Mme S., 64 ans, est adressée aux urgences par les pompiers pour une douleur rachidienne aiguë à la suite d’une chute au domicile.
Elle a pour principaux antécédents une hypertension artérielle et une dyslipidémie, traitées par bisoprolol et atorvastatine. Elle fume environ 20 cigarettes par jour depuis cinquante ans et a un indice de masse corporelle à 37,4 kg/m².
Question 1 - Quel(s) est/sont le(s) élément(s) que vous recherchez pour caractériser la chute ?
La caractérisation de la chute passe par deux éléments : – évaluer les conséquences de la chute : conséquences traumatiques (traumatisme crânien, de membre ou d’organe) ou liées à la station au sol prolongée (rhabdomyolyse, pneumopathie, escarres, oubli de médicaments essentiels…) ; – déterminer l’étiologie de la chute : la présence de prodromes élimine une syncope, la présence de mouvements anormaux oriente plutôt vers une origine comitiale. Dans ces deux derniers cas, le patient perd connaissance et n’a pas conscience de la chute, il ne « se voit pas » chuter.
Elle vous explique qu’elle se souvient parfaitement de la chute : elle était en train d’accrocher l’étoile de son sapin de Noël quand elle a perdu l’équilibre et s’est retrouvée au sol avec une douleur rachidienne intense. Elle n’a pas eu de perte de connaissance ni de traumatisme crânien. C’est la première fois qu’elle chute. Le bruit a alerté sa voisine : elle a prévenu les pompiers qui l’ont prise en charge rapidement.
Question 2 - Quel(s) serai(en)t le(s) élément(s) en faveur d’une fracture vertébrale ?
Ce sont les caractéristiques d’une douleur d’horaire inflammatoire, ce qui n’est pas le cas de la douleur de fracture vertébrale.
Il s’agit de la caractéristique d’une douleur d’horaire mécanique, ce qui est le cas de la douleur de fracture vertébrale.
Un tel antécédent suggère une ostéoporose, qui est la première cause de fracture vertébrale.
Il s’agit parfois de la seule manifestation des fractures vertébrales quand celles-ci sont asymptomatiques.
La douleur de fracture vertébrale se manifeste généralement par une douleur élective à la palpation ou à la percussion d’une épineuse, majorée par le mouvement et soulagée par le repos. Une fracture peut aussi être douloureuse de manière continue en phase aiguë. Dans les deux tiers des cas, la fracture n’occasionne pas de douleur et se dépiste par la mesure de la taille des patients. Il est important de dépister ces fractures car la cause la plus fréquente de fractures vertébrales est l’ostéoporose.
Votre examen clinique retrouve une douleur élective à la percussion de l’épineuse de L2. Il n’y a pas de symptôme associé, notamment pas de déficit sensitif ou moteur. L’auscultation cardiopulmonaire ainsi que la palpation abdominale sont normales. Vous suspectez une fracture vertébrale.
Question 3 - Quelle prise en charge proposez-vous aux urgences (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Cet examen n’est pas disponible dans les services d’urgence et il n’y a pas d’intérêt à le réaliser en urgence.
Proposition toujours vraie, il ne faut pas oublier de soulager les patients pendant la démarche étiologique.
Pas en première intention, en l’absence de signe neurologique.
Pas de transfert dans un service avant d’avoir la cause de la douleur et d’avoir débuté la prise en charge antalgique.
La radiographie est l’examen à réaliser en première intention en cas de suspicion de fracture vertébrale, et il permet le diagnostic dans la majorité des cas. L’IRM peut attester le caractère récent d’une fracture par la présence d’un œdème (en hypersignal T2), lorsque l’on envisage un geste de vertébroplastie par exemple. Elle est indispensable en cas de symptôme neurologique évoquant une compression de la moelle ou des racines de la queue de cheval. L’ostéodensitométrie permet le diagnostic d’ostéoporose en mesurant la densité minérale osseuse. Elle doit être réalisée systématiquement lors de la découverte d’une fracture d’allure ostéoporotique, ou de manière anticipée selon la présence de facteurs de risque d’ostéoporose. Elle permet de guider le choix du traitement et de monitorer son efficacité. Attention ! La mesure peut être artéfactée par la présence d’arthrose ou de fracture vertébrale.
