Une femme de 28 ans se présente aux urgences ophtalmologiques pour une baisse d’acuité visuelle (BAV) importante de l’œil droit. Elle n’a pas d’antécédent particulier en dehors d’une myopie forte bien corrigée par des lunettes ou lentilles souples. En la voyant s’installer sur le fauteuil d’examen vous constatez que ses deux yeux sont blancs, non inflammatoires.
Question 1 - Vous pourriez suspecter :
On recherche ici les causes de BAV avec un œil blanc chez une jeune femme de 28 ans.
Les réponses justes sont le décollement de rétine dont la myopie forte est un facteur de risque et la névrite optique rétrobulbaire.
L’uvéite antérieure donne un œil rouge ; une DMLA exsudative, comme son nom l’indique, se retrouve chez les personnes âgées et la patiente n’est pas diabétique.
En poussant l’interrogatoire vous apprenez que cette BAV est associée à des douleurs rétro-orbitaires qui sont augmentées à la mobilisation de l’œil droit ; par ailleurs, elle rapporte un épisode de paresthésies du membre supérieur gauche il y a deux ans, spontanément résolutives.
Question 2 - Avec ces informations supplémentaires, vous pourriez suspecter, d’un point de vue général et ophtalmologique :
Chez cette patiente on suspecte fortement une névrite optique rétrobulbaire devant le tableau de BAV sur un œil blanc associée à des douleurs rétro-orbitaires, le tout chez une femme jeune. On peut penser également à une SEP rémittente récurrente du fait d’un épisode sensitif, survenu il y a quelques années, d’évolution favorable. La forme primaire progressive va donner une BAV, un nystagmus, des troubles oculomoteurs d’installation progressive sur le plan ophtalmologique. Sur le plan général, elle se caractérise également par une atteinte motrice et sensitive progressive sans amélioration (ici les paresthésies ont été d’amélioration spontanée).
La kératoconjonctivite virale donne des picotements ou douleurs mais plutôt superficielles avec sensation des corps étranger et avec un œil rouge, un chémosis, un blépharospasme et non des douleurs rétro-orbitaires avec œil blanc.
Une orbitopathie dysthyroïdienne peut donner des douleurs rétro-orbitaires avec exceptionnellement une BAV en cas de compression du nerf optique, mais le tableau est celui d’un syndrome orbitaire, exophtalmie bilatérale avec rougeurs oculaires, paralysie oculomotrice chez un patient présentant une hyperthyroïdie.
Vous commencez l’examen par une autoréfractométrie et la mesure de l’acuité visuelle.
Question 3 - Avec ces examens vous pourrez retrouver comme valeurs :
La patiente est myope forte. La définition d’une myopie forte est une mesure de la réfractométrie inférieure à -6 dioptries ou une longueur axiale supérieure à 26 mm. Le signe + correspond à une hypermétropie avec la nécessité de mettre des verres positifs (également appelés convergents). Le signe – correspond à une myopie avec la nécessité de mettre des verres négatifs (également appelés divergents).
La mesure de l’acuité visuelle de près s’exprime avec l’échelle de Parinaud et celle de loin (le plus souvent) en 10e avec l’échelle de Monoyer (il existe également l’échelle de Snellen, ETDRS cette dernière étant plus utilisée en cas de DMLA).
La mesure de l’acuité visuelle est revenue à 3/10 Parinaud 8 pour l’œil droit et 10/10 Parinaud 2 pour l’œil gauche.
La pression intraoculaire est normale à 12 et 13 mmHg.
À la fin, vous suspectez fortement une névrite optique rétrobulbaire droite chez cette femme jeune.
Vous testez les réflexes pupillaires aux deux yeux.
Question 4 - Vous vous attendez à retrouver :
En cas de névrite optique rétrobulbaire, il existe un ralentissement de l’influx nerveux afférent (vers le cortex occipital) au niveau du nerf optique qui est inflammé. Il existe donc un retard du myosis lors de l’éclairement alterné des deux yeux au niveau de l’œil touché responsable d’une mydriase paradoxale à l’éclairement. En revanche, si l’on examine uniquement l’œil droit dans ce cas sans avoir éclairé l’œil gauche auparavant on constatera un myosis à l’éclairage avec donc un réflexe photomoteur direct normal (le retard ne sera pas perçu), de même que le consensuel gauche. Le signe de Marcus Gunn est également appelé déficit pupillaire afférent relatif. Afférent car la diminution de la vitesse d’influx concerne le nerf II afférent au cortex occipital et relatif car il est visible lors de l’éclairement alterné des deux yeux.
