Vous êtes appelé aux urgences pour une patiente de 50 ans devant l’apparition brutale d’une éruption cutanée prurigineuse dans un contexte de fièvre à 39,5 °C depuis trois jours. 

Elle est actuellement hospitalisée dans une clinique psychiatrique pour troubles bipolaires persistants depuis début septembre.

Elle vous dit se sentir « gonflée » au niveau du visage et des mains depuis deux jours.

Vous évoquez un rash maculo-papuleux devant les images suivantes.

Vous interrogez votre patiente avec rigueur : elle vous dit être inquiète parce que depuis son hospitalisation en hôpital psychiatrique, plusieurs médicaments ont été introduits pour équilibrer ses troubles psychiatriques. L’éruption a débuté le 11 décembre.

Ci-joint l’ensemble des traitements qu’elle vous remet :

– lithium 400 mg, 2 comprimés par jour ;

– lamotrigine 250 mg ;

– bromazépam 20 mg ;

– oxazépam 50 mg ;

– alimémazine 0-0-15 gouttes.

Source : B. Demarez.
Source : B. Demarez.
Question 1 - Concernant les signes d’une toxidermie grave chez cette patiente, vous retrouvez :
Rash, pas érythrodermie (notion de temps, chronicité/rash : aigu).
Oriente vers un syndrome DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms).
Oui, à toujours rechercher devant un rash maculo-papuleux. 
Pas d’atteinte nécrotique ou purpurique chez cette patiente, mais à rechercher comme signe de gravité.
Un rash maculo-papuleux bénin peut entraîner un prurit féroce sans pour autant être grave.
Signe de gravité en premier à rechercher devant tout rash maculo-papuleux, surtout ceux dont l’étiologie paraît médicamenteuse : le décollement cutané, à la recherche d’un syndrome de Lyell. 
 
Pour rappel :
Rash d’origine virale :
– caractère monomorphe des lésions ;
– énanthème fréquent (à différencier des chéilites, stomatites) ;
– fièvre plus fréquente ;
– contexte de contage familial ;
– contexte épidémique ;
– enfant > adultes ;
– adénopathies possibles. 
Rash d’origine médicamenteuse :
– caractère polymorphe des lésions ;
– pas d’énanthème mais atteinte muqueuse fréquente par destruction de l’épiderme (chéilites, stomatites) ;
– fièvre possible mais signe de gravité ;
– prurit souvent féroce ;
– chronologie médicamenteuse compatible ;
– éosinophilie.
La patiente ne présente pas de décollement cutané mais elle est toujours fébrile à 39,5 °C sans signe fonctionnel autre pouvant expliquer la fièvre, elle est hémodynamiquement stable. Vous palpez de multiples adénopathies axillaires et cervicales bilatérales douloureuses ainsi qu’une infiltration du visage.
Vous hospitalisez la patiente en service de dermatologie et effectuez le bilan sanguin suivant :
– Hb : 13 g/dL ;
– éosinophiles : 2 G/L ;
– leucocytes : 25 G/L ;
– lymphocytes : 21 G/L ;
– plaquettes : 49 G/L ;
– créatininémie à 190 µmol/L avec DFG = 30 ml/min ;
– ASAT-ALAT > 12 N ;
– protéine C réactive (CRP) : 120 mg/L.
Question 2 - Concernant les critères de gravité biologique chez cette patiente, vous retrouvez :
Pas un critère de gravité, pas de risque vital d’une hyperleucocytose.
Oui, surtout dans le cadre d’un DRESS.
Non, simple syndrome mononucléosique.
Oui, critère de syndrome DRESS.
Non, possible dans le cadre des toxidermies, pas un critère de syndrome de DRESS, aspécifique.
Toujours rechercher les critères biologiques de DRESS devant une toxidermie (pas de score standardisé) :
– hyperéosinophilie > 1,5 G/L ;
– thrombopénie < 50 G/L ;
– insuffisance rénale aiguë ;
– insuffisance hépatique aiguë.
À noter : l’hyperéosinophilie dans le DRESS peut être retardée, et n’élimine pas le diagnostic à la phase initiale de la toxidermie.
Question 3 - La patiente est toujours fébrile à 39 °C. Devant ces résultats biologiques, vous demandez en urgence (une seule réponse possible) :
Fièvre d’origine iatrogène, sur la toxidermie, pas d’origine infectieuse dans ce contexte
Attention ! Hépatite aiguë car ASAT-ALAT > 10 N.
L’urgence, c’est la recherche d’une hépatite aiguë grave !
Pas en urgence, mais a un intérêt compte tenu de la formule leucocytaire.
Pas en urgence, mais réactivation virale possible dans les syndromes de DRESS des sérologies d’herpèsvirus humain de type 6 (HHV-6).
Pas en urgence, mais à faire dans le contexte d’insuffisance rénale aiguë.
Dans ce contexte d’hépatite aiguë avec ASAT-ALAT > 10 N, il faut toujours rechercher une hépatite aiguë grave caractérisée par un TP < 50 %.
C’est l’urgence vitale à rechercher.
Au cours des hospitalisations des patients pour syndrome DRESS, un taux de prothrombine (TP) doit être vérifié chaque jour (risque d’atteinte hépatique grave à tout moment).
Vous êtes rassuré, le TP de votre patiente est normal (> 90 %).
Question 4 - Concernant l’hyperleucocytose majeure :
Prédominance d’une augmentation des lymphocytes, pas des PNN.
Prédominance d’une augmentation des lymphocytes, pas des PNN.
Recherche de syndrome mononucléosique.
Une augmentation des lymphocytes hyperbasophiles, mais pas une basophilie ! Pas d’augmentation de la lignée des basophiles.
Fréquent dans le syndrome DRESS, une des causes de syndrome mononucléosique.
Hyperleucocytose majeure avec prédominance d’une augmentation des lymphocytes.
Évoquer un syndrome mononucléosique : augmentation des lymphocytes hyperbasophiles au frottis sanguin, souvent déjà analysé par le laboratoire au moment du rendu du bilan biologique.
Les médicaments sont une cause possible de syndrome mononucléosique, surtout dans le cadre d’un syndrome DRESS : soit une action directe du médicament, soit une réactivation de HHV-6 fréquente dans le cadre du syndrome DRESS (HHV-6 ou roséole, une des causes virales de syndrome mononucléosique chez l’enfant).
Question 5 - Devant l’ensemble des données cliniques et biologiques, quelle toxidermie évoquez-vous ?
Pas de décollement cutané.
Pas de décollement cutané.
Pustules au niveau des plis, rapidité après introduction médicamenteuse.
Fièvre et altération de l’état général (AEG) majeure.
Fièvre, adénopathie, syndrome mononucléosique, œdème du visage et des extrémités.
Pour rappel :
– érythème polymorphe : trois étiologies → post-récurrence herpétique, pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae, médicamenteuse ;
– caractérisé par des lésions en forme de cible avec trois ronds concentriques et un centre souvent bulleux ;
– PEAG : rapidité d’évolution (48 heures après l’introduction médicamenteuse) ;
– tableau de pustules généralisées au niveau des plis avec fièvre et AEG ;
– hyperleucocytose à PNN ;
– Lyell/Stevens-Johnson : nécrolyse épidermique toxique (syndrome NET) → décollement cutané.
Vous concluez donc à un probable syndrome DRESS devant les atteintes cliniques et biologiques caractéristiques sans critère de gravité hépatique immédiat.
Vous reprenez l’enquête médicamenteuse ci-jointe :
– lithium 400 mg 0-0-2 débuté il y a un an ;
– lamotrigine 250 mg débuté il y a un mois ;
– bromazépam 20 mg débuté il y a six mois ;
– oxazépam 50 mg depuis dix ans ;
– alimémazine 0-0-15 gouttes depuis cinq ans.
Question 6 - Parmi les médicaments de la patiente, celui dont l’imputabilité extrinsèque est la plus forte est :
Lamictal : gros pourvoyeur de syndrome DRESS et de Lyell ! (v. tableau ci-dessous)
 

Imputabilité intrinsèque : médicaments introduits dans les 2 à 6 semaines avant le rash.
Imputabilité extrinsèque : médicaments connus dans la littérature comme gros pourvoyeurs de syndrome DRESS.
Vous arrêtez donc les médicaments introduits dans les deux mois précédant l’éruption et surveillez de près votre patiente cliniquement et biologiquement par un bilan biologique quotidien :
Question 7 - Que craignez-vous en lisant l’évolution du bilan biologique et dans ce contexte de syndrome DRESS ? (une seule réponse juste)
Aucune raison, même si anémie et thrombopénie.
Hyperferritinémie ++++.
Fréquent dans les DRESS, à connaître (v. critères ci-dessous).
Pas de notion d’héparine dans le cas clinique.
Anémie et thrombopénie auto-immune.
Pas d’augmentation du risque d’auto-immunité dans le syndrome DRESS.
Définition clinique, pas biologique.
 

Syndrome d’activation macrophagique à connaître, possible dans le cadre du syndrome DRESS.
Critères de DRESS
Cinq au moins parmi les huit critères suivants (surtout pour les formes acquises et de l’adulte, le contexte étant important : immunodépression, cancer…) :
– fièvre ;
– splénomégalie ;
– cytopénies sur au moins deux lignées :
. Hémoglobine < 9 g/dL (< 11 si enfant < 1 mois),
. Plaquettes < 100 G/L,
. Neutrophiles < 1 G/L,
ferritinémie > 500 µg/L ;
– hypertriglycéridémie > 3 mmol/L et/ou hypofibrinogénémie (< 1,5 g/L) ;
– récepteur soluble de l’interleukine 2 (sCD 25) > 2 400 U/mL ;
– activité NK diminuée ou absente ;
– hémophagocytose (moelle, rate, ganglions)*.
* Le myélogramme est indispensable pour affirmer l’hémophagocytose.

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