ressenti, alors qu’elle conduisait, une baisse d’acuité visuelle (BAV) avec apparition d’une tache noire centrale, dit-elle.

À l’examen, son œil est blanc, non douloureux en position neutre, mais à la mobilisation apparaît une sensation de tension péri-orbitaire. Vous ne constatez pas de trouble de l’oculomotricité et les réflexes pupillaires sont normaux. Vous constatez une pseudo-dilatation de la pupille à l’éclairage de l’œil gauche après simulation lumineuse de l’œil droit dans la pénombre.

Elle n’a pas d’antécédent particulier notamment neurologique. Elle fume 5 cigarettes par jour depuis l’âge de 16 ans. Elle prend une contraception hormonale orale.
Question 1 - Le tableau clinique vous évoque :
Œil rouge souvent douloureux (position neutre et à la mobilisation) +/- BAV, larmoiement, photophobie, blépharospasme.
Œil rouge souvent douloureux en myosis cercle périkératique, phénomène de Tyndall.
Jeune femme avec BAV unilatérale d’installation rapide + douleur à la mobilisation de l’œil + déficit pupillaire afférent relatif homolatéral. Évoquer une NORB.
Œil blanc, très douloureux, tendu, avec semi-mydriase aréflexique avec BAV importante.
BAV brutale souvent précédée d’une amaurose fugace, indolore ; diminution du réflexe photomoteur direct.
Queston 2 - Dans le cas d’une suspicion de NORB typique, les examens que vous réalisez et les résultats attendus sont les suivants :
Réaliser un fond d’œil est indispensable à visée diagnostique : normal à la phase aiguë de la NORB ou œdème papillaire modéré unilatéral, possible pâleur temporale ultérieure et pour éliminer un diagnostic différentiel : hypertension intracrânienne (HTIC), névrite ischémique ou infectieuse, par exemple.
Voir commentaire réponse 1.
Faux car c’est l’œil gauche qui est en cause ; sinon il est possible de retrouver un scotome à cet examen, d’autant que la patiente allègue la présence d’une tache noire centrale gauche.
La NORB est un mode d’entrée fréquent dans la sclérose en plaques (SEP) [un tiers des cas], il faut donc rechercher des arguments à l’IRM, tout en précisant dans ce cas la nécessité de séquences orbitaires centrées sur les nerfs optiques (pour rechercher un œdème du nerf optique avec rupture de barrière).
La réalisation des PEV ne fait pas partie du bilan de première intention mais peut être utile en cas de situation douteuse. Il sera retrouvé un allongement des latences de la vitesse de conduction (onde P100). C’est une atteinte démyélinisante.
Le diagnostic de NORB de l’œil gauche est finalement retenu grâce à un champ visuel retrouvant un scotome central gauche, l’évaluation de l’acuité visuelle à 4/10 à gauche au test de Monoyer et un fond d’œil normal. Une sclérose en plaques (SEP) est suspectée. Une IRM cérébrale et une ponction lombaire sont pratiquées dans ce cadre.
Voici des coupes de son IRM cérébrale.
Image 1 (source : auteur)
Image 2 (source : auteur)

L’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) montre :
3 éléments ;
0,45 g/L protéinorachie ;
pas de synthèse intrathécale d’immunoglobulines ;
examen cytobactériologique et viral sans germe retrouvé.
Question 3 - Sur la base de ce premier épisode de NORB et des résultats de ces examens, concernant l’hypothèse d’une SEP, vous pouvez dire à la patiente :
Ici la patiente a une NORB isolée, sans anomalie intra-parenchymateuse sur les coupes disponibles, pas d’histoire clinique neurologique antérieure et une analyse du liquide cérébro-spinal (LCS) sans anomalie. Ceci est un syndrome cliniquement isolé (un épisode clinique sans les critères IRM de SEP) qui ne remplit pour le moment pas les critères de dissémination temporo-spatiale.
On parle de syndrome radiologiquement isolé lors de la découverte fortuite d’une lésion d’allure démyélinisante qui remplit les critères de SEP mais sans correspondance avec la clinique. Potentiel diagnostic infraclinique de SEP.
Rappels des derniers critères diagnostiques de SEP : Thompson et al., Diagnosis of multiple sclerosis: 2017 revisions of the McDonald criteria, Lancet Neurol, 17.2 (2018): 162-173.
Dissémination spatiale : plusieurs territoires atteints cliniquement, au moins deux territoires atteints en IRM parmi : le territoire périventriculaire, le trajet des nerfs optiques, la région sous/juxta- et intracorticale, la fosse postérieure, la moelle épinière. Particularité des nouveaux critères : prendre en compte les lésions de la fosse postérieure et de la moelle symptomatiques.
Dissémination temporelle : plusieurs poussées cliniques dans le temps, apparition de nouvelles lésions entre les IRM, ou certaines lésions prennent le contraste et pas d’autres sur une même IRM, ou apparition d’une synthèse intrathécale dans le LCS.
Trois heures après votre ponction lombaire, la patiente se plaint d’une douleur dans le bas du dos et d’une céphalée en casque très désagréable au lever avec tension nucale et vomissement. Elle est apyrétique et le bilan biologique du jour ne relevait pas d’anomalie notable (numération formule sanguine [NFS], hémostase, ionogramme, urée, créatinine et protéine C réactive [CRP]).
Question 4 - Le diagnostic qui vous semble le plus probable dans cette situation est :
Sémiologie non évocatrice
Les céphalées induites après réalisation d’une ponction lombaire sont liées à la brèche créée au niveau de la dure-mère par l’aiguille.
Clinique évocatrice : céphalées positionnelles qui peuvent apparaître dans le quart d’heure, maximum dans les 5 jours, avec raideur nucale, phono-, photophobie, nausée, douleur lombaire, acouphène, hypoacousie.
Facteurs de risque : jeune femme, mince, terrain céphalalgique. Type/taille d’aiguille.
La céphalée ne répond pas aux critères de l’International Headache Society (IHS) de migraine.
Pas d’argument infectieux sur la clinique, la biologie du jour, les résultats de la ponction lombaire éloigneront ce diagnostic qui n’est pas le plus probable ici.
Sémiologie non évocatrice.
Question 5 - La prise en charge de première intention que vous proposez devant ce syndrome de céphalée apparu en post-ponction lombaire est :
Protocole de soins proposé :
1. Décubitus dorsal : à visée symptomatique.
2. Paracétamol/anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) : posologie habituelle + bonne hydratation + repos en décubitus dorsal.
3. Caféine : 300 mg par voie intraveineuse (IV) à renouveler à 2 heures puis toutes les 6 heures en fonction de la persistance des céphalées.
4. Blood patch : si échec des mesures simples : injection de sang autologue dans l’espace péridural pour colmater la brèche/pression sur le sac dural qui augmente la pression du LCS/irritation méningée avec vasoconstriction réflexe.
1) Turnbull DK, Shepherd DB. Post-dural puncture headache: pathogenesis, prevention and treatment. Br J Anaesth 2003; 91(5):718-29. 2) Candido KD, Stevens RA. Post-dural puncture headache: pathophysiology, prevention and treatment. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2003;17(3):451-69.

 

Le tableau céphalalgique post-ponction lombaire régresse en quelques jours grâce à votre prise en charge. Un bolus de corticoïdes est ensuite réalisé en hospitalisation pour la prise en charge de sa névrite optique. Elle sort d’hospitalisation. Un suivi clinico-radiologique est organisé. Malgré cela, la patiente est perdue de vue et vous ne la revoyez que 3 ans plus tard en consultation.
Elle vous explique présenter un épisode de déficit des membres qui prédomine sur les membres inférieurs depuis 3 jours avec des difficultés pour uriner et une douleur électrique le long du dos à l’extension du cou.
À l’examen clinique il existe une parésie proximo-distale des 4 membres, des réflexes ostéo-tendineux vifs, des réflexes cutanéo-plantaires en extension bilatérale, les réflexes abdomino-cutanés sont abolis et la patiente semble moins bien sentir lorsque vous testez la sensibilité protopathique sous les omoplates.
Elle a réalisé une IRM cérébrale retrouvant une lésion non rehaussée juxta-corticale pariétale gauche, le nerf optique gauche ne prend plus le contraste.
Voici des images de son IRM cervicale :
Image 3 (source : auteur)
Image 4 (source : auteur)
Question 6 - À partir de l’ensemble des éléments présentés vous pouvez dire à la patiente :
Deuxième poussée clinique (après la NORB) avec apparition d’une atteinte d’un nouveau territoire (médullaire). Pour rappel, dans les nouveaux critères on compte les lésions médullaires symptomatiques.
Idem, nouvel épisode clinique et présence concomitante sur l’IRM cérébrale d’une nouvelle lésion ne prenant pas le contraste et d’une nouvelle lésion cervicale (C4) sur l’image 3, prenant le contraste sur la séquence T1 post-gadolinium (image 4).
Une nouvelle prise en charge par bolus de corticoïdes est proposée. Devant la sévérité de cette poussée, la charge lésionnelle médullaire, il est décidé de mettre en place un traitement de fond par immunothérapie. La patiente exprime son désir de grossesse, mais elle est inquiète et vient vous voir pour des renseignements.
Question 7 - Parmi les allégations suivantes, la(les)quelle(s) est(sont) vraie(s) :
La période de la grossesse, notamment les 2e et 3e trimestres sont souvent des périodes d’accalmie dans la maladie, probable participation hormonale.
Par contre, le post-partum est une période à fort risque de réactivation de la maladie, probable participation de la chute hormonale.
La SEP n’est pas une maladie héréditaire au sens mendélien.
Il existe une susceptibilité génétique qui peut se transmettre au sein de la famille.
Dans les traitements de première ligne, certains sont acceptés durant la grossesse, mais le dogme reste de limiter les prises médicamenteuses durant la grossesse sans mettre la mère en danger.

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