Question 5 - À la lampe à fente vous pourrez constater :
L’examen lors d’une névrite optique est le plus souvent normal tant au niveau du segment antérieur que du fond d’œil. Il existe un œdème papillaire dans un tiers des cas.
Question 6 - Devant cette forte suspicion de névrite optique rétrobulbaire, vous réalisez :
L’angiographie n’est pas nécessaire devant une névrite optique typique. On complète par une OCT papillaire à la recherche d’un œdème papillaire infraclinique ou d’une atrophie optique qui signerait un épisode de poussée passée inaperçue.
Le champ visuel est un examen indispensable au diagnostic et surtout pour le suivi d’une névrite.
Les potentiels évoqués visuels montreraient un ralentissement de l’influx nerveux mais ne sont pas spécifiques et donc non nécessaires au diagnostic.
Vous complétez encore l’examen par une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et centrée sur les voies optiques dont voici deux coupes (figures 1 et 2) :
Figure 1 (source : G. Kielwasser)
Figure 2 (source : G. Kielwasser)
Question 7 - Vous analysez ces deux coupes :
Figure 1 : coupe axiale en coupe T1, en effet on a une séquence dite anatomique avec la substance grise qui est grise et la substance blanche (par opposition à la séquence en T2 dite anti-anatomique). Il y a une injection de gadolinium avec rehaussement des sinus veineux. De plus, on peut s’orienter avec une séquence T1 car le liquide cérébrospinal dans les ventricules latéraux est noir.
Figure 2 : il s’agit d’une séquence en T2 car le coupe est anti-anatomique : en effet la substance blanche est ici grise et la substance grise est blanche. En temps normal, le liquide cérébrospinal est blanc (en hypersignal dans les coupes en T2), ici son signal a été supprimé, c’est donc un T2 FLAIR (pour fluid attenuated inversion recovery).
Finalement, l’IRM confirme le diagnostic de névrite optique rétrobulbaire droite et montre un foyer ancien périventriculaire gauche et un foyer récent sous-tentoriel.
Question 8 - Les caractéristiques de ces foyers sont les suivantes :
Un foyer actif est caractérisé par un hypersignal en séquence T2 ainsi qu’une prise de gadolinium.
Un foyer ancien est également en hypersignal T2 mais ne prend pas le gadolinium. C’est ce qui permet de faire la différence et d’avoir le critère de dissémination temporelle.
Question 9 - Voici votre prise en charge :
On hospitalise la patiente pour le traitement par corticoïdes IV à la dose de 1 g par jour pendant 3 jours.
La corticothérapie per os à dose moyenne a montré une augmentation de la fréquence des poussées. Ils sont administrés en bolus sur la matinée 3 jours de suite.
Il n’y a pas besoin de mettre de traitements substitutifs par calcium, vitamine D, biphosphonates lors d’une cure courte.
Question 10 - Vos précautions préalables et au cours de l’administration des corticoïdes sont les suivantes : 
Préalablement à la prescription de bolus de corticoïdes, il convient de faire un bilan sanguin avec dosage :
– la CRP à la recherche d’un syndrome inflammatoire pouvant être le reflet d’une infection qui contre-indiquerait les bolus ;
– une BU à la recherche d’une infection urinaire pauci-symptomatique ;
– ionogramme sanguin et bilan rénal à la recherche d’une dyskaliémie qui pourrait être aggravée par les corticoïdes ;
– un bilan hépatique, les bolus pouvant être responsables d’une insuffisance hépatique.
Il faut par ailleurs :
– rechercher à l’interrogatoire un voyage récent en pays tropical qui pourrait nécessiter un traitement antiparasitaire pour éviter une anguillulose maligne ;
– réaliser un examen clinique complet à la recherche notamment de signes d’insuffisance cardiaque droite ou gauche, de thrombose veineuse profonde, de foyers infectieux latents ;
– faire un ECG, les bolus pouvant décompenser une insuffisance cardiaque.
