Vous êtes interne de neurologie de garde aux urgences. Dans la soirée, un homme de 36 ans consulte pour une forte douleur de l’œil droit. Elle a démarré vers 14 h sans événement déclencheur particulier, et n’a fait qu’augmenter depuis, arrivant à une évaluation à 9/10 par le patient, principalement lorsqu’il essaie de mobiliser son regard. 

Il n’a pas d’antécédent connu hormis une appendicectomie il y a 4 ans et une mononucléose à ses 25 ans, ses vaccins sont à jour, il ne prend pas de traitement. Il fume 1 paquet de cigarettes par jour depuis ses 16 ans, boit environ 3-4 verres d’alcool par semaine. Il n’a pas voyagé récemment.

Vous examinez son œil : il vous dit que l’ouvrir lui donne rapidement mal à la tête car cet œil « voit flou » depuis 1 heure. L’œil n’est pas rouge, les pupilles sont symétriques et réactives. Après exposition à la lumière, les réflexes photomoteurs direct droit et consensuel gauche sont abolis, alors que les consensuel droit et direct gauche sont retrouvés intacts.

Le patient est apyrétique. L’examen cardiovasculaire est sans particularité, les champs pulmonaires sont libres et il ne tousse pas, l’examen cutané ne retrouve pas d’anomalie, il n’a pas de déficit sensitivomoteur, pas de syndrome cérébelleux, les réflexes ostéotendineux sont retrouvés bilatéraux et symétriques, et les paires crâniennes, en dehors de cette baisse de l’acuité visuelle, sont intègres.
Question 1 - Devant ce tableau, vous évoquez en priorité (une ou plusieurs réponses exactes) : 
L’œil serait plutôt rouge, non douloureux (une simple gêne), sans baisse de l’acuité visuelle.
L’œil serait bien douloureux avec une baisse de l’acuité visuelle, mais il serait également rouge.
Les atteintes vasculaires de la rétine n’entraînent pas de douleur.
Les AVC sont très rarement pourvoyeurs de douleur, et donnent plutôt des signes négatifs (perte d’une fonction).
L’adage de la névrite optique rétro-orbitaire (NORB) est : « Le patient n’y voit rien, l’ophtalmologue non plus. » La douleur à la mobilisation accompagne cette baisse de l’acuité visuelle dans 80 % des cas, elle marque l’origine inflammatoire de l’atteinte du nerf optique.
Lorsqu’il y a une atteinte du nerf optique, la motricité intrinsèque de l’œil concerné est intacte, alors que l’information lumineuse n’est pas relayée au cerveau, et donc n’active pas le réflexe photomoteur. C’est pour cela qu’il y a abolition des réflexes photomoteurs direct ipsilatéral et consensuel controlatéral à la lésion, mais conservation des réflexes photomoteurs consensuel ipsilatéral et direct controlatéral à la lésion.
Question 2 - Vous évoquez une névrite optique rétro-orbitaire (NORB). Le(s) examen(s) complémentaire(s) à faire en urgence pour confirmer votre diagnostic sont :
L’examen à la lampe à fente ne fait pas partie du bilan devant une NORB.
Pas en urgence, ils peuvent cependant confirmer dans un second temps la démyélinisation du nerf optique (avec un allongement de la latence), même s’ils sont parfois altérés également chez les sujets sains.
En plus de la mesure de l’acuité visuelle (pour mesurer la sévérité de l’atteinte), on fera :
– un champ visuel (on recherche un scotome, en général central ou cæco-central) ;
– un fond d’œil (normal au début, mais dans 10 % des cas, il est le siège d’un œdème papillaire) ;
– une IRM, qui permettra de voir cette inflammation du nerf optique, et qui pourra explorer le reste du parenchyme cérébral.
La NORB a en général un bon pronostic, elle régresse complètement dans 80 % des cas. Un des facteurs pronostiques de cette récupération est le niveau de baisse d’acuité visuelle, très important donc à mesurer dès que possible lors du diagnostic.
Votre patient fait une IRM cérébrale et médullaire. L’IRM médullaire est normale. À l’IRM encéphalique, vous retrouvez une anomalie de signal du nerf optique, et vous voyez également cette image : 

 

 