Vous faites réaliser une radiographie du rachis dorso-lombaire dont voici les clichés. Figure 1 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Question 4 - Qu’identifiez-vous sur cette radiographie (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La scoliose est un trouble de la statique caractérisé par une déviation de la colonne vertébrale dans les trois plans de l’espace, ce qui n’est pas le cas ici.
Il existe bien une image pulmonaire suspecte mais elle est située dans le poumon gauche (légendée par une étoile).
Il s’agit d’une électrode d’électrocardiogramme.
On observe sur les radiographies une fracture vertébrale de L2, qui n'a pas de caractère évident de malignité (voir la suite du dossier), ainsi que des fractures plateaux supérieurs des vertèbres T12 et L1. Figure 2 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Devant la présence d’une image pulmonaire gauche suspecte, vous craignez que la fracture vertébrale identifiée en L2 soit d’origine néoplasique.
Question 5 - Quel(s) est/sont le(s) élément(s) suspect(s) de malignité à rechercher devant une fracture vertébrale ?
Devant une fracture vertébrale, les éléments radiologiques suspects de malignité sont les suivants : – un recul du mur postérieur, avec risque de compression des structures postérieures (moelle ou racines nerveuses selon l’étage) ; – une rupture de la corticale, témoin d’une lyse osseuse qu’on ne retrouve pas en cas de fracture ostéoporotique ; – la lyse d’un pédicule ou « vertèbre borgne » ; – une fracture de L5 ou au-dessus de T5 ; – l’hétérogénéité de la trame osseuse.
Question 6 - Que proposez-vous pour avancer dans la démarche diagnostique (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Devant une masse pulmonaire suspecte sur une radiographie, l’examen de première intention est le scanner thoracique qui permettra de caractériser la masse. Selon les résultats, il pourra orienter un éventuel geste de biopsie si réalisable, par voie endobronchique au cours d’une fibroscopie et par une biopsie transpariétale. Dans ce contexte néoplasique probable, il est licite de réaliser une IRM rachidienne pour caractériser les fractures. La réalisation d’un bilan biologique est indispensable, à la fois pour éliminer des complications de la fracture (hypercalcémie), pour rechercher une étiologie et pour proposer des traitements adaptés (vérification du bilan hépatique et de la fonction rénale). Il n’y a pas de marqueur tumoral plasmatique utile dans le cadre de la suspicion d’un cancer pulmonaire. De manière générale, les seuls marqueurs utiles lors de la découverte d’une tumeur osseuse secondaire sont l’antigène spécifique de la prostate (PSA) [cancer de la prostate], et l’alphafœtoprotéine et l’hormone chorionique gonadotrope (hCG) [tumeurs germinales]. Les autres marqueurs sont utiles au suivi des patients mais pas au diagnostic.
L’IRM rachidienne réalisée montre l’image suivante et le radiologue confirme le caractère suspect de malignité de la fracture. L’examen clinique de la patiente est inchangé. La masse pulmonaire a été biopsiée et vous êtes en attente des résultats. Figure 3 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien)
Question 7 - Quelle prise en charge immédiate proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Figure 4 (Salomé Abdellaoui, La Revue du Praticien) L’imagerie montre une fracture de L2 en hyposignal T1 avec un recul du mur postérieur, ainsi que des fractures consolidées des plateaux vertébraux supérieurs de T12 et L1. Les fractures suspectes avec recul du mur postérieur sont réputées instables et nécessitent un avis orthopédique avant d’autoriser la mobilisation. En attendant l’avis ou en cas de fracture instable, on recommande un repos au lit strict et des mobilisations avec port d’un corset rigide. Un avis oncologique est recommandé devant cette forte suspicion de néoplasie, afin d’orienter la prise en charge et de débuter le suivi par une équipe dédiée. La biopsie est indispensable pour confirmer le diagnostic de cancer, mais le traitement ne pourra (dans l’immense majorité des cas) être débuté qu’après réception des résultats histologiques.
– évaluer les conséquences de la chute : conséquences traumatiques (traumatisme crânien, de membre ou d’organe) ou liées à la station au sol prolongée (rhabdomyolyse, pneumopathie, escarres, oubli de médicaments essentiels…) ;
– déterminer l’étiologie de la chute : la présence de prodromes élimine une syncope, la présence de mouvements anormaux oriente plutôt vers une origine comitiale. Dans ces deux derniers cas, le patient perd connaissance et n’a pas conscience de la chute, il ne « se voit pas » chuter.