Une patiente de 75 ans arrive aux urgences ophtalmologiques pour sensation de baisse d’acuité visuelle brutale de l’œil droit depuis le matin au réveil.

Elle décrit également une ondulation des lignes à la lecture.

Son œil droit est blanc et indolore. On retrouve une acuité visuelle chiffrée à moins de 0,5/10e à droite contre 8/10e à gauche. Il n’y a pas de notion de traumatisme.

Ses antécédents sont :

– une hypertension artérielle (HTA) traitée par Amlor ;

– un asthme persistant léger traité par inhalateur de salbutamol à la demande ;

– un diabète de type 2 non insulino-dépendant traité par metformine depuis plus de 15 ans, avec HbA1c à 7 % ;

– une arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire (ACFA) avec antécédent embolique, sous anticoagulation efficace.

Elle ne présente aucune allergie particulière.
Question 1 : Pour compléter votre examen clinique vous demandez…
Traitement anti-HTIO en urgence par voie IV.
L’examen du RPM est important car il peut orienter vers un diagnostic grave (OACR/NOIAA), mais c’est l’imagerie et la biologie qui motiveront la mise en place du traitement en urgence.
Hyperglycémie : pas de traitement en urgence sauf cas extrême.
Poussée d’HTA : traitement anti-HTA en urgence par voie IV.
Auscultation cardiaque : le patient est déjà traité pour son ACFA donc ne changera pas en urgence la thérapeutique (anticoagulation), c’est l’INR qui va être important.
Le piège des QCM : la question où vous pouvez ne pas forcément avoir tort, mais les bonnes réponses seront celles que le correcteur aura choisies ! Donc pas de panique, si vous avez mis l’examen du réflexe photomoteur, vous avez eu raison car c’est un examen extrêmement important en ophtalmologie, même si j’ai considéré ici que la PIO et la TA étaient plus « urgentes ».
Question 2 : Pour expliquer la baisse d’acuité visuelle (BAV) de son œil droit, vous évoquez…
BAV brutale : à toujours évoquer.
BAV brutale chez une patiente diabétique.
BAV brutale : on craint toujours les occlusions rétiniennes (artère ou veine) surtout sur ce terrain polyvasculaire.
Toujours éliminer cette urgence chirurgicale devant une BAV brutale.
Non, c’est la forme exsudative qui donne une BAV brutale associée à des métamorphopsies.
Question 3: Que vous évoque la déformation/ondulation des lignes à la lecture et quelle en est sa traduction physiopathologique ?
Les myodésopsies sont des « petites mouches noires » mobiles qui traduisent généralement la présence de corps flottants (décollement du vitré ou de la rétine).
C’est la définition exacte.
Les phosphènes sont des éclairs lumineux qui traduisent une stimulation accrue des photorécepteurs (déchirure et décollement de la rétine).
Vrai, il existe une perte du profil fovéolaire habituel à l’OCT maculaire du fait de l’œdème entraînant les métamorphopsies.
Faux, l’ischémie rétinienne est dans un premier temps asymptomatique puis lorsque des complications liées à cette ischémie apparaissent, le principal symptôme est la douleur.
Question 4: Voici le fond d’œil de la patiente, vous reconnaissez…
Mémo technique :
O : Œdème papillaire ;
V : tortuosités Veineuses ;
C : nodules Cotonneux ;
R : hémoRragies (en tache et en flammèche) ;
D : Drusen, accumulation de matériels sous-rétiniens dans le cadre d’une maculopathie liée à l’âge.
Question 5: Vous allez réaliser en urgence ?
L’ECG ne permet pas d’avancer dans le diagnostic étiologique.
Le champ visuel fait partie du bilan à distance et non en urgence.
La vision des couleurs n’a aucun intérêt dans ce contexte.
L’OCT maculaire et papillaire ainsi que l’angiographie fluo + ICG sont à pratiquer en urgence : pour quantifier l’œdème maculaire et papillaire, poser le diagnostic de forme ischémique ou non ischémique et pour rechercher des signes d’ischémie choroïdienne à l’ICG qui serait en faveur d’une origine artéritique (maladie de Horton).
Vous réalisez donc les examens complémentaires nécessaires, y compris le bilan biologique suivant :
– NFS normale ;
– VS normale, CRP à 5 mg/L ;
– HbA1c 8,9 % ;
– INR à 3,5.
Question 6: Quel comportement adoptez-vous devant cet INR ?
Ici, il s’agit d’une ACFA avec antécédent embolique, l’INR cible est de 2,5. Le surdosage est donc modéré. Une OVCR n’est pas considérée comme un saignement actif.
L’apport de vitamine A n’est pas recommandé dans cette pathologie.
Question 7: Voici les images angiographiques de la patiente. Quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s) vraie(s) ?

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Il s’agit ici d’une angiographie à la fluorescéine du pôle postérieur de l’œil droit, explorant donc la circulation superficielle rétinienne, à quatre temps successifs.
Il existe effectivement une hyperfluorescence précoce puis une diffusion papillaire traduisant l’existence d’un œdème papillaire. Celle-ci est en partie masquée par les nombreuses hémorragies péripapillaires qui apparaissent hypofluorescentes (effet masque).
Au niveau de la macula, il n’y a ni hyperfluorescence ni diffusion de fluorescéine, donc pas d’œdème maculaire associé.
Les zones d’ischémie rétinienne se recherchent en périphérie et non pas au pôle postérieur, et se traduisent par des zones de rétine plus « sombres ».
La circulation choroïdienne s’explore avec l’ICG (vert d’indocyanine).
Dans la suite de votre prise en charge, vous réalisez le bilan étiologique de la patiente et vous retrouvez les éléments suivants :
Question 8 : Que vous évoque cette situation ?
La gonioscopie est l’étude de l’angle irido-cornéen, elle permet de caractériser le type de glaucome selon l’état d’ouverture de l’angle (ouvert, étroit, fermé).
Lors de l’interprétation d’un champ visuel, vous voyez « comme le patient ». L’œil droit est à droite et l’œil gauche est à gauche ici, et donc le champ visuel nasal est situé en dedans (partie triangulaire).
Il s’agit ici d’un champ visuel automatisé de Humphrey montrant à droite un ressaut nasal et à gauche un déficit assez diffus prédominant en inférieur avec l’aspect typique en scotome arciforme inférieur.
Vous réalisez donc une gonioscopie qui retrouve des angles irido-cornéens ouverts de grade 4 aux deux yeux et confirmez donc le diagnostic de glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) bilatéral
Question 9: Quelle thérapeutique mettez-vous en place en première intention ?
Non, car c’est le traitement d’un angle fermé.
Non, car la patiente a de l’asthme, contre-indication théorique au bêtabloquant.
VRAI, prostaglandines en première intention en l’absence de CI.
Non, traitement de deuxième intention ou en association.
Non, pas en première intention pour un GPAO modéré comme c’est le cas ici.
Vous organisez la prise en charge et le suivi de votre patiente, à la fois pour son OVCR et son GPAO.
Elle n’est pas très assidue et loupe ses premières consultations de contrôle. Elle revient finalement vous revoir 3 mois plus tard car elle présente désormais une rougeur et des douleurs importantes de l’œil droit.
Question 10: Voici la photo de son œil droit. Que constatez-vous ?
Une iridodyalise est une complication post-traumatique entraînant une désinsertion de l’iris à sa base.
La rubéose irienne correspond à la néovascularisation de l’iris. Ici vous pouvez voir le néovaisseau sur le rebord pupillaire avec une orientation verticale (alors que les vaisseaux iriens ont une disposition plutôt horizontale).
Constituent une attache entre le cristallin antérieur et l’iris, entraînant une déformation de la pupille en « trèfle ».
La patiente présente donc un tableau de glaucome néo-vasculaire (GNV) de l’œil droit compliquant son OVCR ischémique.
Question 11: Quelles thérapeutiques entreprenez-vous en urgence ?
Le traitement du GNV est une urgence médicale : on hospitalise le patient, on fait baisser la PIO au maximum par des traitements hypotonisants locaux et systémiques, on réalise rapidement une injection d’anti-VEGF (généralement de l’Avastin dans cette indication), puis on réalise le traitement étiologique, c’est-à-dire la panphotocoagulation de toute la rétine ischémique.
La patiente est traitée de façon optimale pour son GNV et vous continuez à effectuer son suivi régulièrement.
Elle garde de lourdes séquelles visuelles avec une acuité visuelle chiffrée à 0,5/10e Parinaud 10 à l’œil droit, mais garde 6/10e Parinaud 4 à gauche.
Son glaucome est bien contrôlé par une bithérapie (bimatoprost + dorzolamide).
Question 12: Lors de votre dernière consultation, vous retrouvez l’aspect suivant au fond d’œil gauche. Décrivez :
La patiente présente donc une rétinopathie diabétique non proliférante minime à modérée (ici, il est difficile de conclure car vous n’avez qu’une photographie du pôle postérieur de l’œil GAUCHE, donc il est impossible de compter les lésions dans les différents quadrants).
Question 13: Quels sont les principes du traitement que vous mettez en œuvre ?
La PPR n’est indiquée qu’au stade de RDP ou RDNP sévère avec facteurs de progression rapide.
Les anti-VEGF sont le traitement de l’œdème maculaire si l’acuité visuelle est inférieure à 5/10e et en rapport avec cet œdème maculaire.
Les deux versants les plus importants du traitement sont l’équilibration du diabète et de la tension artérielle pour ralentir la progression de la RD.
Lors de cette même consultation, vous constatez également ceci sur son œil gauche :
Question 14: Qu’en pensez-vous ?
Il s’agit d’une cataracte sous-capsulaire postérieure dont la survenue est favorisée par le diabète.
Chez cette patiente, il existe effectivement une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche en rapport avec cette cataracte (6/10 P4) mais son diabète est déséquilibré (HbA1C : 8,9 %) et il existe une RDNP minime à modérée.
Donc, avant de prévoir un quelconque geste chirurgical, il faut procéder à l’équilibration de son diabète sous peine de provoquer une décompensation rapide de sa RD.
Par ailleurs, le geste chirurgical de référence est la phako-émulsification intracapsulaire.
Finalement, après équilibration de son diabète, la patiente décide de se faire opérer de la cataracte de l’œil GAUCHE.
Dans le cadre de son hospitalisation en chirurgie ambulatoire, l’infirmière lui demande de remplir son « passeport de séjour ambulatoire » et doit définir sa personne de confiance.
Question 15: Quelles sont les propositions vraies concernant les modalités et les démarches pour la nommer ?

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