Une femme de 37 ans, d’origine congolaise, en France depuis 15 ans, se présente à votre consultation d’obstétrique en maternité de type 1, pour une consultation de suivi de sa 1ère grossesse à 28 semaines d’aménorrhée (SA). Elle est primigeste, n’a pas d’antécédents particuliers et pèse 78 kg pour 1,65 m.

Sa dernière consultation obstétricale avait indiqué la nécessité d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) pour suspicion de diabète gestationnel. L’examen clinique est normal, la hauteur utérine est adaptée pour le terme, et le rythme cardio-fœtal est normal.

Les paramètres vitaux sont : fréquence cardiaque (FC) = 92 bpm ; pression artérielle (PA) = 155/95 mmHg à 2 reprises ; saturation en oxygène (SpO2) = 99 % en air ambiant, température (T°) : 36,7°C.

Vous recevez les résultats du test d’HGPO ce jour : H0 = 0,88 g/L, H1 = 1,82 g/L, H2 = 1,44 g/L.
Question 1 - Parmi les propositions suivantes, indiquez celle(s) qui est (sont) en accord avec votre interprétation du tableau clinico-biologique et votre prise en charge.
La patiente présente une HTA gravidique étant donné qu’elle apparaît après 20 SA chez une femme auparavant normotendue.
Les IEC et antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) sont contre-indiqués pendant la grossesse car fœto-toxiques.
Les alpha- et bêtabloquants (labétalol/Trandate) sont indiqués et utilisés en pratique courante.
La valeur de la glycémie à H1 est pathologique, voici les normes : H0 < 0,92 g/L ; H1 < 1,8 g/L ; H2 < 1,53 g/L.
Une seule valeur pathologique permet de conclure à un diabète gestationnel.
La patiente présente comme facteur de risque l’âge supérieur à 35 ans et l’indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 25 kg/m2.
Il n’y a pas de risques de malformations dans le diabète gestationnel contrairement au diabète préalable à la grossesse car la survenue est postérieure à l’organogenèse (la macrosomie n’est pas une malformation).
(Source : Collège de gynécologie-obstétrique.)
Un traitement par labétalol est débuté dans ce contexte d’HTA gravidique.
Question 2 - Dans ce contexte d’HTA gravidique et de diabète gestationnel, indiquez quelle(s) est (sont) la (les) mesure(s) qui fait (font) partie de votre prise en charge.
Les diurétiques sont contre-indiqués pendant la grossesse car ils réduisent la perfusion placentaire.
Les antidiabétiques oraux sont contre-indiqués pendant la grossesse, on débute par des mesures hygiéno-diététiques et si elles ne sont pas suffisantes on préconise une insulinothérapie.
Rechercher une protéinurie pour éliminer une pré-éclampsie.
Vous suivez la patiente régulièrement, sa PA est bien contrôlée, il n’y a pas de retentissement fœtal sur les échographies de contrôle, les glycémies sont bien équilibrées sous insulinothérapie.
La patiente se présente aux urgences de la maternité (type 1) à 31 SA pour des acouphènes, une douleur abdominale épigastrique et des œdèmes des membres inférieurs (OMI). À l’examen vous retrouvez une tension à 165/95 mmHg, des réflexes ostéo-tendineux (ROT) vifs et diffusés.
Question 3 - Indiquez la (les) proposition(s) qui fait (font) partie de votre interprétation du tableau clinique et quelle(s) est (sont) votre (vos) examen(s) paraclinique(s).
On suspecte une pré-éclampsie sévère précoce car survenue avant 32 SA.
Les facteurs de sévérité d’une pré-éclampsie sont :
– HTA sévère (pression artérielle systolique [PAS] > 160 mmHg et/ou pression artérielle diastolique [PAD] > 110 mmHg) ;
– atteinte rénale avec oligurie (< 500 mL/24 h) ou créatinine > 135 μmol/L, ou protéinurie > 5 g/24 h ;
– œdème aigu du poumon (OAP) ;
– barre épigastrique persistante, nausées, vomissements ;
HELLP syndrome : hémolyse ; ASAT > 3 fois les normes ; thrombopénie < 100 G/L-1 ;
– éclampsie ou troubles neurologiques rebelles (troubles visuels, réflexes ostéo-tendineux vifs voire polycinétiques, céphalées violentes, phosphènes, acouphènes) ;
– hématome rétroplacentaire (HRP) ou retentissement fœtal (retard de croissance intra-utérin [RCIU]).