Question 3 - À propos de cette coupe d’IRM (une ou plusieurs réponses exactes) :
C’est une coupe axiale = transversale. La coupe coronale nous fait voir un sujet « de face ».
Le parenchyme n’est pas en signal « anatomique » (= où la substance blanche apparaît plus claire que la substance grise), cela n’est donc pas du T1.
Le parenchyme n’est pas en signal « anatomique », on est donc sur une séquence de type T2, et le liquide cérébrospinal (LCR) apparaît ici en hyposignal, contrairement à un T2 simple : c’est une séquence FLAIR.
La séquence de diffusion apparaît de moins bonne qualité, et l’os crânien n’est pas visible.
Un hypersignal en séquence FLAIR signe de l’eau interstitielle (car l’eau libre est en hyposignal), qui peut venir d’une inflammation, d’un œdème, de la démyélinisation…
Question 4 - Devant le tableau de votre patient, le diagnostic à évoquer en première intention est : 
Devant le tableau d’un homme jeune avec une symptomatologie douloureuse, on pense en premier lieu plutôt à une maladie neurologique inflammatoire.
Diagnostic différentiel de la sclérose en plaques (SEP), qui associe des NORB et des myélites transverses aiguës. Les lésions dans l’encéphale écartent le diagnostic.
Il peut effectivement se manifester avec des hypersignaux multiples au FLAIR, notamment périventriculaires, mais le pic de fréquence se trouve aux alentours de 60 ans, ce n’est pas le premier diagnostic à évoquer.
On peut effectivement retrouver des lésions hyperintenses signant l’œdème péri-abcès, mais dans ce contexte de NORB, ce n’est pas le diagnostic à évoquer en premier lieu.
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire démyélinisante chronique, confinée au système nerveux central. Elle survient dans la plupart des cas chez l’adulte jeune, avec une prédominance féminine (1 homme pour 3 femmes), avec un gradient nord-sud (plus fréquente lorsque l’on s’éloigne de l’équateur).
La symptomatologie est très variable, en fonction de la localisation de la plaque. Elle peut être mono- ou plurisymptomatique, la multiplicité des symptômes ne signifiant pas multiplicité des lésions.
Cette maladie est inaugurée par une NORB dans un tiers des cas. Au niveau ophtalmologique, la SEP peut aussi donner :
– paralysie du VI ; 
– paralysies internucléaires ;
– paralysies supranucléaires ;
– nystagmus (chez un tiers des patients ayant une SEP > 5 ans).
50 % des NORB évoluent vers une SEP dans les 15 ans (25 % si IRM initiale normale).
Devant cette NORB et ces lésions de la substance blanche à l’IRM, le diagnostic de SEP doit être envisagé.
Question 5 - Vous vous retrouvez donc devant un tableau évoquant une sclérose en plaques. Concernant le diagnostic (une ou plusieurs réponses exactes) : 
Elle remplace le critère de dissémination temporelle dans les nouveaux critères de 2017.
Il suffit que la lésion soit nouvelle, pas forcément cliniquement significative, pour confirmer la dissémination temporelle.
Attention ! Plusieurs lésions à la première IRM peuvent venir d’une seule et même poussée (on ne voit pas le T1, où la différence de prise de contraste aurait pu signer des âges différents). Il nous manque ici la notion de dissémination temporelle.
Par définition, une poussée doit durer plus de 24 heures. La dissémination temporelle n’est donc pas obtenue.
Ici, on aurait donc deux poussées de localisations différentes et d’âge différent, et donc une validation par les critères de McDonald.
Il n’existe pas de test permettant de faire le diagnostic de SEP. Celui-ci repose donc sur des critères, les plus récents étant ceux de McDonald (2017), qui autorisent le diagnostic de SEP dès la première poussée, à condition qu’il y ait une dissémination spatiale (deux localisations différentes, soit cliniquement, soit à l’IRM) et une dissémination temporelle (lésions d’âge différent objectivées par une prise de contraste pour certaines et pas pour d’autres). 
Dans le cas contraire, il faudra attendre une nouvelle poussée clinique ou de nouvelles lésions à l’IRM pour définir cette dissémination temporelle et/ou spatiale. En pratique, pour mettre cette nouvelle poussée en évidence précocement, on réalise souvent une nouvelle IRM environ 3 mois après l’IRM initiale. 
On peut désormais aussi, pour affirmer le diagnostic plus précocement, remplacer le critère de dissémination temporelle par la démonstration d’une inflammation du liquide cérébrospinal (présence de bandes oligoclonales seulement) à la ponction lombaire.
Une poussée se définit comme l’apparition de nouveaux symptômes, la réapparition d’anciens symptômes ou l’aggravation de symptômes préexistants, s’installant de manière subaiguë en quelques heures à quelques jours, et récupérant de manière plus ou moins complète. Sa durée est au minimum de 24 heures. Une fatigue seule, ou des symptômes survenant dans un contexte de fièvre, ne sont pas considérés comme une poussée.
Par définition, deux poussées doivent être séparées d’au moins 1 mois.
