Vous recevez en consultation un jeune homme de 15 ans, Tristan, accompagné de ses parents qui s’inquiètent des propos tenus par leur fils ces derniers temps. Si depuis quelques mois Tristan les reprenait lorsqu’ils disaient un « gros mot », à présent à la maison ces mots sont interdits car « ils portent malheur » d’après Tristan. Hier, en voyant au journal télévisé des images d’un tsunami, Tristan aurait alors dit : « Oh non ! voilà, à cause de moi, c’est arrivé », avant de courir s’enfermer dans sa chambre. Tristan est un garçon sans antécédent particulier, il est décrit comme « un peu stressé » depuis l’enfance, mais venant « d’une famille de stressés ». Sa scolarité s’est toujours très bien déroulée, cependant depuis son entrée en 3e, ses résultats sont en baisse. Les enseignants le décrivent « dans ses pensées », il semble avoir du mal à se concentrer.

Vous prenez un temps avec Tristan pour discuter de ces éléments. Tristan vous explique avoir sans cesse des pensées étranges. Il vous explique voir dans sa tête certains « gros mots » sans le vouloir. S’il n’arrive pas à ne plus y penser, il craint que des catastrophes se produisent dans son environnement. Il ne veut pas que sa mère prononce ces mots, car par la suite ces derniers apparaissent dans sa tête. Il est alors très anxieux et a peur que quelque chose de grave se produise. À l’école, il décrira avoir fréquemment ces pensées, ce qui l’empêche de se concentrer sur les cours. « À la pause, c’est vrai que je préfère être tout seul, parce que les autres disent tout le temps plein de gros mots. »

Quand vous lui demandez s’il pense vraiment avoir provoqué un tsunami, il vous dira : « Non, c’est absurde, mais j’ai paniqué, hier après-midi, j’ai vu un mot interdit dans ma tête et le soir il y avait le tsunami. »