Attention ! Les OMI ne sont pas un facteur de sévérité de la pré-éclampsie.
Il faut réaliser une échographie abdominale devant la douleur abdominale épigastrique à la recherche d’un hématome sous-capsulaire du foie.
(Source : Collège de gynécologie-obstétrique.)
Vous faites réaliser une protéinurie sur échantillon qui retrouve une protéinurie à 0,07 g/mmol de créatinine.
La patiente présente une persistance des signes neurologiques avec acouphènes, céphalées, ROT vifs et diffusés et une douleur épigastrique en barre.
Question 4 - Indiquez la (les) mesure(s) qui fait (font) partie de votre prise en charge.
Attention ! Pour la pré-éclampsie, le seuil de protéinurie est de 0,3 g/j = 0,3 g/g de créatinine = 0,03 g/mmol de créatinine.
Traitement antihypertenseur IVSE en urgence, labétolol (Trandate), nicardipine (Loxen), clonidine (Catapressan) pour objectif tensionnel < 160/90 mmHg. On tolère une pression artérielle supérieure à 140 mmHg pour permette une bonne perfusion placentaire. Une fois que l’accouchement a eu lieu il faut avoir des objectifs tensionnels plus drastiques < 140 mmHg.
Ici, on retrouve la présence de signes neurologiques, il faut ajouter du sulfate de magnésium pour prévenir une éclampsie.
Il faut transférer la patiente dans une maternité de niveau adapté (type 3), une maternité de type 1 n’a pas le plateau technique pour prendre en charge la mère et l’enfant dans le cas d’une pré-éclampsie (réanimation adulte et néonatale).
Il faut faire une corticothérapie pour la maturation fœtale étant donné que la grossesse est à moins de 34 SA, mais seules la dexaméthasone et la béthaméthasone passent la barrière hémato-placentaire, la méthylprednisolone n’aura pas d’effets sur la maturation du fœtus.
Votre patiente est mise sous labétolol IVSE, sulfate de magnésium IV, et reçoit une corticothérapie de maturation fœtale par déxaméthasone. 
L’échographie fœtale réalisée montre un RCIU au 6e percentile, avec un Doppler ombilical pathologique.
Le bilan biologique réalisé en urgence retrouve les valeurs suivantes : hémoglobine : 10,8 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) : 89 fl ; leucocytes : 9 500/mm3 ; plaquettes : 45 000/mm3 ; ASAT : 150 UI/L (N < 45) ; ALAT : 165 UI/L (N < 45) ; phosphatases alcalines (PAL) : 140 UI/L (N < 120) ; gamma-glutamyl-transpeptidases (GGT) : 61 UI/L (N < 45) ; bilirubine totale : 18 mmol/L.
Frottis sanguin : présence de schizocytes.
Na : 139 mmol/L ; K : 4,5 mmol/L ; urée : 5,5 mmol/L ; créatinine : 75 umol/L.
Taux de prothrombine (TP) : 80 % ; temps de céphaline activée (TCA) : 1,02 ; D-dimères : 1 200 ug/L.
Question 5 - Indiquez quel(s) est (sont) le(s) diagnostic(s) compatible(s) avec le tableau clinique.
Un HELLP syndrome est une microangiopathie thrombotique, c’est-à-dire des lésions endothéliales qui activent le facteur tissulaire avec agrégation plaquettaire et lyse des hématies sur ces caillots, responsable de thrombopénie par agrégation plaquettaire et hémolyse mécanique (schizocytes).
Cette situation est typique d’un HELLP syndrome, avec des stigmates d’hémolyse (attention ! il n’y a pas forcément d’anémie dans le HELLP syndrome), une cytolyse hépatique et des plaquettes abaissées.
Le TP est normal, les D-dimères sont augmentés chez la femme enceinte et encore plus en situation d’hémolyse, ils ne sont pas interprétables ici.
Même en l’absence de test de Coombs, le contexte n’oriente absolument pas vers une hémolyse auto-immune.