Parallèlement à l’administration des corticoïdes il faut prescrire des bas de contention, les corticoïdes étant prothrombogènes, et la prise de la température quotidiennement ; on peut éventuellement proposer un somnifère et un inhibiteur de la pompe à protons.
La patiente bénéficie également d’une ponction lombaire.
Question 11 - À propos de la ponction lombaire CHEZ CETTE PATIENTE : 
La ponction lombaire n’est pas indispensable chez cette patiente au diagnostic de SEP. En effet cette patiente avait déjà les critères de dissémination temporelle (foyer actif prenant le contraste et ancien) et spatiale (différentes zones anatomiques touchées). Elle est nécessaire au diagnostic si le critère de dissémination temporelle n’est pas présent.
Une ponction lombaire doit se faire sous le cône terminal qui se situe en général en regard du bord inférieur de la vertèbre lombaire L1 ou en regard du corps vertébral de L2.
Une ponction lombaire dans le cadre d’une SEP peut être normale mais montre le plus souvent une inflammation avec une présence de bandes oligoclonales, un index des IgG augmenté (> 0,7) témoin de la synthèse intrathécale d’IgG. De manière moins constante et surtout moins spécifique, on peut constater une hyperprotéinorachie et une augmentation modérée des cellules inflammatoires (lymphocytes principalement).
Vous la revoyez en contrôle trois mois après l’épisode aigu.
Elle est soulagée car elle a récupéré une bonne acuité visuelle. En effet elle présente une acuité à 10/10 Parinaud 2 aux deux yeux. Elle se plaint uniquement d’une BAV transitoire lorsqu’elle pratique son footing hebdomadaire.
Question 12 - Concernant la récupération visuelle suivant une neuropathie optique rétrobulbaire (NORB) :
La majorité des patients augmentent leur acuité visuelle avec cependant une vision moins bonne en faible contraste ; certains, en revanche, ne récupèrent pas au niveau de l’acuité visuelle. Le principal facteur de risque de non-récupération est l’importance de la baisse initiale : en effet plus l’acuité visuelle est basse au moment de la poussée, moins la récupération est bonne. Le traitement par corticoïdes a pour but d’accélérer la récupération mais ne permet pas d’améliorer le pronostic visuel. Le seul facteur pronostique de récupération visuelle est l’acuité visuelle lors de la poussée.
Elle présente en effet un phénomène d’Uhthoff qui se manifeste par des BAV transitoires lors de l’augmentation de la température corporelle, notamment lors d’un effort physique ou d’une ambiance chaude (douche, sauna). Il est une conséquence de la thermolabilité des axones du nerf optique.
Vous avez ensuite perdu de vue Madame M. qui a arrêté son traitement de fond. Elle revient en urgence trois ans plus tard vous consulter car elle présente cette fois une vision double supprimée à l’occlusion d’un œil mais sans BAV.
À l’examen des motilités oculaires, vous constatez les anomalies suivantes (figure 3).
Figure 3 (source : G. Kielwasser)
Question 13 - Cette patiente a :
La patiente a une diplopie binoculaire, celle-ci étant résolutive à l’occlusion d’un œil.
Ici il existe une paralysie de l’adduction de l’œil gauche, mais la convergence est conservée. Les abductions sont normales aux deux yeux.
Question 14 - Il existe donc :
La patiente a une ophtalmoplégie internucléaire gauche. Il s’agit d’une atteinte du faisceau longitudinal médian homolatéral (donc gauche ici) reliant le noyau du VI controlatéral (droit) au noyau du III homolatéral (gauche). En effet, ces deux noyaux sont reliés entre eux afin de permettre la coordination des deux yeux dans le regard latéral.
Madame M. a donc une nouvelle poussée de sa SEP, manifestée par une ophtalmoplégie internucléaire conséquence de l’atteinte du faisceau longitudinal médian pour laquelle elle est traitée. Vous souhaitez introduire à nouveau un traitement de fond de première ligne.
Question 15 - Vos possibilités sont :
Les trois premiers traitements sont des traitements de seconde ligne dont les effets secondaires et le coût sont plus importants.

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