M. V., 41 ans, droitier, est adressé aux urgences où vous exercez, pour un épisode de mouvements cloniques hémicorporels gauches durant près de 10 minutes, sans perte de connaissance, avec un teint bleuté.

Au décours, le patient est ralenti.

Son épouse ne rapporte pas d’antécédent particulier, il ne présente pas de troubles cognitifs. Elle signale tout de même que cela fait plusieurs fois qu’elle touche le bras gauche de son mari sans qu’il ne s’en aperçoive. De plus, il a récemment endommagé le rétroviseur côté conducteur de leur véhicule lors d’une manœuvre de stationnement. Il ne prend pas de traitement. Il ne fume pas et ne boit qu’occasionnellement. Il est sportif, en bon état général par ailleurs. Il se plaint parfois de céphalées avec sensation d’étaux, prédominantes à droite, qui résistaient aux antalgiques simples (paracétamol) depuis plus de 3 semaines.

Cliniquement, vous constatez une hémiparésie brachio-faciale gauche, apparue juste après l’épisode de mouvements anormaux et qui semble être en train de régresser selon les pompiers.
Question 1 : Le(s) diagnostic(s) que vous évoquez sur les données cliniques est (sont) 
Arguments évocateurs d’une crise épileptique :
– durée ;
– mouvements anormaux (objectivés par un témoin) ;
– cyanose ;
– confusion postcritique.
À noter : la perte d’urine n’est pas spécifique d’une crise épileptique, on peut la retrouver dans une syncope.
Autres signes à rechercher :
– morsure latérale de langue ;
– sensation de déjà-vu, déjà-vécu avant la crise ;
– posture anormale avec hypertonie (dont la version).
Arguments pour une crise non épileptique psychogène (CNEP) :
– antécédents psychiatriques ;
– contexte de conflit, de stress ;
– mouvements de négation, balancement du bassin ;
– pleurs, bégaiements, résistance à l’ouverture des yeux ;
– activité motrice asynchrone et irrégulière s’arrêtant et reprenant ;
– conscience préservée au cours d’une activité motrice bilatérale.
Question 2 : Le patient présente une (des) indication(s) à réaliser une imagerie cérébrale urgente car (dites ce qui est vrai
Il n’est pas confus, le ralentissement psychomoteur post-crise, surtout en cas de traitement par benzodiazépine, n’est pas inhabituel. La persistance prolongée de ce ralentissement fera pratiquer une imagerie 
Question 3 : Vous réalisez l’imagerie suivante, décrivez les images (une ou plusieurs réponses correctes)
La lésion prend le contraste mais est pas spontanément hyperdense
Inhomogène
Question 4 : Le(s) autre(s) signe(s) clinique(s) que le patient pourrait présenter en rapport avec cette lésion est (sont)
Syndrome d’Anton-Babinski par atteinte de l’hémisphère pariétal non dominant :
– héminégligence : visuelle, motrice, somesthésique ;
– hémi-asomatognosie ;
– apraxie habillage ;
– anosodiaphorie ;
– anosognosie de l’hémiplégie (si déficit moteur présent par atteinte de l’aire motrice, ex : accident vasculaire cérébral sylvien).
À ne pas confondre avec le syndrome de Gertsmann par atteinte de l’hémisphère pariétal dominant :
– indistinction droite/gauche ;
– agnosie digitale ;
– acalculie ;
– agraphie.
Soudain, le patient fait une nouvelle crise devant vous. Initialement, vous observez que sa main gauche puis son bras présentent une phase tonique puis des mouvements cloniques. Les mouvements s’étendent jusqu’à la face en quelques dizaines de secondes et finalement il perd connaissance et présente une crise tonico-clonique généralisée.
Question 5: La qualification de cette crise est (une ou plusieurs réponses correctes) :
Collège national des enseignants de neurologie : crise somatomotrice jacksonienne : archétype des crises partielles décrites à la fin du XIXe siècle par Jackson : clonies unilatérales avec extension selon la somatotopie ; la marche jacksonienne dure quelques dizaines de secondes, moins d’une minute. Une séquence chéiro-orale des clonies est très évocatrice.
Cela fait 5 minutes que la crise dure sans interruption, sans qu’un traitement médicamenteux n’ait été introduit.
Question 6 : La prise en charge que vous proposez est basée sur
1 mg de Rivotril (clonazépam) ou 10 mg de Valium (diazépam)
Le valium peut être administré en intrarectal, notamment chez le nourrisson, à dose équivalente
IV lente
Si injection trop rapide de Rivotril, risque d’arrêt cardiaque
Les états de mal épileptiques sont définis comme des états épileptiques fixes et durables et caractérisés par la répétition rapprochée de crises récurrentes, avec persistance pendant la phase intercritique d'une altération de la conscience et/ou de signes neurologiques traduisant un épuisement neuronal des aires corticales impliquées dans les décharges électriques. En pratique, deux crises en 30 minutes ou une crise prolongée (30 minutes) pour les états de mal non convulsifs et deux crises généralisées tonicocloniques successives sans retour à la conscience entre les deux ou une crise tonicoclonique de durée supérieure à 5 minutes pour les états de mal généralisés tonicocloniques (urgence vitale).