Rapidement, vous sentez que Tristan est tendu, il se met à fermer les yeux et murmure quelque chose tout en comptant avec sa main. Intrigué, vous vous tournez vers la mère qui vous explique : « Il fait toujours ça pour conjurer le sort, il a dû penser à un de ses mots. »
Question 1 - Vous retrouvez le/le(s) symptôme(s) suivants dans la description clinique :
Les idées délirantes ne sont pas vraiment considérées comme étranges par le sujet. Si, effectivement, penser être à l’origine de catastrophes est égocentré, il ne s’agit pas de mégalomanie (penser être le meilleur, le plus fort, le sauveteur…).
Tristan ferme les yeux, murmure et compte avec ses doigts. Il est probable qu’il soit en train de répéter des mots/une phrase. Il s’agit d’une compulsion très organisée, on parle alors de rituel.
Il évite ses amis à l’école pour ne pas se retrouver dans des situations qui déclencheraient ses troubles obsessionnels compulsifs (TOC).
Le fait de penser que des mots dans sa tête pourraient provoquer un tsunami constitue une pensée magique, celle-ci est critiquée par le sujet.
On retrouve également des obsessions qui sont ici caractérisées par l’irruption d’images en désaccord avec la pensée consciente du sujet, qui sont récurrentes, persistantes, intrusives. Elles sont une source d’anxiété pour le sujet. Ces obsessions sont bien caractérisées par le sujet comme provenant de ses propres pensées, ce qui les différencie d’hallucinations intrapsychiques.
Question 2 - Le diagnostic le plus probable est le suivant :
Pas d’idées délirantes ou d’hallucinations.
La description fait état d’un trouble, d’apparition subaiguë, chez un adolescent, et non pas d’une personnalité pathologique dont les manifestations seraient uniquement ancrées dans le fonctionnement/la cognition du sujet, sans qu’on puisse décrire de réels symptômes.
On retrouve en effet des comportements répétitifs mais rien ne sous-entend la présence d’un trouble des interactions sociales, de la communication.
Il n’y a pas une peur unique/focalisée avec des conduites d’évitement mais bien des obsessions et des compulsions, qui ne sont pas retrouvées dans la phobie.
Ici, on retrouve plusieurs arguments en faveur d’un TOC :
– une obsession à type d’images mentales autour de « gros mots » ;
– des compulsions avec plusieurs séquences qui forment donc un rituel et qui sont réalisées à la suite des obsessions ;
– un âge de début des troubles jeune.
Il s’agit donc du diagnostic le plus probable.
Question 3 - Vous vous orientez vers un diagnostic de TOC, l’(les) élément(s) suivant(s) manque(nt) à la description clinique pour faire ce diagnostic :
Important pour le diagnostic, mais pas nécessaire ici car on sait déjà que le trouble entraîne une répercussion sociale et scolaire.
Il ne s’agit pas d’un critère de diagnostic pour le TOC.
On le retrouve déjà de par l’évitement de ses camarades à l’école, le manque de concentration à l’école.
Il est important de savoir si le tableau clinique est lié à une prise de médicament ou de drogue.
Les compulsions sont présentes ici.
Votre diagnostic de TOC est confirmé. Vos diverses explorations vous ont permis de découvrir que le développement précoce de Tristan était typique, sans retard. En dehors de cette année, il était parfaitement intégré à l’école. Le TOC semble être présent depuis un an environ.
Vous évoquez le diagnostic à Tristan et ses parents. La maman vous explique que plus petit, vers 5-6 ans, Tristan avait besoin d’un rituel le soir pour dormir : « Le soir, il fallait systématiquement lui faire prendre sa douche, lui mettre un pyjama, le laisser descendre à la cuisine pour boire un verre d’eau, dire au revoir au chien et remonter se coucher. Il disait au revoir à ses doudous et pouvait ensuite s’endormir. » Le père ajoute : « C’est vrai que, sans ça, il avait du mal à s’endormir. Parfois on évitait le verre d’eau pour qu’il n’y ait pas d’accident au lit, il finissait par dormir aussi. »
Question 4 - Que pensez-vous du rituel rapporté par les parents ?
Les rituels permettant l’endormissement chez l’enfant sont fréquents. Il s’agit de préparer l’enfant au sommeil, en réalisant chaque soir la même routine. Ces rituels sont plus ou moins complexes. Ils disparaissent avec l’avancée en âge. Dans la description, ce rituel ne semble pas en lien avec un trouble particulier, puisqu’il est modifiable sans conséquence grave sur le sommeil.
Les rituels d’endormissement dans l’enfance ne sont pas prédicteurs de TOC à l’adolescence/âge adulte. Il n’est pas nécessaire de les stopper. Ils sont à évaluer lorsqu’ils prennent trop d’importance/trop de temps.
Tristan a bien conscience de son trouble. Il décrit les obsessions comme des « irruptions de pensées » incontrôlables, mais a bien conscience qu’il s’agit de ses propres pensées. Il caractérise les compulsions comme excessives, invalidantes et est tout à fait d’accord pour débuter une prise en charge.
Question 5 - Votre prise en charge de première intention est la suivante :
Non recommandée dans les TOC.
La stimulation cérébrale profonde est utilisée chez certains patients présentant des TOC sévères et résistants aux premières lignes de prise en charge.
L’éducation thérapeutique et la TCC sont recommandées dans la prise en charge du TOC. L’éducation thérapeutique doit permettre une connaissance du trouble, des symptômes qui y sont liés, de bien connaître la prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse. L’entourage doit y être associé pour accompagner la personne présentant le TOC.
La TCC est la psychothérapie recommandée. Elle permet de travailler sur les pensées dysfonctionnelles, les émotions associées, et de s’exposer progressivement aux facteurs déclenchant le TOC avec le thérapeute pour diminuer la charge anxieuse associée et diminuer les compulsions.
Devant la sévérité du trouble, votre remplaçant a prescrit un traitement médicamenteux par inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) à dose recommandée dans l’épisode dépressif caractérisé. Cependant, alors que le traitement est pris depuis 5 semaines, il n’est pas noté de diminution des obsessions et des compulsions.
Question 6 -Vos hypothèse(s) sont la/les suivante(s) :
Oui, on ne conclut à un échec qu’après 12 semaines de traitement.
Toujours se poser la question de l’observance.
L’insight est bon, Tristan a bien conscience de ses troubles.
Dans le TOC, les ISRS sont souvent prescrits à forte doses en comparaison avec l’épisode dépressif caractérisé.
Les parents s’inquiètent pour la scolarité de leur enfant. Ils se demandant ce qui peut être mis en place pour aider Tristan à l’école.
Question 7 - Vous leur répondez :
Le TOC peut être invalidant au quotidien et peut entraîner des difficultés au niveau scolaire, puis au niveau professionnel. Il est important que le patient soit reconnu dans ses difficultés. Le dossier MDPH permet de quantifier le degré de handicap et de proposer un plan de prise en charge.
Les IME prennent en charge des enfants/adolescents souffrant de déficience intellectuelle.
L’équipe éducative de l’école avec des représentants de la MDPH et les parents peuvent réfléchir au projet d’accueil individualisé, afin de définir les axes de prise en charge de l’enfant avec un trouble, au sein de l’établissement. Il définit par exemple la prise d’un traitement médicamenteux au sein de l’établissement.
Comme tout trouble psychiatrique, les TOC peuvent entraîner un handicap dit psychique qui nécessite des aides, comme tout autre type de handicap.
On ne favorise pas l’évitement.

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