Un patient de 63 ans vous consulte pour une dysurie et une pollakiurie nocturne. Il a comme principaux antécédents une cardiopathie ischémique, une fibrillation atriale paroxystique, une hypertension artérielle. Son oncle s’est fait opérer d’un cancer de prostate à 58 ans. Son traitement comporte : périndopril, aténolol, Coumadine, Natispray et Stilnox le soir. Il n’a pas d’allergie particulière. Le patient vous interroge sur son risque de cancer de prostate et sur les modalités du dépistage.
Question 1. Que lui répondez-vous ?
La problématique du dépistage dans le cadre du cancer de la prostate est une notion qui doit être bien comprise. Cette problématique englobe les problèmes de surtraitement liés au dépistage, de la morbidité des traitements et de la mortalité spécifiquement liée à ce cancer.
La stratégie actuelle de détection précoce doit bien être comprise également. Il s’agit d’une procédure qui :
– s’adresse exclusivement aux hommes en bon état fonctionnel et à la probabilité de survie prolongée (> 10 ans) ;
– est précédée d’une information non ambiguë indispensable ;
– repose sur la recherche de facteurs de risque (familiaux et ethniques), le toucher rectal et le dosage du PSA ;
– est initiée à 50 ans en absence de facteur de risque, à 45 ans en cas de facteur de risque familial ou ethnique ; est interrompue à 75 ans généralement ;
– est à répéter probablement tous les 2 ans en cas de facteur de risque, mais l’intervalle optimal est encore non établi (pas de nécessité de répéter la procédure annuellement sauf exception) ;
– nécessite une évaluation.
Vous réalisez un toucher rectal qui retrouve une volumineuse prostate sans nodule palpable et faites doser le PSA dont le taux est mesuré à 13,2 ng/mL. Vous faites contrôler ce dosage et vous retrouvez un taux à 12,9 ng/mL. Vous décidez donc de réaliser des biopsies prostatiques.
Question 2. Quelles précautions prenez-vous chez ce patient ?
Connaître les modalités des biopsies prostatiques, échoguidées, par voie transrectale, après une analgésie locale. Les complications sont par ordre de fréquence : hémospermie (37 %), hématurie macroscopique (23 %), rectorragie 3 %, infections fébriles 3 %, épididymite 0,7 %, rétention aiguë d’urines 0,2 %.
Deux jours après les biopsies de prostate le patient est amené par le Samu aux urgences. Il est agité et se plaint d’une violente envie d’uriner. Les constantes à l’arrivée sont : tension artérielle à 95/50mmHg, fréquence cardiaque à 110 bpm, température à 38,4 °C, SpO2 à 96 %.
Question 3. Quels examens biologiques doivent être réalisés ?
Indispensable chez ce patient cardiaque en état de sepsis
La prise en charge initiale suppose de connaître les critères du sepsis (nouvelle définition de 2016) ainsi que le calcul du score Quick Sofa hors réanimation et Sofa en réanimation.
Le patient est en défaillance d’organe avec une tension systolique < 100 mmHg, ce d’autant plus qu’il a habituellement une hypertension. La prise en charge biologique initiale doit être concentrée sur les examens urgents ayant une forte valeur pronostique et orientant la prise en charge : pH et PaO2, atteinte cardiaque secondaire.
Hémocultures et lactatémie sont indispensables dans le bilan initial du sepsis.
Question 4. Comment drainez-vous la vessie de ce patient ?
Aucun examen complémentaire n’est requis en urgence
Bien qu’un relais de la Coumadine a dû être effectué pour la réalisation des biopsies prostatiques, ce patient est a priori toujours sous anticoagulant, ce qui constitue une contre-indication relative à la pose d’un cystocathéter sus-pubien
Augmentation du risque de syndrome de levée d’obstacle et d’hémorragie a vacuo pour une rétention > 600 cc
Les indications et contre-indications de drainage par sondage trans-urétral et cystocathéter sus-pubien sont importantes notamment dans le contexte de l’urgence.
Une rétention aiguë est de diagnostic purement clinique et impose un drainage en urgence.
La prostatite est souvent citée comme contre-indication relative au sondage trans-urétral, en raison de l’obstruction théorique des canaux intraprostatiques et la favorisation d’abcès prostatiques. Cependant la favorisation du risque d’abcès n’a jamais été documentée, et la pose d’un cathéter sus-pubien comporte des risques non négligeables (10 à 29 % des cas avec 2,7 % de lésions intestinales). Un sondage vésical trans-urétral peut donc être réalisé à condition de respecter les recommandations de bonne pratique et de ne pas fausser l’évolution diagnostique.
L’évolution hémodynamique est rapidement favorable après remplissage approprié, il n’y a pas d’atteinte cardiaque.
Question 5. Quelle est votre prise en charge ?
Il s’agit d’une prostatite post-biopsies de prostate compliquée d’une rétention d’urine. C’est une situation à risque qui nécessite une hospitalisation et un traitement antibiotique probabiliste urgent par céfotaxime ou ceftriaxone + amikacine.
L’utilisation de fluoroquinolones pour l’antibioprophylaxie des biospies prostatiques augmente le risque de résistance à cette classe d’antibiotique qui n’est de toute façon pas recommandée dans l’infection urinaire masculine avec signes de gravité et geste urologique urgent. L’utilisation de fluoroquinolones est, de fait, déconseillée en cas d’utilisation dans les 6 mois précédents.
Le traitement de l’infection urinaire masculine avec signes de gravité est secondairement adapté à la microbiologie et, compte tenu des différences de pénétration prostatique, dure de 14 à 21 jours selon les molécules utilisées (14 jours pour les fluoroquinolones, le bactrim, les bêtalactamines injectables ; 21 jours pour les autres molécules ou en cas d’uropathie sous-jacente). L’ECBU de contrôle n’est pas indiqué de manière systématique.
L’évolution est favorable après 14 jours de traitement par cotrimoxazole. L’analyse anatomopathologique des biopsies retrouve du tissu prostatique sans foyer cancéreux.
Vous revoyez le patient en consultation et il est toujours gêné par ses symptômes urinaires. Vous faites réaliser l’examen suivant :
Question 6. A propos de cet examen :
Il s’agit évidemment d’une débitmétrie, examen simple et peu coûteux, essentiel dans l’évaluation initiale et le suivi de l’hypertrophie de prostate. Une courbe normale est une courbe en cloche, unique, avec un Qmax > 15 mL/s. Attention ! pour que l’interprétation d’une débitmétrie soit possible, le volume uriné doit être d’au moins 150 mL (ce volume comprenant un éventuel résidu post-mictionnel).
Le reste de votre évaluation retrouve un score IPSS (International Prostate Symptom Score) à 17/35, et un score de gêne à 3/6.
Question 7.  Quelle est votre attitude thérapeutique ?
On se trouve face à une hypertrophie bénigne de prostate, non compliquée. Le patient a présenté un épisode de rétention aiguë d’urine et de prostatite lié aux biopsies de prostate.
Le patient est modérément gêné, le traitement de première intention est donc médical. Il s’agit d’abord d’une monothérapie puis il est possible de passer à une bithérapie.
Les classes de médicaments disponibles sont la phytothérapie (qui a bien l’autorisation de mise sur le marché pour les troubles mictionnels, ex : Serenoa repens), les alphabloquants (ex : alfusozine), les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase (ex : finastéride). Le traitement par alphabloquant doit être initié prudemment compte tenu de la coprescription de traitement antihypertenseur et du risque majoré d’hypotension orthostatique.
La chirurgie n’est indiquée qu’en cas de patient gêné malgré un traitement médical bien conduit ou d’hypertrophie prostatique compliquée.
Vous initiez un traitement par Combodart (dutastéride + tamsulosine). Vous revoyez le patient 2 mois plus tard aux urgences pour la survenue depuis près de 2 jours d’urines rouge foncé. La tension est à 128/54 mmHg, la fréquence cardiaque à 72 bpm.
Question 8. Quel est votre bilan paraclinique aux urgences ?
Devant ce patient hématurique sous antivitamine K (AVK), le bilan paraclinique urgent doit évaluer le retentissement de l’hématurie (NFS), éliminer un surdosage en AVK, rechercher une atteinte cardiaque éventuelle (troponinémie).
L’ECBU va confirmer le diagnostic et surtout rechercher une infection associée.
Une cystoscopie n’est jamais réalisée en période hématurique (pour la simple raison que l’on n’y verrait pas).
L’échographie réno-vésicale fait partie du bilan de l’hématurie mais ce n’est pas un examen d’urgence en l’absence de dégradation de la fonction rénale.
L’hémoglobinémie est à 11,8 g/dL. L’INR est à 7,2.
Question 9. Quelle est votre attitude thérapeutique ?
Il s’agit d’un surdosage en AVK, responsable d’une hémorragie non grave. Le type de saignement ici (hématurie persistante depuis 2 jours, risque important de rétention aiguë sur caillotage) ne permet pas une prise en charge ambulatoire.
Il faut donc arrêter le traitement anticoagulant sans relais, administrer 1 à 2 mg de vitamine K per os et monitorer l’INR.
Référence :
 Haute Autorité de santé, avril 2008. Recommandations professionnelles. Prise en charge des surdosages en antivitamine K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamine K en ville et en milieu hospitalier.
Question 10. Quel est votre bilan à distance de cet épisode aigu ?
Le bilan paraclinique d’une hématurie a pour but de :
– confirmer le diagnostic
o ECBU, recherche d’une protéinurie associée
– évaluer le retentissement 
o NFS
– rechercher la cause (et notamment les 2 causes graves que sont la tumeur rénale et la tumeur urothéliale) :
o cystoscopie (recherche d’une tumeur urothéliale vésicale, calcul vésical, varice prostatique)
o cytologie urinaire (analyse anatomopathologique des urines à la recherche de cellules cancéreuses, faible valeur prédictive négative [VPN], très forte valeur prédictive [VPP]
o uroscanner (recherche d’une tumeur urothéliale urétérale, d’une tumeur rénale)
Vous ne retrouvez comme étiologie à ces épisodes d’hématurie que des varices prostatiques. Le patient rapporte cependant la survenue de plus en plus fréquente de ce type d’épisode, ainsi qu’une aggravation de ses symptômes urinaires.
Question 11. Quelles sont les prises en charge possibles ?
On est dans ce cas face à une hypertrophie prostatique avec des symptômes modérés résistant au traitement médical, et des saignements récurrents sur varices prostatiques. Il existe donc une indication de traitement chirurgical.
Celui-ci peut être soit :
– soit endoscopique : incision cervico-prostatique, résection trans-urétrale de prostate. La résection est classiquement monopolaire, et utilise un liquide d’irrigation à base de glycocolle (glycine) pour une meilleure conduction. En cas de saignement important et de longue durée opératoire, il existe un risque de TURP syndrome (transurethral resection of the prostate) par réabsorption sanguine de la glycine. Depuis plusieurs années, des techniques ont été développées utilisant des lasers (Greenlight, HoLEP) et donc un liquide d’irrigation au sérum salé isotonique, supprimant ce risque de TURP syndrome.
– soit en chirurgie ouverte : énucléation de l’adénome prostatique par laparotomie.
La prostatectomie totale et l’HIFU sont des traitements du cancer de la prostate.
La chirurgie se déroule sans complications. Six mois plus tard, le score IPSS est à 5/35 et le score de gêne à 1/6. Vous continuez de suivre le patient en consultation et celui-ci vous sollicite car « ça ne va pas très fort sous la couette docteur, c’est de pire en pire… ».
Question 12. Quelle est votre prise en charge diagnostique ?
La dysfonction érectile est fréquemment associée à l’hypertrophie prostatique. Son diagnostic est purement clinique et repose sur des questions simples posées au patient.
C’est une pathologie extrêmement fréquente (1 homme sur 3 après 40 ans).
Son évaluation et son suivi peuvent être facilités par l’utilisation du score IIEF dont il existe deux versions : une version courte à 5 questions et une version longue à 15 questions. La dysfonction érectile peut ainsi être classée selon les résultats de l’IIEF5 noté sur 25 : sévère (score de 5 à 10), modérée (11 à 15), légère (16 à 20).
Son impact sur la qualité de vie dépend bien évidemment de chaque patient et de leurs attentes, de leur histoire sexuelle.
De nombreux médicaments peuvent être responsables de dysfonction érectile : antihypertenseurs, antidépresseurs, antiépileptiques, etc.
Question 13. Quelle est votre attitude vis à vis de l’état cardiaque de ce patient ?
La dysfonction érectile est très souvent un des premiers signes de dysfonction endothéliale, maladie systémique à l’origine des accidents cardio-vasculaires. Elle précède en effet de 3 à 5 ans en moyenne la survenue d’accidents cardio-vasculaires.
L’activité sexuelle représente un effort physique modéré (de 2,5 à 3,3 METS ; 30 watts) auquel s’ajoute une composante émotionnelle non négligeable. Elle ne doit pas être limitée si le patient peut réaliser 60 watts sur bicyclette ou monter deux étages (en 10 secondes) avec une bonne tolérance.
La recherche et la prise en charge active des facteurs de risque cardio-vasculaires (rééducation cardio-vasculaire) est indispensable dès la survenue d’une dysfonction érectile liée à une dysfonction endothéliale.
Les traitements antihypertenseurs sont souvent pourvoyeurs de dysfonction érectile, notamment les bêtabloquants. Il est important d’en parler au patient pour favoriser une meilleure observance et éviter un effet nocebo. Certaines molécules sont plus pourvoyeuses de dysfonction érectile et une adaptation de l’ordonnance est souvent utile.
Question 14. Quel est votre bilan paraclinique de première intention ?
Le bilan paraclinique de première intention a pour objectif principal d’évaluer les facteurs de risque cardio-vasculaires modifiables. Il comporte donc un bilan lipidique, une glycémie à jeun (hémoglobine glyquée chez le diabétique connu). La testostéronémie totale est dosée en cas de symptômes évocateurs de déficit en testostérone mais le rôle direct de la testostérone sur l’érection est discuté.
Le bilan de deuxième intention comporte en cas d’hypostestostéronémie un dosage de prolactinémie et de LH (luteinizing hormone).
Question 15. Quelle prise en charge proposez vous ?
La prise en charge de la dysfonction érectile, surtout dans ce cas de dysfonction endothéliale, doit se faire en réseau et associer cardiologue, urologue, psycho/sexologue.
Le vacuum est une option non médicamenteuse efficace et très utile à condition que le patient et sa/son partenaire soient impliqués et motivés.
Il n’existe qu’une seule contre-indication absolue au traitement par IPDE5 et il s’agit de la coprescription de dérivés nitrés en raison du risque d’hypotension majeure, ce qui est le cas chez ce patient.
Les injections de prostaglandine E1 (intra-urétrale ou intracaverneuse) ne sont pas contre-indiquées en cas de traitement anticoagulant si celui-ci est bien équilibré mais ce traitement n’existe pas en forme orale.
La chirurgie d’implants péniens est une option pour le traitement de la dysfonction érectile sévère résistante au traitement médical, post-chirurgie pelvienne, mais n’est jamais un traitement de première intention.

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