 

Une fois le patient stabilisé, vous réalisez une IRM cérébrale dont voici des coupes
Le bilan biologique est sans particularité hormis des CPK à 550UI/L (normale entre 0 et 195 UI/L).
Question 7: Au vu de l’ensemble des arguments cliniques et paracliniques, le diagnostic qui semble le plus probable est :
Dans 30 % cas, tumeur cérébrale de l’adulte = gliome tous stades confondus.
Imagerie : tumeurs cérébrales de haut grade, mal limitées, hétérogènes, se rehaussant après injection avec œdème péri-tumoral important.
Ici : prise de contraste irrégulière en anneau entourant un foyer de nécrose, évocateur d’un glioblastome.
Une seule lésion cérébrale visualisée sur cette coupe : peu en faveur d’une métastase. Toutefois se méfier lors de la pratique du bilan car vous n’avez pas vu les autres coupes.
Poumon Q (digestif), rein, sein, thyroïde sont les organes qui métastasent au niveau de système nerveux central.
Question 8 : L’augmentation de la créatine phosphokinase (CPK) à environ 3 fois la normale vous inquiète. Les éléments qui vous semblent indispensables d’être vérifiés immédiatement lors d’une telle anomalie biologique sont 
Risque d’insuffisance rénale
Ici, le patient vient de présenter une crise tonico-clinique généralisée, la souffrance musculaire dans ce contexte (rhabdomyolyse) est à l’origine d’une augmentation transitoire qui peut être supérieure à 3 fois la normale. Vous devez chercher des signes cliniques de rhabdomyolyse : douleur clinique jusqu’à impotence musculaire et urines foncées.
Il est indispensable d’éliminer une complication aiguë, l’insuffisance rénale aiguë (par nécrose tubulaire), et de la prévenir avec une hydratation appropriée. Il n’y a pas de bilan diagnostique à pratiquer en urgence dans ce contexte. Un contrôle biologique est à prévoir dans les jours qui suivent pour s’assurer de la bonne diminution des CPK.
À noter dans les réponses proposées : l’hypothyroïdie et les hémoglobinopathies peuvent être à l’origine d’hyper-CPK aiguë transitoire mais le contexte ici est assez clair pour suspecter la crise motrice généralisée.
Question 9 : Le(s) risque(s) encourus par le patient en cas de non-prise en charge de cette hyper-CPKémie est (sont) 
Les réponses 2 à 5 sont des causes potentielles d’élévation transitoire des CPK mais ne sont pas une complication de ce trouble métabolique.
Les CPK rentrent rapidement dans l’ordre grâce à votre prise en charge. Vous souhaitez poursuivre la prise en charge de la lésion cérébrale.
Question 10 : Un bilan de première intention minimum est à réaliser, vous pratiquez :
À la recherche d’une éventuelle tumeur primitive car la première cause de tumeur cérébrale est la métastase même si l’aspect n’est pas typique., vous n’avez pas vu les autres coupes cérébrales pour s’assurer de l’absence d’autres lésions
Pour rappel les tumeurs gliales du système nerveux central ne métastasent pas en dehors du système nerveux central
À l’inverse : poumon/Q (digestif)/rein/seins/thyroïde peuvent donner des métastases cérébrales

 

Pour rechercher un œdème papillaire, signant une hypertension intracrânienne (HTIC)
Ce bilan ne met pas en évidence d’autre lésion.
Le patient est maintenant hospitalisé en service de neuro-oncologie. Il est stabilisé depuis plusieurs jours d’un point de vue épileptique avec un traitement de fond basé sur une monothérapie.
Il est en attente d’une prise nen charge neurochirurgicale.
Lors de votre visite en service, le patient rapporte des céphalées plutôt matinales avec nausées qui ne cèdent pas malgré les antalgiques de palier 1 (paracétamol) et 2 (tramadol) prescrits. Le patient semble un peu plus ralenti que lors de votre dernière visite, la veille. Il présente une anisocorie avec mydriase droite encore réactive et un strabisme convergent à droite également. Depuis quelques heures l’infirmière vous rapporte l’apparition d’un hoquet incoercible qui agace le voisin de chambre.
Question 11 : Le(s) tableau(x) que semble(nt) présenter le patient est (sont)
Le tramadol peut donner des céphalées avec vertiges et somnolence rarement des anomalies pupillaires, il peut donner la nausée mais pas de hoquet incoercible. Ici c’est à l’urgence vitale qu’il faut penser+++
HTIC : céphalées +/- vomissements +/- troubles de la vigilance +/- troubles visuels
Signes annonciateurs d’engagement :
– majoration de trouble de la vigilance ;
– troubles cardio respiratoires ;
– hypothermie ;
– hoquet.
Engagement temporal : mydriase aréflexique, ptosis, hémiplégie controlatérale et décérébration.
Engagement amygdalien : céphalée occipitale, torticolis, arrêt respiratoire.
Question 12 : Votre conduite à tenir devant ce type de symptômes est basée sur les notions suivantes (dites ce qui est vrai
Ici il n’y a pas d’obstruction ventriculaire qui nécessite une dérivation, une fois la tumeur retirée, l’origine de la compression sera prise en charge
Ici une craniectomie avec un volet seront pratiqués pour retirer la tumeur à l’origine de l’HTIC. Le volet est le plus souvent remis en place après l’intervention
 
Question 13 : La pièce opératoire est envoyée au laboratoire. L’(les) analyse(s) indispensable(s) qui sera (ont) pratiquée(s) sur cette pièce est (sont) 
Recherche méthylation du gène MGMT, mutation du gène IDH et codélétion 1p19q : nouvelle classification des tumeurs 2016 avec rôle majeur de la bio mol+++
Diagnostic histologique
Question 14 : La chirurgie a permis de retirer toute la pièce tumorale vue sur l’imagerie. La (les) séquelle(s) que le sujet peut présenter dans les suites de cette intervention est (sont) : 
Gauche
À noter le patient a fait des crises somatomotrice liées à l’infiltration œdémateuse de la région rolandique, la tumeur elle-même épargne l’aire motrice
Il garde une hypoesthésie modérée de l’hémicorps gauche avec des difficultés à l’habillage.
L’anatomopathologie conclut à un glioblastome, l’immunohistochimie ne retrouve pas de mutations spécifiques. L’IRM cérébrale de contrôle à 48 heures ne retrouve plus de prise de contraste.
Une radiochimiothérapie concomitante (protocole STUPP) est entreprise dans le mois suivant l’intervention après cicatrisation cutanée.
La chimiothérapie proposée est le témozolomide (Témodal), qui sera d’abord administré tous les jours durant 6 semaines puis de façon mensuelle.
Question 15: Les mesures de suivi qui seront pratiquées chez ce patient sont :
Le bilan sera initialement hebdomadaire puis mensuel
Le patient a une apraxie à l’habillage séquellaire qui peut être rééduquée
Pas d’EEG systématique, seulement si signes évocateurs de crises partielles qui pourraient modifier la prise en charge thérapeutique et faire suspecter une récidive
Une IRM sera pratiquée après la radio-chimiothérapie concomitante puis tous les 2 mois durant la chimiothérapie seule
Globalement il faut bien comprendre que la surveillance doit être rapprochée, le glioblastome est une tumeur très agressive avec un risque de récidive locale qui est majeur.

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