Votre patient refuse les explorations et sort contre avis médical des urgences. Vous le perdez de vue, il ne vient ni pour sa ponction lombaire ni pour son IRM de contrôle. Six mois plus tard, vous êtes appelé(e) car il est de retour aux urgences : il participait à un match de rugby, sur un stade à côté de l’hôpital, quand sa vue s’est complètement voilée à l’œil droit.
Il vous dit qu’il avait totalement récupéré son acuité visuelle depuis son épisode, 6 mois plus tôt.
Sa baisse d’acuité visuelle nouvelle est apparue selon lui en quelques minutes, pendant le match, et dure depuis maintenant à peu près 15 minutes, le temps qu’il coure jusqu’aux urgences.
Question 6 - Devant cette symptomatologie, vous évoquez (une ou plusieurs réponses exactes) : 
Elle peut se compliquer d’une baisse d’acuité visuelle brutale par décollement exsudatif de la rétine maculaire, mais elle apparaît plutôt chez les personnes de plus de 50 ans.
La réapparition d’anciens symptômes peut être due à un phénomène d’Uhthoff.
La réapparition d’anciens symptômes peut signifier une nouvelle poussée.
Une lésion de la cornée entraîne des douleurs.
Bien qu’on suspecte une origine neurologique chez ce patient, il ne faut pas rater un décollement de rétine dans ce contexte de sport traumatique, car il faut opérer dans les 48 heures pour garantir la meilleure récupération visuelle.
Le phénomène d’Uhthoff se caractérise par la survenue de troubles et de symptômes de la sclérose en plaques, en cas d’élévation de la température corporelle. Il peut s’agir de troubles nouveaux, mais plus souvent de troubles déjà apparus, à l’occasion d’une poussée notamment. La survenue de ces troubles et symptômes est toujours transitoire. Ceux-ci s’estompent dès que la température du corps baisse, sans laisser de séquelles.
Les symptômes d’une poussée et d’un phénomène d’Uhthoff sont similaires. Ce qui différencie l’une de l’autre, c’est la durée de ces symptômes. Lorsque ceux-ci disparaissent après le retour à une température corporelle normale, il faut considérer que c’est un phénomène d’Uhthoff. Si, en revanche, ils persistent au-delà de 24 heures, il est probable qu’il s’agisse d’une poussée.
Après avoir bu et attendu dans la salle d’attente climatisée des urgences, sa vision revient à la normale. Vous concluez donc à un phénomène d’Uhthoff, et laissez le patient rentrer chez lui.
Un an plus tard, il revient une nouvelle fois aux urgences, cette fois pour apparition de « fourmillements » de la main droite depuis 3 jours, l’empêchant de dormir, avec à l’examen clinique une douleur à type de décharge électrique intense à l’hyperflexion de la nuque. L’IRM retrouve une lésion inflammatoire nouvelle de la moelle cervicale, posant alors le diagnostic de sclérose en plaques.
Question 7 - Pour traiter la crise de ce patient et lui permettre de dormir à nouveau, vous proposez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Les interférons ß font partie des traitements de fond de la crise. Ils ont pour but de réduire la fréquence des poussées et de ralentir la progression du handicap. Ils n’auront pas d’effet sur la crise actuelle du patient.
Les corticoïdes peuvent se faire per os en ville, en revanche ils ne sont prescrits que sur une courte durée, 3 jours en général, et ne font pas partie des traitements de fond de la SEP.
Cela ne fait pas partie des traitements dans la SEP, d’autant plus que la chirurgie est parfois pourvoyeuse d’exacerbation de la maladie.
Un traitement pour la crise n’est pas systématique si les symptômes ne sont pas gênants, mais ici le patient vous rapporte une répercussion sur son fonctionnement, on se doit donc de lui apporter une aide pour accélérer la récupération de la poussée.
C’est le traitement de crise : ils sont prescrits en perfusion intraveineuse ou par voie orale à la dose de 1 g par jour pendant 3 jours (méthylprednisolone).
La douleur à l’hyperflexion de la nuque correspond à un signe de Lhermitte, signant une inflammation active de la moelle. 
On distingue 3 types de traitement pour la SEP. 
Les traitements de crise : 1 g par jour pendant 3 jours de méthylprednisone, par voie intraveineuse ou orale. Ils permettent une accélération de la récupération de la crise actuelle, et n’ont pas d’effet sur la prévention de nouvelles poussées. Leur utilisation n’est pas systématique si les symptômes ne sont pas gênants.
Les traitements de fond : ils ont pour but de réduire la fréquence des poussées et de ralentir la progression du handicap.
Les traitements de fond agissent tous sur la réponse immune soit de façon immunomodulatrice, soit de façon immunosuppressive.
Il est recommandé de traiter précocement, dès le diagnostic, pour ne pas laisser les lésions inflammatoires et le handicap résiduel s’accumuler, et de surveiller l’efficacité du traitement (absence de poussée, d’accumulation du handicap, absence de nouvelles lésions sur une IRM annuelle) pour proposer, si besoin, un changement de traitement.
Les traitements symptomatiques : ils ont pour but de traiter les complications de la maladie, comme la spasticité, les troubles urinaires, les troubles sexuels, les douleurs, la fatigue…

 

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