Le HELLP syndrome ne donne pas d’insuffisance hépatique.
Une cholestaste gravidique implique qu’elle ne soit pas liée à une pathologie.
La patiente présente donc un HELLP syndrome.
Question 6 - Parmi les propositions suivantes, indiquez celle(s) qui fait (font) partie de votre prise en charge.
Ici, on a des critères de gravité nécessitant une extraction immédiate du fœtus même s’il est à 31 SA, les plaquettes sont inférieures à 50 000/mm3, il faut arrêter la grossesse le plus rapidement possible. C’est la césarienne qui permet d’extraire l’enfant le plus rapidement possible. Le taux de plaquettes inférieures à 50 000/mm3 contre-indique une anesthésie péri-médullaire (rachianesthésie) et nécessite donc une anesthésie générale.
Les déclenchements pour accouchement par voie basse sont possibles en l’absence de signes de gravité.
Pas de transfusion de culots plaquettaires, car il s’agit d’une thrombopénie périphérique (MAT), absence de rendement transfusionnel et risque d’aggravation de la MAT.
L’hémoglobine ne risque pas de chuter brutalement, il faut la surveiller mais ce n’est pas le problème principal.
Critères de gravité justifiant l’extraction immédiate du fœtus selon le Collège de gynécologie-obstétrique :
– HTA instable et non contrôlable par le traitement médical ;
– signes fonctionnels francs et permanents (céphalées violentes…) ;
– perturbations biologiques sévères et/ou évolutives : CIVD, cytolyse hépatique, thrombopénie < 50 G/L, insuffisance rénale franche ;
– troubles visuels, crise d’éclampsie ;
– altérations du rythme cardiaque fœtal alors que le fœtus est vivant et présumé viable ;
– altérations sévères prolongées ou évolutives des Doppler fœtaux.
(Source : Collège de gynécologie-obstétrique/RFE, SFAR, 2009.)
La patiente a bénéficié d’une césarienne en urgence, l’enfant est hospitalisé en soins intensifs en raison d’un RCIU sévère et des conséquences de la prématurité induite.
La patiente présente en post-césarienne une pression artérielle à 158/97 mmHg, la douleur épigastrique et les céphalées persistent avec des troubles visuels de type vision floue, les réflexes ostéo-tendineux sont toujours vifs.
Le bilan biologique retrouve : hémoglobine = 9,5 g/dL ; VGM = 87 fl ; leucocytes = 12 500/mm3 ; plaquettes = 38 000/mm3 ; ASAT = 145 UI/L (N < 45) ; ALAT = 160 UI/L (N < 45) ; PAL = 138 UI/L (N < 120) ; GGT = 72 UI/L (N < 45) ; bilirubine totale = 17 mmol/L.
Frottis sanguin : présence de schizocytes.
Na = 138 mmol/L ; K = 4,3 mmol/L ; urée : 5,5 mmol/L ; créatinine : 75 umol/L.
Question 7 - Parmi les propositions suivantes, indiquez la (les) mesure(s) que vous réalisez :
L’échographie abdominale doit rechercher un hématome sous-capsulaire du foie dans ce contexte de HELLP syndrome avec douleur abdominale persistante.
L’association pré-éclampsie, céphalées, troubles visuels persistants doit faire réaliser un fond d’œil à la recherche de signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) ou de complications de l’HTA, et une IRM cérébrale pour rechercher une encéphalopathie postérieure réversible (aussi appelé PRESS) qui se manifeste par :
– ralentissement psychomoteur, confusion ;
– céphalées persistantes ;
– nausées et vomissements ;
– réflexes ostéo-tendineux vifs ;
– convulsions ;
– troubles visuels (vision floue, scotome scintillant, négligence visuelle, hémianopsie ou cécité corticale).
Le traitement est le contrôle de la pression artérielle et la surveillance de complications.
L’éclampsie et le HELLP syndrome sont possibles jusqu’à 1 semaine après l’accouchement.
Le sulfate de magnésium est poursuivi devant la persistance des signes neurologiques.
Un contrôle strict < 140/90 mmHg doit être réalisé en post-partum car il n’y a plus nécessité d’assurer une bonne perfusion placentaire.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien