Madame H., âgée de 45 ans, consulte aux urgences pour une douleur lombaire droite paroxystique irradiant jusqu’au pli de l’aine, ainsi que des frissons évoluant depuis deux heures. Il s’agit de sa deuxième « crise » en deux semaines. Elle n’avait pas consulté lors de sa première crise car la douleur avait cessé spontanément. Elle a deux enfants de 14 ans issus d’une grossesse gémellaire. Elle n’a pas d’antécédent particulier en dehors d’une tuberculose traitée dans l’enfance et une fracture du poignet il y a deux ans à la suite d’une glissade sur du verglas.

Paramètres vitaux : fréquence cardiaque (FC) = 119 bpm ; saturation en oxygène (SpO2) = 99 % en air ambiant ; température (T°) = 38,6 °C ; pression artérielle (PA) = 80/51 mmHg ; fréquence respiratoire (FR) = 24 cycles par minute. La douleur est évaluée à 9/10.

À l’examen clinique, vous mettez en évidence une douleur à la percussion de la fosse lombaire droite. Il n’y a pas d’autre anomalie à l’examen clinique.
Question 1 - Quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) à ce stade ?
L’association d’une douleur de la fosse lombaire et d’une fièvre, notamment chez une femme, doit faire évoquer le diagnostic de pyélonéphrite aiguë. La cystite infectieuse est une infection urinaire basse caractérisée par la présence de signes fonctionnels urinaires (brûlures mictionnelles, pollakiurie) et la présence d’une bandelette urinaire positive. Elle est classiquement non fébrile.
Devant cette suspicion de pyélonéphrite aiguë, il est indispensable de réaliser un ECBU afin de confirmer le diagnostic et de réaliser une documentation microbiologique pour adapter l’antibiothérapie. Celle-ci sera probabiliste après réalisation du prélèvement pour couvrir l’essentiel des germes communautaires et éviter l’aggravation du tableau infectieux.
Le sepsis correspond à une réponse inappropriée de l’hôte envers une infection entraînant une dysfonction d’organe(s). Le diagnostic est retenu si le score SOFA (sepsis-related organ failure assessment) [tableau ci-dessous] atteint 2, ou augmente de deux unités (cf. infra). En l’absence des données du score SOFA, le score rapide « Quick SOFA » peut être utilisé : un sepsis est retenu si au moins deux de ces critères sont présents : fréquence respiratoire ≥ 22/min, confusion (altération aiguë des fonctions neurologiques supérieures), pression artérielle systolique ≤ 100 mmHg. Ici, la patiente a une fréquence respiratoire à 24/min et une pression artérielle systolique à 85 mmHg donc un Quick SOFA à 2. Dans ce contexte, il s’agit probablement d’un sepsis.
En contexte de sepsis, il est nécessaire de procéder à un remplissage vasculaire par cristalloïdes (NaCI 0,9 % ou Ringer Lactate), généralement jusqu’à 30 mL/kg (hors contre-indication) avec pour objection une pression artérielle moyenne > 65 mmHg. En l’absence de réponse au remplissage, on pourra débuter un traitement par amine vasopressive (noradrénaline). La présence d’un sepsis associée à la nécessité d’utilisation d’amine vasopressive et une lactatémie > 2 mmol/L correspond à la définition du choc septique.
L’association douleur de la fosse lombaire irradiant au pli de l’aine évoluant par crise est caractéristique d’une colique néphrétique. Ici, il s’agit d’une colique néphrétique compliquée par une infection urinaire.
 
Tableau (Daren Yabi, La Revue du Praticien)

 
Vous suspectez une pyélonéphrite obstructive sur lithiase urinaire. Vous demandez un examen d’imagerie en urgence pour confirmer votre diagnostic, un ECBU et des hémocultures. Vous aviez préalablement débuté une antibiothérapie par céfotaxime + amikacine devant cette pyélonéphrite grave, associée à une hydratation par voie intraveineuse (IV) par NaCl 0,9 %, 1 L permettant une augmentation de la pression artérielle à 97/68 mmHg. Vous débutez un traitement antalgique par morphine IV. Vous réalisez des bêta-hCG qui reviennent négatifs.
Dans l’intervalle, l’ECBU vous revient : leucocytes = 150 000/mL ; hématies = 100 000/mL ; nombreux bacilles à Gram négatif à l’examen direct.
Question 2 - Concernant ces résultats, quelle(s) est/sont la/les affirmation(s) exacte(s) ?
L’amikacine est un antibiotique de la famille des aminosides dont le mécanisme d’action est concentration-dépendant. Une dose (de 25 à 30 mg/kg) est généralement suffisante pour obtenir la majorité de ses effets (excepté dans certaines endocardites où un traitement prolongé peut être proposé). Par ailleurs, en cas d’utilisation prolongée, le risque d’effets indésirables (néphrotoxicité, ototoxicité) est majoré. En cas de sepsis urinaire, il doit systématiquement être associé à un antibiotique temps-dépendant (bêtalactamines le plus souvent) qui sera utilisé pour une durée prolongée.
Les entérocoques sont des cocci à Gram positif. Ici, il s’agit probablement d’une infection à entérobactéries par argument de fréquence (Escherichia coli, Proteus mirabilis...).
En cas de pyélonéphrite obstructive, le traitement par dérivation des urines est une urgence absolue et ne doit pas attendre la stérilisation des urines.
Les EBLSE sont classiquement non sensibles aux céphalosporines (céfotaxime, ceftriaxone). Elles sont en revanche souvent sensibles aux carbapénèmes (méropénème, imipénème).
Dans ce contexte de pyélonéphrite obstructive sur probable obstacle lithiasique, l’hématurie est probablement d’origine urologique en rapport avec l’abrasion de l’urothélium par le calcul.
Le scanner abdomino-pelvien sans injection confirme votre suspicion de pyélonéphrite obstructive sur lithiase de l’uretère lombaire de 15 mm et de densité de 1 300 UH. Les cavités pyélocalicielles du rein droit en amont sont dilatées.
Vous contactez vos collègues urologues pour organiser en urgence une pose de sonde JJ sur l’uretère droit.
Le reste du bilan sanguin vous revient : natrémie = 140 mmol/L ; kaliémie = 3,9 mmol/L ; créatininémie = 62 µmol/L (débit de filtration glomérulaire [DFG] estimé selon le CKD-EPI [Chronic kidney disease epidemiology collaboration] à 105 mL/min/1,73 m²) ; urée = 4 mmol/L ; bicarbonatémie = 22 mmol/L ; protéine C réactive (CRP) = 288 mg/L ; calcémie = 2,53 mmol/L ; albuminémie = 32 g/L ; phosphatémie = 0,45 mmol/L (normale entre 0,7 et 1,5 mmol/L).
Les hémocultures et l’ECBU reviennent positifs à Klebsiella pneumoniæ sauvage.
Question 3 - Concernant ces résultats, quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
En cas d’obstacle sur un rein (et lorsque l’autre rein fonctionne), on n’observe pas classiquement d’insuffisance rénale.
Klebsiella pneumoniæ est une entérobactérie du groupe 2. Même à l’état sauvage, elle a une pénicillinase qui la rend insensible à l’amoxicilline. L’association à l’acide clavulanique (inhibiteur de pénicillinase) peut être proposée.
En cas de syndrome de dénutrition, une hypoalbuminémie est classique. De même, une des complications de la renutrition est l’hypophosphatémie. Or, ici, dans ce contexte inflammatoire, l’hypoalbuminémie est classique. Concernant l’hypophosphatémie, il n’y a pas de contexte de renutrition. Cette dernière doit par ailleurs être évaluée avec la calcémie (l’association d’une hypercalcémie et d’une hypophosphatémie doit faire évoquer une hyperparathyroïdie).
La calcémie corrigée est à 2,73 mmol/L [Ca corrigé = Ca mesuré - 0,025 x (albuminémie - 40)]. Une hypercalcémie est définie par une calcémie > 2,6 mmol/L. Idéalement, il faut confirmer l’hypercalcémie avec un dosage de la calcémie ionisée (> 1,3mmol/L).
Le traitement de la lithiase n’est jamais réalisé en urgence notamment en contexte septique. Il est à organiser à distance et la modalité sera fonction de la taille du calcul, de sa localisation et de sa densité. La lithotritie n’est par ailleurs pas indiquée en cas de calculs urétéraux > 10 mm. On privilégiera dans cette indication l’urétéroscopie souple.
Vous demandez un dosage de calcémie ionisée qui revient à 1,38 mmol/L. L’électrocardiogramme (ECG) est sans particularité. L’état neurologique de la patiente est normal.
Question 4 - Concernant ces résultats, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
En l’absence de signe de gravité de l’hypercalcémie, il est licite de proposer un traitement par hydratation seule +/- associé au traitement de la cause.
Le traitement de l’hypercalcémie repose avant tout sur l’hydratation qui diminue l’excrétion urinaire de sodium et augmente l’excrétion de calcium.
Classiquement, les tumeurs peuvent être responsables d’hypercalcémie en rapport avec des métastases osseuses. On n’observe alors pas d’hypophosphatémie. Toutefois, dans certains cas, certaines tumeurs (cancer du sein, carcinome épidermoïde du poumon) peuvent produire une hormone PTH-like (PTHrp) qui peut mimer une hyperparathyroïdie avec hypercalcémie et hypophosphatémie. Il s’agit d’un syndrome paranéoplasique.
L’association d’une hypercalcémie et d’une hypophosphatémie doit faire rechercher une hyperparathyroïdie par dosage de la PTH.
Le signe de Trousseau ou signe de la main d’accoucheur est un signe observé en cas d’hypocalcémie. Il correspond au déclenchement d’un spasme carpien obtenu en réduisant l’apport sanguin à la main avec un garrot ou le manchon d’un tensiomètre gonflé.
Vous demandez un dosage de la PTH qui revient à 48 pg/mL (normale entre 6 et 50 pg/mL).
Question 5 - Concernant ces résultats, quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
La PTH est ici inadaptée aux valeurs de calcémie. En effet, en situation d’hypercalcémie, on attend une PTH effondrée. Le diagnostic retenu ici est donc une hyperparathyroïdie primaire.
L’hyperparathyroïdie s’accompagne d’une augmentation de l’hydroxylation de la vitamine D au niveau rénal (passage de 25-hydroxycholécalciférol à 1,25-dihydroxycholécalciférol ou calcitriol). Le calcitriol est responsable de l’augmentation de l’absorption digestive du calcium et du phosphate. Toutefois, cet effet est contrebalancé par la fuite urinaire de phosphate au niveau rénal liée à l’action directe de la PTH sur les transporteurs du phosphate.
L’hyperparathyroïdie primaire s’accompagne d’une résorption osseuse accrue et peut être responsable d’une déminéralisation osseuse avec risque accru de fracture notamment au niveau du poignet.
En cas d’hypercalcémie sur hyperparathyroïdie primaire, en cas d’indication de traitement, la parathyroïdectomie doit être privilégiée. Le traitement par calcimimétique doit être réservé aux situations de contre-indication opératoire (sujet très âgé, traitement anticoagulant...) ou en relais vers l’opération, notamment en cas d’hypercalcémie très sévère.
L’hyperparathyroïdie primaire peut être la conséquence d’une prise chronique de lithium (adénome ou hyperplasie). En général, l’hypercalcémie est modérée et il n’y a pas de lithiase.
Vous concluez à une hyperparathyroïdie primaire devant ce tableau d’hypercalcémie, d’hypophosphatémie avec PTH inadaptée. L’ostéodensitométrie met en évidence un T-score à - 3 au niveau du radius, - 2,6 au niveau du col fémoral gauche et - 1,5 au niveau du rachis.
Après discussion avec les chirurgiens ORL, vous optez pour un traitement radical par parathyroïdectomie ciblée après réalisation d’une échographie parathyroïdienne et d’une tomographie à émission de positons à la choline (TEP-choline) retrouvant un adénome hypermétabolique de la parathyroïde inférieure droite.
Question 6 - Concernant cette hyperparathyroïdie primaire, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
L’ostéoporose est définie par un T-score  - 2,5 au niveau du fémur ou au niveau du rachis. Classiquement, la définition de l’ostéoporose ne prend pas en compte la densité au niveau du poignet mais la déminéralisation osseuse prédomine au niveau du radius (os cortical) au cours de l’hyperparathyroïdie primaire.
Les indications d’un traitement radical de l’hyperparathyroïdie sont :
– fracture(s) osseuse(s) avérée(s) ou à basse énergie (chute de sa hauteur) ou T-score < - 2,5 DS sur l’ostéodensitométrie à n’importe quel site (col fémoral, hanche, poignet, rachis) ;
– colique néphrétique avérée, ou lithiases des voies excrétrices urinaires, ou néphrocalcinose sur radiographie, échographie ou tomodensitométrie (TDM) ;
– débit de filtration glomérulaire (eDFG) ou clairance de la créatinine < 60 ml/min/1,73m2 ;
– calciurie des 24 h > 6,25 mmol/j (250 mg/j) (femme) ou > 7,5 mmol/j (300 mg/j) [homme] ;
– calcium > 0,25 mmol/l (10 mg/L) au-dessus de la valeur normale haute ;
– âge < 50 ans de façon formelle, à adapter jusqu’à < 70 ans en fonction de l’espérance de vie/souhait du patient.
En cas d’association avec une un adénome hypophysaire, ou une tumeur neuro-endocrine, il faut rechercher une mutation de la ménine (NEM1). En cas d’association avec un phéochromocytome ou d’un carcinome médullaire de la thyroïde, il faut rechercher une mutation du gène RET (NEM2A).
En situation d’hyperparathyroïdie primaire, il existe une hypercalciurie favorisant les calculs calciques (oxalocalciques ou phosphocalciques). Cette pathologie n’est pas associée à un risque majoré de calcul d’acide urique.
Le tériparatide est un analogue de la PTH utilisé pour le traitement de l’ostéoporose et dont l’utilisation est validée en cas d’antécédent d’au moins deux fractures vertébrales. L’un de ses effets secondaires par analogie avec la PTH endogène est l’hypercalcémie.
L’intervention est prévue dans trois semaines. La patiente vous interroge sur le risque de récidive de la maladie lithiasique.
Question 7 - Quelle(s) est/sont la/les réponse(s) exacte(s) ?
La consommation excessive de sel majore l’hypercalciurie, elle-même favorisant la formation de calculs.
Les apports en calcium restent indispensables même en cas de lithiase oxalocalcique. En plus de fournir l’apport calcique nécessaire, ils permettent la chélation digestive de l’oxalate alimentaire diminuant l’absorption d’oxalate. On suggère un apport calcique de l’ordre de 800 à 1 200 mg/j.
Le citrate de potassium est inhibiteur de la cristallogenèse urinaire et peut permettre dans certaines situations de lithiase récidivante de diminuer la récurrence des calculs.
L’acidose tubulaire proximale (type 2) et l’acidose tubulaire distale hypokaliémique (type 1) sont des situations à risque de lithiase. En effet, elles s’accompagnent toutes deux d’une hypocitraturie favorisant la cristallogenèse. Par ailleurs, l’acidose tubulaire proximale est responsable d’une phosphaturie importante ainsi que d’une bicarbonaturie (majorée lors du traitement) favorisant les calculs phosphocalciques précipitants à pH alcalin. L’acidose tubulaire distale hypokaliémique, quant à elle, favorise une hypercalciurie avec parfois même risque de néphrocalcinose.
La bière est riche en purines (avec ou sans alcool), précurseurs de l’acide urique. Elle favorise donc la récurrence des calculs d’acide urique. Elle ne favorise par les lithiases calciques, observées en cas d’hyperparathyroïdie primaire.

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